EXPRESSION
Auteur(s) : Par Tanit Halfon
La récente enquête1 de l’université Bourgogne-Franche-Comté sur la souffrance au travail aura remis en lumière le poids de l’obligation de permanence et de continuité des soins (PCS) sur la santé des vétérinaires. « Les gardes de nuit constituent un point de crispation majeur », est-il avancé dans l’enquête2. Ce point épineux sera l’un des prochains axes de travail du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires.
Marc Arbona (Liège 06)
Praticien mixte à Cussy-les-Forges (Yonne) trésorier du conseil régional ordinal Bourgogne-Franche-Comté
Avoir un soutien financier
Je considère la continuité des soins comme un principe fondamental de notre profession : en tant que praticien, c’est une contrainte qu’il nous faut collectivement accepter. Mais les limites actuelles du système appellent à son adaptation. Les gardes ne sont pas rentables, d’autant plus lorsqu’elles sont assurées par un salarié de la structure. Outre cette charge financière, j’ai le sentiment que les gardes ne sont pas forcément partagées de manière équitable. Sous couvert qu’elles doivent assumer des gardes en rural, des cliniques mixtes peuvent devoir gérer les urgences en canine des cabinets voisins, sans convention de partenariat. C’est aux pouvoirs publics de se saisir du problème. Un soutien financier constituerait une partie de la solution. Cela permettrait d’embaucher et/ou de payer quelqu’un au juste prix, sans mettre à mal la viabilité des structures. Mais l’argent ne fait pas tout, il faudrait aussi bien informer les étudiants de la réalité des gardes : une prise de conscience nécessaire pour qu’au final, tout le monde joue le jeu !
Éric Montillet (T 85)
Praticien canin à Périgueux
L’Ordre doit être plus vigilant
La continuité des soins est une évidence, supportable si chacun y met du sien, vétérinaire ou propriétaire d’animal. Dans ma zone d’activité, certains praticiens réfèrent à une structure à plus de 100 km de leur clinique. Donc les voisins, dont je fais partie, peuvent devoir assurer un surplus de consultations lors de leurs gardes : la tranquillité des uns au prix de la santé des autres. Pour y remédier, j’ai fait appel à un service de régulation téléphonique qui filtre les appels.
Côté propriétaires, la notion d’urgence est devenue relative : pour beaucoup, tout questionnement est urgent et nécessite une réponse immédiate, parfois associé à une certaine forme d’agressivité. De plus, les détenteurs d’animaux peuvent croire que les urgences fonctionnent comme en humaine, avec des gardes suivies de repos. Il faudrait faire un travail d’information auprès d’eux. Mais aussi que l’Ordre soit plus actif, en imposant aux établissements de soins d’informer chaque instance régionale des moyens mis en œuvre pour l’organisation de la continuité des soins. Celui-ci alors pourrait demander aux confrères peu scrupuleux de revoir leur organisation.
Nicolas Layachi (Liège 03)
Praticien en médecine féline à Bordeaux (Gironde)
Il faut changer de logiciel
La tension du marché rend impossible à court terme le maintien d’une activité aussi intense et exigeante que la garde de nuit et de week-end, en plus du travail quotidien soumis à des restrictions de personnel. De plus, la vision de l’engagement professionnel est différente, et je suis probablement de la dernière génération prête à sacrifier une partie de sa vie personnelle à son travail. En centres urbains et périurbains, comme l’agglomération de Bordeaux où j’exerce, l’obligation de PCS n’a déjà plus lieu d’être, avec le développement de services d’urgences dans des grosses structures. Plus loin au contraire, des vétérinaires doivent assurer des gardes sans remplaçant. Ils sont au bord du burn-out. Je trouve la vision administrative et déontologique totalement dépassée : on ne peut plus faire peser l’obligation de PCS sur chaque vétérinaire de France. La solution réside dans de nouveaux modèles organisationnels pour les urgences : regroupement, centres de référés, travail de vétérinaires atypiques à horaires décalés et de praticiens urgentistes de nuit qui ne font que cela.