Les besoins du porcelet en colostrum - La Semaine Vétérinaire n° 1958 du 23/09/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1958 du 23/09/2022

Maternité

FORMATION MIXTE

Auteur(s) : Morgane Rémond

Le porcelet naît avec très peu d’armes pour faire face à l’environnement extra-utérin. L’humidité et ses soies peu nombreuses favorisent la sensation de froid ; le peu de réserves de glycogène mobilisable limite sa survie à une douzaine d’heures en l’absence de tétées ; enfin, le système immunitaire est naïf du fait de l’absence de transfert immunitaire passif in utero. Pour faire face à ce milieu « hostile », le porcelet dispose du colostrum de sa mère. Première sécrétion mammaire de la truie, le colostrum va répondre à ses premiers besoins en termes d’énergie et de moyens de défense. La phase colostrale se limite aux 24 heures qui suivent le début de mise bas.

Quantité et qualité du colostrum

Le colostrum se caractérise par une richesse en immunoglobulines (Ig) comparé au lait (pour les IgG : 64,4 mg/ml au début de la mise bas vs 1,0 mg/ml pour le lait1) et une relative pauvreté en énergie (lactose et matières grasses2 : 260 kJ/100g contre 409 kJ/100g à 17 jours).

La qualité du colostrum varie très vite avec une diminution du taux d’IgG d’environ 50 % en 6 h à 12 h (figure), d’où l’importance de sa consommation précoce. Lors de mises bas longues, les derniers-nés sont pénalisés par une qualité immunologique moindre du colostrum.

Le colostrum apporte aussi des cellules de l’immunité (leucocytes notamment), bactéries et autres molécules (enzymes, facteurs de croissance, hormones et vitamines) nécessaires au bon développement du système digestif et du porcelet en général1.

La quantité de colostrum produite varie selon les truies, allant de 1 à 6 kg avec une moyenne3 de 3,5 kg. Cette production est indépendante de la taille de la portée, elle repose sur un contrôle hormonal. Ainsi, des sécrétions hormonales anormales (naturelles ou iatrogènes) peuvent affecter la quantité produite3.

Une consommation minimale de colostrum pour survivre

Contrairement au lait, le colostrum est disponible à volonté durant la phase colostrale. Les porcelets n’ont qu’à aller à la tétine pour boire du colostrum alors qu’en phase lactée, un véritable process comportemental est en place, la truie appelle ses porcelets pour une tétée collective cyclée.

Afin d’assurer une bonne croissance et une immunité de qualité, la consommation minimale attendue par porcelet est de 180 g/kg à la naissance. En dessous de 160 g/kg, le risque de mortalité pré-sevrage augmente3.

Une étude4 montre que remplir cet objectif n’est pas évident. Elle révèle que :

- Un tiers des porcelets présente un déficit d’ingéré et/ou immunitaire à 24 h ;

- Trois fois plus de porcelets sont touchés par un déficit énergétique que par un déficit immunitaire (seuils à 50 g de gain de poids 24 h et 20 mg d’IgG/ml).

Les conséquences de ces déficits s’illustrent dans l’étude de la mortalité pendant les trois premières semaines de vie4. Les porcelets plus à risque de mourir sont ceux ayant :

- Perdu du poids leurs 24 premières heures de vie ;

- Un taux d’IgG < 20 mg/ml à 24 h (59 % de mortalité vs 6-7 % si IgG > 20 mg/ml) ;

- Un poids de naissance < 1 kg (généralement associé à une prise colostrale insuffisante)

D’où l’intérêt d’évaluer la prise colostrale en élevage afin de rendre compte du transfert immunitaire et énergétique. Le protocole repose sur des pesées de porcelets à la naissance (avant prise colostrale) et à 24 h après4. Elles permettent de déterminer un gain de poids en 24 h (GP24) correspondant à une quantité de colostrum consommée2,5. Le GP24 minimal attendu est de 50 g. Dans l’étude4, le GP24 moyen (sur 864 porcelets) était de 87,6 g ±79 g.

Ces pesées sont à coupler à une évaluation de la qualité du colostrum transmis (i) par dosage des IgG du colostrum ou (ii) par évaluation du taux d’IgG sanguin des porcelets à 24 h. À noter que selon la méthode choisie, les informations concernant les anticorps peuvent être plus ou moins spécifiques.

Optimiser la consommation de colostrum

Afin de favoriser la prise colostrale, certains éleveurs pratiquent la tétée alternée. L’objectif est de répartir le colostrum entre les porcelets. En général, les plus gros porcelets sont bloqués pendant environ 1 h afin de favoriser l’accès à la mamelle pour les plus petits. Cette technique demande beaucoup de travail et de rigueur, pour quel résultat ?

D’après une étude menée dans un élevage à très forte prolificité, sur 245 porcelets6, il a été mis en évidence l’importance du blocage sous lampe des petits porcelets avant la mise à la mamelle. Cela va à l’encontre de ce qui était généralement fait : favoriser un accès rapide à la mamelle. Dans l’étude, les porcelets de moins de 1 kg non bloqués perdent 21 g en 24 h alors que les bloqués de même poids en gagnent 57. Ce blocage sous lampe chauffante (1 h à 1 h 30 maximum) limite le risque d’hypothermie plus important chez les petits porcelets et par la suite, favorise la consommation de colostrum.

Pour les gros porcelets, un blocage sous lampe est aussi bénéfique si la durée ne dépasse pas 1 h.

Ainsi, la prise colostrale est un élément majeur pour la vie du porcelet. Certaines pratiques d’élevages doivent être revues afin d’améliorer la consommation de cet « élixir ». Il faut aussi maintenir une attention particulière sur le confort des truies qui restent garantes de la production de ce breuvage.

Le contexte d’adoptions

Certains élevages réalisent des adoptions, il faut être vigilant quant à leur timing. En effet, les cellules de l’immunité apportées par le colostrum présentent une spécificité mère-porcelet et le porcelet doit rester au minimum 12 h sous sa mère pour en recevoir une quantité suffisante5. Cette spécificité mère-porcelet n’est pas valable pour les anticorps. Toutefois les adoptions se font très souvent avec des truies ayant mis bas avant. Donc, même si elles sont encore en phase colostrale, leur colostrum sera moins riche. Les adoptions précoces empêchent donc les porcelets de boire un colostrum riche en IgG et la quantité de cellules immunitaires reçues est très faible.

De fait les recommandations générales d’adoptions sont les suivantes :

- Pas avant 12 h de vie du porcelet (plutôt 20 h) et pas après 48 h ;

- Limiter les adoptions à moins de 15 % ;

- Au maximum 1 porcelet/tétine chez la mère adoptive ;

- Faire adopter par une truie encore en phase colostrale ;

- Privilégier des mères adoptives avec de bonnes qualités laitières et maternelles ;

- Mettre les petits porcelets avec des truies maternelles avec des tétines fines.

1. Bandrick M. et al, 2011. Effect of cross-fostering on transfert of maternal immunity to Mycoplasma hyopneumoniae to piglets. Veterinary Record.

  • 1. Hurley, 2015. Composition of sow colostrum and milk. The gestating and lacting sow.
  • 2. Theil et al, 2014. Neonatal piglet survival : impact of sow nutrition around parturition on fetal glycogen deposition and production of colostrum and transient milk. Animals
  • 3. Quesnel et al, 2015. Influences maternelles sur la consommation de colostrum et la survie néonatale du porcelet. INRA Prod. Anim
  • 4. Launay B. 2018. Evaluation pratique de la prise colostrale en élevage porcin. Thèse de doctorat vétérinaire, Faculté de Médecine, Nantes. ONIRIS, Ecole Nantionale Vétérianire, Agroalimentaire et de l’Alimentation Nantes Atlantique, 148p.
  • 5. Devilliers N. 2004. Variabilité de la production de colostrum chez la truie : origine et conséquences pour la survie du porcelet. Thèse universitaire, Faculté de biologie, Rennes-1.
  • 6. Leneveu et al, 2021. Impact de la pratique des tétées alternées sur la prise colostrale. AFMVP 2021.