Existe-t-il au sein des écoles vétérinaires une remise en question écologique de la pratique ? - La Semaine Vétérinaire n° 1957 du 13/09/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1957 du 13/09/2022

EXPRESSION

Auteur(s) : Propos recueillis par Pierre Dufour

À l’instar de nouveaux diplômés de grandes écoles, qui souhaitent pratiquer un métier en accord avec les enjeux écologiques actuels, voire bifurquent pour ces raisons1, un mouvement est-il en train de se mettre en place dans les écoles vétérinaires ?

Clarisse Declume

Étudiante en 3e année à VetAgro Sup et présidente d’EcoVéto Junior

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« On se heurte à des habitudes »

Nous n’observons pas de mouvement de masse au sein des étudiants, ponctuellement certains s’investissent au sein du club EcoVéto Junior, dont l’action vise principalement la vie étudiante sur le campus.

Le club a créé un stock de vaisselle disponible pour les événements, un compost dans la résidence, a organisé des ventes zéro déchet, des conférences de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), ou dernièrement d’Alain Canet, agroforestier, et pour les soirées propose une alternative végétarienne et un tri des déchets. Mais nous nous heurtons à des habitudes, et ces actions ne concernent pas la pratique de la médecine vétérinaire en tant que telle. Certains vétérinaires n’en voient pas l’intérêt, certains sujets sont difficiles à aborder, comme celui de l’asepsie et de l’usage raisonné du matériel à usage unique.

Un comité de transition, avec des étudiants, professeurs et personnels de l’école travaille sur des sujets comme les déchets, l’énergie, les transports ou l’alimentation, mais cela demeure au stade de la réflexion.

Léa Larribeau

Étudiante en 5e à l’ENVT et présidente de l’Ordre vétérinaire du Phoenix Vert

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« Beaucoup d’étudiants sont éco-anxieux »

Pas d’appel à déserter n’a été formulé, comme ce qui a pu se passer en Agro, mais notre génération est peut-être plus sensibilisée à ces problématiques environnementales, d’autant plus étant véto, car connaissant les sujets liés à l’éco-toxicité, à l’antibio-résistance, aux antiparasitaires, à l’élevage et à la santé publique. Certains enseignants participent à cette sensibilisation, et de nombreuses thèses, comme la mienne, ont des thématiques liées à l’agro-écologie.

Je suis assez optimiste car je pense que la profession vétérinaire est relativement libre et peut être force de proposition et intégrer ces considérations écologiques en étant un intermédiaire important, notamment en élevage.

Je trouve que beaucoup d’étudiants sont éco-anxieux, ne savent pas comment agir mais ont néanmoins envie de s’investir. En termes de prise de conscience, elle est plus difficile dans la remise en question de la pratique vétérinaire car elle se heurte à des habitudes et nécessite un temps de réflexion, et concerne davantage la vie quotidienne.

Camille Srun

Étudiante en 6e année à l’ENVA et vice-présidente d’Alfort durable

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« Les initiatives demandent des efforts considérables »

Dans le club, nous sommes moins de dix actifs Les étudiants sont là aux ventes zéros déchets, et presque un cinquième utilise notre compost, mais quand il s’agit de s’investir pour ramasser les déchets sur le campus (400 l récoltés lors de la dernière marche à neuf étudiantes) ou remuer le compost, c’est plus compliqué.

Les initiatives demandent des efforts considérables pour être conduites, du fait du parcours administratif. Par exemple, le projet de poulailler est mené par une étudiante depuis deux ans et aucune poule n’est encore là.

Nous sommes félicitées après la réalisation, mais nous ne nous sentons pas aidées lors de la préparation, alors même que les faits scientifiques sont là : il faut changer nos pratiques et sensibiliser ! Au centre hospitalier vétérinaire d’Alfort (Chuva), stérile égale jetable et le tri des déchets n’est pas organisé, ni facilité, c’est l’équipe d’hospitalisation qui doit s’en charger.

Mais je pense qu’il est difficile de remettre en question sa pratique avec un rythme aussi élevé.

À titre personnel, continuer dans cette voie et posséder un animal de compagnie sont des grands dilemmes.

  • 1. Par exemple le discours de diplômés d’AgroParisTech le 30 avril 2022 visible sur YouTube (urlz.fr/iiP1) ou la tribune d’étudiants des Écoles normales publiée dans Le Monde le 11 mai 2022 (urlz.fr/j7Jj) appelant à une pratique de la recherche scientifique alignée aux enjeux de ce siècle.