Diagnostic et traitement de la dysplasie de la hanche - La Semaine Vétérinaire n° 1957 du 13/09/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1957 du 13/09/2022

Orthopédie

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Audrey Chevassu

Conférencier : Guillaume Ragetly

Article rédigé d’après une conférence organisée lors du congrès vétérinaire FranceVet les 10 et 11 juin 2022 à Paris.

Présentation clinique

La dysplasie de la hanche correspond à une laxité trop importante de la hanche s’installant pendant la croissance. Cette laxité entraîne des mouvements plus importants de la hanche dans son articulation, voire une possible subluxation, endommageant les tissus, en particulier le cartilage et provoquant à terme de l’arthrose à l’origine de douleurs ou de boiteries.

Sur un animal jeune, entre 5 et 15 mois, des signes de gêne ou de douleur peuvent déjà être observés. Il s’agit la plupart du temps de signes aigus tels que de la douleur à la hanche, une baisse d’activité, une course en « bunny hopping » (sauts de lapin), une démarche chaloupée, une proéminence de la hanche (palpable à la marche), une fatigabilité à l’effort et parfois une hyperextension du tarse.

Sur un animal plus âgé, les signes (principalement une boiterie et parfois une atrophie musculaire) apparaissent de manière plus progressive, ils ne sont pas toujours bilatéraux, une hanche pouvant être davantage atteinte que l’autre.

Diagnostic selon l’âge

Le diagnostic passe par deux étapes, l’examen clinique et des radiographies. À l’examen clinique à distance, les signes déjà décrits peuvent parfois être observés (également souvent rapportés par les propriétaires). Mais ils peuvent être plus discrets. Lors de l’examen orthopédique, il est plus facile d’examiner les jeunes chiens en position debout pour moins les contraindre et mieux voir les réactions liées à la manipulation orthopédique. La hanche est mise en hyperextension de manière progressive pour limiter la douleur, en évaluant les réactions ou le retrait du membre. Le genou et la hanche sont mis en extension lors de ce mouvement. Il importe de faire attention lors de cette étape à ne pas passer à côté d’une rupture de ligament croisé ou d’une douleur à la jonction lombosacrée, pouvant être révélées également lors de l’hyperextension du membre et pouvant mimer les mêmes symptômes.

Le test d’Ortolani est également possible. Il se réalise sous sédation (par exemple avant les radiographies) et permet de confirmer la dysplasie. Le test se réalise de préférence en mettant le chien sur le dos. Une adduction et une pression vers le bas puis une abduction sont alors exercées. Un « cloc » est entendu, signe que la tête du fémur retourne dans l’articulation. Lorsqu’il est positif, ce test montre une laxité importante de la hanche favorisant la subluxation. Dans certains cas, le test peut être négatif : soit la hanche est parfaite soit elle est très dysplasique et le « cloc » ne peut plus être mis en évidence.

Selon l’âge de l’animal, deux possibilités existent ensuite, soit une radiographie classique uniquement de face des hanches soit des radiographies classiques associées à des radiographies en distraction et en compression. Sur un animal en fin de croissance, la radiographie en distraction apporte peu d’éléments et n’est donc pas nécessaire non plus. Cette radiographie a surtout un intérêt pour un animal jeune, de moins de 19 semaines, pour lequel une corrélation existe entre indice de distraction et risque de développer de l’arthrose des hanches plus tard et surtout pour lequel la symphysiodèse permettra de corriger les hanches.

Sur un animal adulte, une radiographie de face de manière standard est préférée.

Radiographies

Cette radiographie se réalise sous sédation (pour obtenir la relaxation musculaire suffisante à la mise en position du chien). Trois radiographies sont pratiquées : de face, en compression et en distraction.

La radiographie de face permet d’apprécier la congruence articulaire, la présence de subluxation/ luxation, le rebord acétabulaire crânial, la couverture par l’acétabulum de la tête fémorale et les éventuelles modifications ostéo-articulaires liées à de l’arthrose (ligne de Morgan, ostéophytes, aspect de la tête fémorale et la forme du col fémoral). Elle est souvent plus simple en plaçant l’animal dans un coussin type « doggy » ou en le calant avec des serviettes pour surélever son thorax.

La radiographie en compression permet de voir si les têtes fémorales se recentrent bien dans l’articulation et retrouvent leur place. Elle se réalise de face également en demandant à un aide de pousser, avec des blocs de polystyrène par exemple, sur les têtes du fémur au moment du cliché.

Enfin, la radiographie en distraction est réalisée à l’aide d’un distracteur type Pennhip ou Vezzoni dès 16 semaines et permet de calculer l’indice de distraction. Après avoir mesuré la distance entre les deux acétabulums, cette valeur est reportée sur le distracteur à l’aide d’un scotch permettant de savoir à quel niveau celui-ci doit être placé entre les hanches de l’animal. Les hanches sont mises en adduction en rapprochant les genoux et en exerçant un angle d’environ 135° avec la table. L’indice de distraction (ID) est le rapport entre la distance de déplacement entre le centre de la tête lors de la radiographie en compression et celui lors de la radiographie en distraction (d) et le rayon de la tête fémorale (R) soit ID = d/R

Ce rapport est compris entre 0 et 1. Plus il est élevé, plus la distraction est grande et plus la laxité est importante. Un indice inférieur à 0,4 indique une susceptibilité à développer une dysplasie de la hanche très faible, un indice supérieur à 0,7 indique une susceptibilité très haute. Il existe, pour certaines races, des courbes reliant indice de distraction et pourcentage de risque de développement d’une dysplasie de la hanche permettant de mieux définir celui-ci. Pour les autres, dès qu’un indice est supérieur à 0,5 à moins de 18-19 semaines, la symphysiodèse est recommandée afin de limiter le risque de développer de l’arthrose.

Pour les animaux plus âgés, une radiographie de face des hanches est réalisée en veillant à la symétrie du bassin (ilium, trous obturés) avec des fémurs parallèles et des patelles au zénith. La sédation facilite les radiographies, surtout sur des animaux douloureux et est nécessaire pour les radiographies de dépistage.

La symphysiodèse pubienne juvénile

Cette chirurgie consiste à provoquer une rotation externe de l’acetabulum avec la croissance, entraînant une meilleure couverture de la tête du fémur et évitant la subluxation de la hanche.

Après un abord ventral du pubis et une dissection des muscles adducteurs, la plaque de croissance pubienne est cautérisée en plusieurs points à l’aide d’un bistouri électrique sur les deux tiers crâniaux. La vigilance est de mise pour ne pas léser l’urètre et les autres tissus mous situés dorsalement (passer un doigt ou un ustensile sous la symphyse). Les tissus mous et la peau sont ensuite refermés de manière conventionnelle.

Cette chirurgie entraîne une faible morbidité et très peu de complications. Elle nécessite un repos relatif modéré le temps de la cicatrisation (soit une quinzaine de jours), elle est peu douloureuse, rapide, peu invasive et permet de traiter les deux hanches en même temps. Son prix est modéré par rapport à celui d’une double ostéotomie du bassin ou d’une prothèse totale de hanche et nécessite peu de matériel et d’expérience.

Son principal inconvénient est qu’elle doit être réalisée jeune pour être utile (avant 19 semaines), laissant une fenêtre de dépistage puis d’action assez courte. Le dépistage pour les races les plus à risque doit donc être expliqué et proposé très activement dès les premières consultations vaccinales.

Sa limite principale concerne les cas les plus sévères, soit les animaux ayant des indices supérieurs à 0,8 - 0,9, car l’effet peut être alors insuffisant.

Traitements réalisables chez le chien en croissance

Le traitement conservateur est toujours une possibilité. Il comprend différents éléments : une alimentation de qualité, un maintien de l’animal au poids de forme, des compléments alimentaires pour l’arthrose, de la marche et un exercice modéré, de la rééducation professionnelle, etc.

Si la chirurgie se révèle nécessaire, deux possibilités existent.

Depuis une quinzaine d’années, la double ostéotomie du bassin est préférée à la triple ostéotomie du bassin, car elle permet d’économiser une incision à risque du bassin (ostéotomie de l’ischium) passant près de l’anus et parfois responsable de complications. Elle est indiquée en cas de dysplasie associée à des signes cliniques mais sans atteinte cartilagineuse majeure. Lorsqu’il y a un doute sur la présence d’arthrose, il est conseillé de réaliser une arthroscopie pré-opératoire afin de visualiser l’état du cartilage et, selon, d’enchaîner sur la chirurgie la plus adaptée.

La prothèse totale de hanche est possible même sur des animaux jeunes (dès 6-7 mois) à l’aide de prothèse non cimentée dans laquelle l’os s’intègre. Le résultat fonctionnel est souvent optimal même pendant la croissance, avec un taux de succès supérieur à 90 %. Ses deux limites principales restent un prix élevé (environ 5 000 euros) et une certaine technicité associée à une disponibilité restreinte (quelques centres hospitaliers vétérinaires ou cliniques en France).

La résection de la tête et du col fémoral, longtemps beaucoup pratiquée, est considérée aujourd’hui comme une chirurgie de dernière intention uniquement pour limiter la douleur de l’animal. Elle est déconseillée chez un animal jeune qui peut s’améliorer parfois avec l’âge. Les propriétaires doivent être prévenus que le résultat fonctionnel est souvent mitigé : il est considéré comme bon chez 38 % des chiens et mauvais dans 42 % des cas (chez le chat, le résultat est encore moins bon, avec, la présence de signes de douleur pour 80 % d’entre eux un an après la chirurgie et dans 100 % des cas une démarche anormale).

Traitements réalisables chez l’adulte

Chez l’adulte, plusieurs traitements sont possibles. Le traitement conservateur reste envisageable. Il s’agit principalement des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ou des biothérapies (anticorps monoclonaux). Il est associé, comme pour le chien en croissance, à des mesures conservatoires (compléments alimentaires, gestion du poids, alimentation adaptée, exercice modéré).

Les options chirurgicales possibles sont, comme pour le chien en croissance, la prothèse totale de hanche, dans les mêmes conditions (absence d’arthrose) et la résection de la tête et du col fémoral avec pour but surtout la suppression de la douleur.