Contrôler l’indépendance au sein des sociétés d’exercice vétérinaire, est-ce une bonne idée ? - La Semaine Vétérinaire n° 1958 du 23/09/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1958 du 23/09/2022

EXPRESSION

Auteur(s) : Propos recueillis par Michaella Igoho-Moradel

Faut-il créer une instance de contrôle de l’indépendance « adaptée et efficace » ? Cette mesure est portée par le Conseil national de l'Ordre des vétérinaires dans son Guide de l'indépendance professionnelle des vétérinaires publié en mars dernier. Comment cette proposition est-elle accueillie par les acteurs de la profession?

Laurent Perrin (L 84)

Président du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL) 

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Le contrôle doit se faire a priori

Cette proposition provient d’un rapport du SNVEL, nous ne pouvons que la soutenir ! Pour être efficace, le périmètre d’action de cette instance doit être précisément défini, de même que le type d’indépendance dont on parle. Les opérations de contrôle doivent également pouvoir se faire a priori car actuellement, c'est justement le fait que la recherche se fasse a posteriori qui pose souci. Enfin, la totalité des conventions entre les actionnaires, les gestionnaires et les praticiens, qu’elles soient ou non statutaires, devront pouvoir être examinées. Aujourd'hui, les documents demandés par l’Ordre ne sont pas tous présentés, ce qui limite l’efficacité de son action.
Pour être dissuasives, les sanctions encourues doivent être connues et s'appliquer à l’encontre des personnes qui ne présenteraient pas la totalité des conventions exigibles. Si le champ d’action de cette instance se limite aux affaires vétérinaires, il est naturel que l’Ordre la dirige. Mais il pourrait être pertinent qu'elle soit transversale et intègre d'autres acteurs car la problématique concerne de nombreuses professions, et que son financement soit mutualisé entre toutes.

Émeric Lemarignier (Liège 07)

Président du Syndicat des groupes d’établissements vétérinaires (Syngev)

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Cette instance devrait représenter la diversité de notre profession

La création de cette instance de contrôle de l'indépendance des vétérinaires au sein de leurs structures d'exercice est l’une des propositions défendues depuis sa création par le Syngev. Nous soutenons cette recommandation et sommes même allés plus loin en proposant de créer un statut protégé de lanceur d’alerte. En revanche, l’Ordre ne serait pas légitime pour diriger une telle instance, car il n’est pas représentatif de la diversité de la profession, de sa féminisation et de son rajeunissement. De plus, il est aujourd’hui majoritairement composé de praticiens libéraux alors que le statut de salarié a progressé au sein de la profession. Enfin, l’Ordre mène actuellement une véritable croisade contre les groupes, et ne peut donc prétendre à être à la fois juge et partie. Si une instance de contrôle devait voir le jour, elle devrait représenter la diversité de notre profession et fonctionner de manière collégiale. Pour cela, elle devrait compter dans ses rangs des représentants des syndicats (dont un syndicat de salariés), de l’Ordre, mais aussi des consommateurs.

Christophe Hugnet (L 93)

Président du Syndicat des structures et établissements vétérinaires indépendants de France (Ssevif)

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Il faut mettre en place un dispositif efficace

Assurer l’indépendance professionnelle des vétérinaires est une bonne idée, ainsi que de mettre les moyens pour la garantir. Pour la contrôler, il est nécessaire de mettre en place un dispositif qui soit suffisamment efficace pour que la parole soit libre pour toutes les parties. Étant le garant de cette indépendance, l’Ordre devrait naturellement diriger une telle instance. Il n’y a pas d’autres instances ayant la capacité et la légitimité de le faire. Garantir la qualité des soins vétérinaires et l’indépendance des praticiens est l’une des prérogatives que l’État a confiées à l’Ordre. Les changements qui émergent dans la profession rappellent que la question de l’indépendance reste extrêmement importante. L’actualité nous rappelle que la profession est à la croisée des chemins et que son avenir proche se joue aujourd’hui. Sur la question de la financiarisation, il faudrait que les vétérinaires soient accompagnés par des financiers et non prédatés par eux.