Parasitologie
ANALYSE MIXTE
Auteur(s) : PAR Karim Adjou
À l’occasion du dernier congrès de la Fédération mondiale des parasitologue, 1 200 participants du monde entier se sont réunis du 21 au 26 août 2022, à Copenhague, au Danemark autour du thème « Vivre avec les parasites ».
« Les différentes thématiques de la parasitologie sont très bien représentées », a constaté la professeure en parasitologie zoonotique Pikka Jokelainen (Statens Serum Institut, Danemark) à l’ouverture du 15th International Congress of Parasitology (congrès Icopa) de la World Federation of Parasitologists (WFP). Cet événement international, qui a lieu du 21 au 26 août à Copenhague, a réuni 1 200 participants (plus 300 en distanciel) venant de plus de 95 pays. Organisé par la Danish Society for Parasitology (DSP) et la Scandinavian-Baltic Society for Parasitology (SBSP), le congrès couvrait la parasitologie dans une vision très large, en abordant différentes thématiques, dans l’objectif de la rapprocher de la vie quotidienne.
À cette occasion, 47 scientifiques français – de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail [Anses], de l’École nationale vétérinaire d’Alfort [EnvA], de l’École nationale vétérinaire de Toulouse [EnvT], du centre hospitalier universitaire de Dijon, entre autres – étaient présents, dont Gregory Karadjian (Anses), qui a intégré le conseil d’administration de la WFP, représentant ainsi la France dans cette instance.
Un nouveau modèle de suivi épidémiologique dans les élevages
Karim Adjou, professeur à l’EnvA, a présenté ses résultats – obtenus en collaboration avec Dheilly Nolwenn, de l’unité mixte de recherche (UMR) de virologie de l’EnvA – sur la première identification en France d’un cryspovirus dans les cryptosporidies (parasites du tube digestif) qui circulent chez les ruminants domestiques (veau, agneau et chevreau). Le séquençage des cryspovirus des différentes espèces sera effectué afin de savoir s’il peut être utilisé comme traçeur pour le suivi épidémiologique de la maladie dans les élevages. Lors de ce congrès, Filip Damec (UMR biologie moléculaire et immunologie parasitaires [Bipar], EnvA, Anses, Institut national de la recherche agronomique [Inrae]) a annoncé les résultats de son travail sur la modélisation de la prévalence de Toxoplasma gondii au sein du bétail, de la faune sauvage et des félidés, suivant l’âge de l’animal. Ce parasite zoonotique a un fort impact sur la santé humaine et animale. En effet, il a plusieurs voies de transmission, et la viande d’animaux infectés semble être une source majeure d’infection en Europe. C’est pourquoi Filip Damec a conduit une revue systématique de la littérature, contenant 275 publications éligibles, suivie d’une méta-analyse afin de créer un modèle dépendant de l’âge pour la prévalence de T. gondii chez 37 espèces animales en Europe. La séroprévalence globale estimée allait de 4,3 % chez les buffles à 58,9 % chez les moutons. Les estimations de prévalence à l’âge de l’abattage variaient entre les régions européennes et les types de méthodes de détection appliquées. En utilisant des méthodes de détection indirectes, il est apparu que la séroprévalence estimée de T. gondii était plus élevée en Europe de l’Est, tandis qu’elle était plus faible en Europe du Nord et de l’Ouest. « Les estimations du modèle fournissent une vue d’ensemble unique et des données précieuses pour évaluer la contribution relative des différentes sources d’infection humaine par T. gondii. Les données, en particulier les estimations de la prévalence de T. gondii par région et par âge, seront utilisées comme données d’entrée pour une évaluation quantitative du risque microbiologique dans plusieurs pays, dans le cadre du projet Toxosources1 », a-t-il ajouté. Ces travaux devrait contribuer, selon le chercheur, à l’élaboration de stratégies de prévention efficaces.
Les risques sanitaires liés à l’hémoparasitisme à l’étude
Par ailleurs, Veronica Risco-Castillo, également chercheuse à l’UMR Bipar, a présenté le travail de son équipe intitulé « Prévalence et facteurs de risque d’infection hémosporidienne chez les oiseaux sauvages urbains et périurbains admis dans un centre de réhabilitation de la faune sauvage français (2018-2019) ». Comme elle l’a indiqué, l’impact de l’infection hémosporidienne chez les oiseaux sauvages accueillis dans les centres de réhabilitation est inconnu. L’objectif de ce travail était donc de déterminer la prévalence de rapaces et de corvidés infectés et les facteurs de risque associés à leur arrivée dans un centre de réhabilitation en région parisienne, afin de déterminer leurs chances de guérison et de relâchement, ainsi que les possibilités de transmission aux autres oiseaux hébergés. Les chercheurs ont également suggéré des mesures sanitaires adaptées aux centres de réhabilitation de la faune sauvage en vue de minimiser les risques sanitaires liés à l’hémoparasitisme. Entre 2018 et 2019, 37 rapaces (6 espèces) et 150 corvidés (4 espèces) ont fait l’objet de prélèvements sanguins à leur arrivée à l’hôpital de la faune sauvage de l’EnvA. L’analyse des frottis sanguins et de l’ADN des échantillons sanguins a permis l’identification morphologique et moléculaire des Haemosporodia et a fourni une estimation de la parasitémie, selon la conférencière. De plus, la présence d’Haemoproteus, de Leucocytozoon et de Plasmodium a été confirmée. L’analyse statistique a démontré une association entre l’âge et l’infection par Plasmodium spp. Plasmodiumétait prédominant chez les corvidés, et plus fréquemment impliqué dans les cas de co-infections. Chez les rapaces, Leucocytozoon semble plus prévalent. Aucun conséquence sur le succès des lâchers n’a été observée. Comme l’a conclu Veronica Risco-Castillo, « l’hémoparasitisme chez les rapaces et les corvidés étudiés est une infestation largement subclinique qui a peu d’impact sur le relâchement potentiel des oiseaux. Il est donc crucial de déterminer l’existence de vecteurs dans les hôpitaux pour animaux sauvages et de limiter le risque de transmission pendant la période de réhabilitation. Ainsi, il sera possible de mettre en place des mesures de gestion du risque concernant le contrôle de ces vecteurs et de réduire le risque de dissémination des hémosporidies via les oiseaux relâchés ». Le prochain congrès Icopa 2026 aura lieu à Montréal, au Canada.