EXPRESSION
Auteur(s) : Tanit Halfon
Comme en médecine humaine, la médecine vétérinaire voit – et verra – arriver des solutions d’intelligence artificielle (IA) pour la lecture automatisée des clichés d’imagerie médicale, notamment les radiographies, au moins dans un premier temps. Quelle est la place de ces nouveaux outils dans la pratique vétérinaire, en particulier pour les spécialistes ?
Marion Fusellier (N 98)
Enseignante-chercheuse en imagerie médicale à Oniris (Nantes, Loire-Atlantique)
Un gain de temps
Ces solutions pourraient aider à améliorer les capacités diagnostiques des spécialistes et à optimiser leur temps de lecture. Un logiciel possède une plus grande capacité à analyser précisément l’ensemble d’une image et, à plus forte raison, des séries de nombreuses images, et à y détecter toutes celles qui sont anormales, même les plus petites. Ce serait particulièrement intéressant pour la lecture d’images de scanner, qui sont d’une plus grande complexité que les radiographies. De plus, la performance d’un logiciel reste inchangée au cours du temps, quel que soit le nombre d’images analysées, contrairement à celle du radiologue. J’y vois aussi une utilité pour la lecture d’images facilement reproductibles, comme les clichés radiographiques pour la recherche de métastases pulmonaires : cela représenterait un vrai gain de temps pour les spécialistes, qui pourraient en consacrer davantage aux examens nécessitant une attention particulière. Toutefois, l’IA est loin de pouvoir se substituer totalement au vétérinaire : il ne suffit pas, en effet, d’identifier des lésions, encore faut-il pouvoir les interpréter suivant la situation clinique. Par ailleurs, devant un cliché mal réalisé ou une indication mal posée, l’IA sera démunie.
Laurent Blond (T 99)
Diplômé du Collège américain de radiologie, chef du service d’imagerie médicale du CHV Languedocia (Montpellier, Hérault)
Un guide pour le diagnostic lésionnel
Les outils basés sur l’intelligence artificielle vont prendre une place croissante dans nos pratiques. En imagerie médicale, j’y vois un avantage pour éviter certains pièges de lecture, notamment pour les images de radiographie thoracique et osseuse, qui peuvent être difficiles à analyser pour les vétérinaires généralistes. Ces outils ne pourront toutefois pas remplacer l’analyse clinique. En effet, s’ils orientent vers le diagnostic lésionnel le plus probable, c’est ensuite au praticien d’interpréter la signification clinique des lésions observées selon le contexte du patient. Dans cette optique, cela pourrait même favoriser ma pratique spécialisée : avec ces logiciels, le généraliste peut être amené à se poser plus de questions face à des clichés d’imagerie médicale, ce qui pourrait le pousser à solliciter davantage le spécialiste ! En revanche, pour mon propre usage professionnel, je ne vois pas, à ce stade, d’utilité à employer de tels outils.
Germinal Petit-Etienne (A 99)
Praticien canin à Saint-Sulpice-et-Cameyrac (Gironde)
Nous aurons toujours besoin d’une expertise vétérinaire
Ces nouveaux outils pourraient venir en appui du praticien généraliste, en particulier pour les cas les plus complexes. En cas de doute, ils pourraient orienter le diagnostic. De plus, ils fonctionnent en temps quasi-réel, ce qui un atout supplémentaire pour les situations d’urgence, où il y a besoin d’une réponse immédiate. Attention toutefois à ne pas leur accorder une confiance absolue, ils ont en effet des limites de lecture. Dans cette optique, un danger serait que les vétérinaires perdent progressivement en savoirs et en compétences, à force de se reposer sur ces solutions. Nous aurons toujours besoin d’une expertise vétérinaire, d’autant que le développement de ces outils requiert de toute façon l’aide de spécialistes, qui sont en mesure de valider la performance de lecture.