Étude
ANALYSE CANINE
Auteur(s) : Par Alice Lucas
Une thèse s’est intéressée à la démographie des reptiles détenus en France et à leurs modalités d’acquisition. Ce travail met en avant les failles du système réglementaire – la France jouant un rôle majeur dans le commerce illégal d’animaux – et propose des pistes pour l’améliorer.
Au cours des dernières années, le nombre d’animaux dans les foyers français n’a fait qu’augmenter. La part des nouveaux animaux de compagnie (NAC) ne cesse de croître également. Les NAC regroupent à la fois des animaux domestiques, tels que le furet ou le lapin, mais aussi non domestiques, appelés animaux exotiques, tels que les reptiles et les oiseaux. Les reptiles, au sens commun du terme, seraient les NAC les plus demandés et échangés dans le monde aujourd’hui, après les oiseaux. Or, ils font l’objet d’un commerce important en France, légal et illégal.
Étant donné le poids croissant du trafic illégal des animaux exotiques dans le monde et des menaces d’extinction les concernant, la détention et le commerce de ces animaux sont encadrés par des outils réglementaires à différentes échelles : internationale avec la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Cites) ; européenne avec les règlements communautaires et nationaux, comme les arrêtés du 30 juin 1998 et du 8 octobre 2018. Ces différents textes visent plusieurs objectifs majeurs : la conservation des espèces, le bien-être animal et la protection de la santé publique. Cette étude1 a pour but de dresser un état des lieux de la détention de reptiles en France et de discuter ses enjeux et ses outils réglementaires.
Matériel et méthode
Afin d’évaluer la détention de reptiles sur le territoire français, diverses données bibliographiques ont été récoltées et des enquêtes ont été menées auprès de certaines directions départementales de la protection des populations (DDPP), du fichier national d’identification de la faune sauvage protégée (i-fap), de l’Office français de la biodiversité (OFB) et de professionnels. Des données sur les reptiles proposés à la vente en animalerie en France, sur les différentes voies d’acquisition, sur les démarches administratives pour la détention et sur les saisies réalisées dans l’Hexagone ont ainsi été regroupées.
Une étude2 de 2021 a démontré qu’aucune espèce classée dans l’annexe I de la Cites (voir tableau 1) n’était retrouvée en animalerie en France ; leur commercialisation et leur prélèvement dans le milieu naturel sont interdits. Très peu d’espèces appartenant à l’annexe A européenne sont proposées à la vente (commerce autorisé si et seulement si les animaux proviennent d’élevages agréés). De plus, la majorité des espèces vendues ne sont pas menacées d’extinction, même si certaines, telles que la tortue d’Hermann, le sont.
Outre l’achat en animalerie, 35 % des reptiles dans le monde seraient commercialisés sur Internet3. Beaucoup de spécimens seraient également échangés lors de bourses aux reptiles, mais nous n’avons trouvé aucune statistique au sujet de ces ventes. Enfin, les reptiles peuvent être acquis de particulier à particulier. Cela représenterait plus de la moitié des transactions.
Depuis 2018, tous les reptiles détenus en France doivent être déclarés et enregistrés dans le fichier i-fap. Plus de 121 000 reptiles y sont ainsi inscrits (voir tableau 2). Cependant, compte tenu de l’ampleur de la détention illégale de reptiles suspectée, leur population supposée est bien supérieure.
Seules six DDPP de la région Occitanie ont répondu à notre enquête sur les démarches administratives effectuées pour détenir certaines catégories de reptiles. Il en ressort que peu de démarches complexes de détention sont initiées par les propriétaires de reptiles (certificats de capacité ou autorisations d’ouverture d’établissement), alors que beaucoup de déclarations de détention sont déposées chaque année. Quelles qu’étaient les démarches réalisées, les tortues sont les reptiles les plus représentés.
Selon le bilan Cites 2020 de l’OFB, les reptiles font partie du top trois des saisies animalières en nombre de spécimens en 2019 et en 2020 (voir figure 1). La majorité des 262 spécimens saisis en 2020 sont vivants. Le groupe de reptiles qui a fait le plus l’objet de saisies est celui des tortues.
Le Fonds mondial de la nature a conduit un rapport sur le rôle de la France dans le trafic des animaux sauvages en 20204, qui a permis de souligner le rôle majeur de ce pays dans le commerce illégal d’animaux. La France est le premier pays européen importateur de reptiles. La majorité des spécimens importés proviendrait de prélèvements dans le milieu naturel.
Discussion
Il manque des données pour dresser un état des lieux précis et chiffré de la détention de reptiles sur le territoire français ainsi qu’une importante détention illégale de reptiles. L’étude rapportée a en effet été confrontée à de multiples limites, telles que la diversité des sources d’acquisition de reptiles, l’ignorance des futurs détenteurs, la complexité de la réglementation en matière de détention d’animaux exotiques en France.
La détention et le commerce illégaux sont notamment encouragés par le fait que les sanctions prévues par la loi ne sont pas toujours appliquées en raison d’un manque de moyens et d’agents de contrôle, comme cette étude le souligne.
En conséquence, les différents objectifs en matière de bien-être, de conservation des espèces et de santé publique ne sont aujourd’hui pas atteints : le commerce illégal prospère et de nombreux animaux sont encore détenus dans de piètres conditions.
Quelques pistes d’amélioration peuvent être suivies pour réviser la réglementation :
- aux niveaux international et européen : créer une nouvelle annexe afin d’interdire le commerce et le prélèvement dans le milieu naturel des espèces nouvellement décrites qui ne possèdent pas encore de statut de conservation ;
- au niveau national : simplifier la réglementation, notamment en rédigeant une liste positive des espèces autorisées à la détention et au commerce pour restreindre la détention aux espèces les moins menacées et les plus simples à détenir en captivité ;
- à tous les niveaux : accroître les moyens employés pour atteindre les objectifs de bien-être animal et de conservation des espèces (plus d’agents déployés, une meilleure formation de ces derniers, la mise en application des sanctions prévues par la loi…).
Bibliographie à retrouver sur : https://bit.ly/3SZZKAs.