Cas cliniques
ANALYSE CANINE
Auteur(s) : Tanit Halfon
Cette solution thérapeutique est proposée par une clinique vétérinaire française, dans les situations où le propriétaire de l’animal refuse l’intervention chirurgicale, traitement de référence actuel, ou pour stabiliser un chien dyspnéique dans un contexte d’urgence.
Face à un chien présentant une paralysie laryngée, le traitement préconisé est chirurgical ; la technique généralement employée est la latéralisation unilatérale du cartilage aryténoïde. Si cette solution a fait ses preuves, son coût élevé peut freiner l’adhésion du propriétaire de l’animal, d’autant que la paralysie laryngée touche généralement les chiens âgés, de grand gabarit, potentiellement en association avec une polyneuropathie progressive sous-jacente (paralysie laryngée idiopathique acquise). De plus, l’animal peut se trouver en détresse respiratoire aigüe, ce qui nécessite d’avoir accès à un bloc chirurgical et un à chirurgien en urgence, or ce n’est pas toujours possible. C’est dans ces contextes particuliers que Marie-Laure Théron (T 11), spécialiste en médecine interne (European Board of Veterinary Specialisation, European College of Veterinary Internal Medicine) à la clinique de référés Vetivia à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques), propose la pose d’un stent laryngé en silicone. Elle a présenté cette technique dans le Journal of Veterinary Science dans une récente publication1 datée du 14 juin dernier.
Des premiers retours du terrain positifs
Cette procédure est inédite en médecine vétérinaire : à ce jour, seules deux publications en font état, dont celle de Marie-Laure Théron. L’autre étude2, une série de 7 cas cliniques, a été publiée dans Open Veterinary Journal en 2020 par des vétérinaires argentins. En médecine humaine, les endoprothèses en silicone sont déjà utilisées dans les situations d’obstruction des voies respiratoires, de manière temporaire ou à plus long terme, avec une bonne tolérance. Dans la publication française, 6 cas sont présentés, dont 2 Labrador Retrievers, 1 Golden Retriever, 1 Springer Spaniel, 1 Épagneul Breton et 1 Rhodesian Ridgeback, âgés de 9 à 12 ans. Pour tous les chiens, les motifs de consultation étaient un stridor, une intolérance à l’exercice et à la chaleur. Un des Labrador était traité pour une hypothyroïdie depuis 10 mois, et avait subi une latéralisation aryténoïde antérieure 6 mois avant la consultation, à la clinique Vetivia. Pour l'autre Labrador, un diagnostic d'hypothyroïdie a été posé lors de la consultation. Une paralysie laryngée bilatérale a été établie par un examen endoscopique pour tous les chiens. Une fois le diagnostic confirmé, et après accord de chaque propriétaire, tous ayant refusé toute procédure invasive dans un premier temps, un stent a été posé. La procédure est simple et rapide : elle se fait en moins de 3 minutes, sans endoscope. La disparition des signes cliniques a été immédiate au réveil. Pour 4 des 6 chiens, cette solution s’est avérée très bien tolérée, aucune complication n'a été décrite entre 7 et 13 mois après l’intervention, et les propriétaires ont rapporté une bonne qualité de vie.
Plusieurs types de complication
En ce qui concerne les 2 chiens restants, le Rhodesian Ridgeback a présenté une récidive de stridor 1 semaine après la pose du stent, en lien avec une migration distale de la prothèse. Dans son cas, le diamètre de la prothèse était trop petit pour envisager un simple repositionnement. L’animal a donc finalement subi une latéralisation aryténoïde, acceptée par le propriétaire, 15 jours après la pose de la prothèse. L’animal allait toujours bien 7 mois plus tard. Le dernier chien, un Labrador, a présenté, dans un premier temps, des aspirations lors de la prise de boisson, raison qui a motivé le repositionnement de l’endoprothèse. Si cela a permis une amélioration clinique, l’état de l’animal s’est ensuite progressivement dégradé, avec l’apparition d’un mégaœsophage et d’une tétraparésie, amenant à une décision d’euthanasie. Non décrites dans l’article, Marie-Laure Théron signale d’autres complications possibles : un déplacement du dispositif tel qu’il serait avalé par l’animal, un cas de figure qu’elle n’a jamais rencontré en pratique, ou une infection locale, qu’elle a eu à traiter une fois. De la toux est généralement attendue, le stent étant un corps étranger dans le larynx ; cela n’a pas été rapporté dans l’étude. En revanche, dans la publication argentine, les propriétaires ont relevé une toux légère à modérée, mais sans répercussion sur la qualité de vie de l’animal.
La chirurgie reste le traitement de référence
Comme le souligne la spécialiste, il ne faut pas voir dans cette technique une solution thérapeutique de première intention. « L’objectif n’est pas de remplacer la chirurgie, qui est le traitement de référence pour lequel nous disposons de donnée solides. Le stent doit être vu comme une option pouvant aider, dans un contexte d’urgence, à stabiliser l’animal avant une intervention chirurgicale. C'est aussi une alternative pour les propriétaires réfractaires à une procédure invasive sur leur animal âgé présentant plus ou moins de comorbidités », explique la vétérinaire. Dans les situations d’urgence, la pose d'un stent peut en outre permettre d’éviter une trachéotomie, qui servirait à stabiliser l’animal en attendant la chirurgie. Par la suite, « si le stent est bien toléré, avec un animal qui récupère sur le plan clinique, cela donne des arguments en faveur d'une intervention chirurgicale, ajoute-t-elle. Cela sert aussi à évaluer, de manière non invasive, à quel point les troubles respiratoires pèsent dans l’état clinique global du chien. Suivant les cas, nous ne sommes pas forcément capables de dire si notre acte chirurgical sera bénéfique pour l’animal malade ». Cette procédure a par ailleurs l’avantage d’être non invasive, facile d’accès et peu coûteuse.
Une solution envisageable dans plusieurs contextes cliniques
La paralysie idiopathique acquise n’est pas le seul contexte clinique où la pose d’une endoprothèse est possible. « En théorie, on peut l’envisager quelle que soit la raison de la paralysie. Cette solution est intéressante pour éviter un geste chirurgical permanent dans le cas d’affections transitoires, par exemple en cas de traumatisme du nerf récurrent laryngé. J’ai eu aussi l’occasion de l’utiliser chez un jeune chien atteint d’une paralysie laryngée congénitale mais, dans ce contexte, se pose la question de la durabilité du dispositif. » Dans l’étude des vétérinaires argentins, le dispositif avait également été employé sur un chien avec un carcinome et sur un jeune de 2 ans, en association avec une palatoplastie pour corriger l’élongation de son palais mou. Dans les deux cas, une amélioration de la respiration a été constatée après la pose du stent. Le chien avec la tumeur a été euthanasié près de 3 mois après la procédure, du fait d’un halètement constant (des métastases pulmonaires avaient été identifiées lors de la première consultation). Le jeune chien était encore en vie 22 mois après.
Une procédure à réserver aux animaux d'un certain gabarit
Le stent ne convient que pour des chiens de moyenne et grande taille, en raison des diamètres disponibles dans le commerce (14 et 20 mm). Pour les chiens de petit gabarit, le risque est de provoquer une accumulation de sécrétions et de boucher le stent. À l’inverse, pour les chiens de plus grande taille, le diamètre peut être trop petit, avec un risque de migration du dispositif, comme cela a été le cas pour l'un des chiens de l’étude2 argentine.