ANALYSE CANINE
Auteur(s) : Par Paolo Camilletti Résident European College of Veterinary Surgeons
Le dernier congrès de l’Esvot, coorganisé avec le Gecov de l’Afvac, s’est déroulé pour la première fois en France en septembre dernier.
Le 21e congrès de l’European Society of Veterinary Orthopaedics and Traumatology (Esvot), coorganisé avec le Groupe d’étude en chirurgie orthopédique (Gecov) de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac), s’est tenu à Nice, dans les Alpes-Maritimes, les 21 et 24 septembre dernier. Il s’agit de l’un des plus importants rassemblements au monde de vétérinaires intéressés par l’orthopédie des chiens et des chats, et cette année n’a pas fait exception avec plus de 700 participants, dont quelque 70 Français. L’événement a réuni un grand nombre de spécialistes internationaux qui, aux côtés des entreprises du secteur, ont animé plus d’une centaine de conférences, ainsi que des travaux pratiques et des séminaires. Quantité de sujets ont été abordés au cours de ces journées, de l’orthopédie clinique à la chirurgie en passant par la médecine du sport et la physiothérapie, avec un accent particulier sur la prévention et la résolution des infections du site opératoire.
Plaques verrouillées polyaxiales, fractures condyliennes humérales, etc.
Le premier jour était consacré aux séminaires précongrès, durant lesquels ont été exposés de nouveaux systèmes de plaques verrouillées polyaxiales, qui offrent les avantages d’un système verrouillé tout ayant la capacité d’orienter les vis selon des angles variables. Ils peuvent être utiles pour le traitement des fractures ou pour les ostéotomies correctrices, même lorsqu’il y a peu de surface d’os disponible et que les vis risqueraient sinon d’être proches de la surface articulaire, de la ligne de fracture ou d’ostéotomie. Parmi les autres dispositifs figuraient ceux pour le traitement des fractures condyliennes humérales, caractérisés par des guides et des plaques adaptés à la forme de l’humérus distal de certaines races (springer anglais et bouledogue français, notamment). Des laboratoires ont présenté des techniques chirurgicales plus classiques, en autres pour les ruptures du ligament croisé. Une session entière de l’International Elbow Working Group était dévolue à une analyse approfondie des affections du coude et des différents traitements en cas de fragmentation de processus coronoïde, de non-union du processus anconé, d’ostéochondrite disséquante et d’ostéoarthrite. Si l’arthroscopie s’avère aujourd’hui incontournable pour évaluer et traiter la dysplasie du coude, les options thérapeutiques de deuxième intention semblent encore mal définies. Plusieurs groupes travaillent sur d’autres modèles de prothèses (focale, unicompartimentale, totale), mais les résultats cliniques sont encore mal établis.
Arthroscopie du tarse : l’importance des images scanner
Un séminaire complet sur l’arthroscopie a vu la participation de plusieurs intervenants, comme Alexandre Caron (N 08), praticien à Rennes (Ille-et-Vilaine), et Guillaume Ragetly (T 05), praticien à Arcueil (Val-de-Marne), tous deux spécialistes en chirurgie vétérinaire, qui ont respectivement détaillé les points clés de l’exploration du genou et de celle du tarse. Ils ont partagé des conseils qui pourraient être utiles à la fois aux collègues expérimentés en arthroscopie et aux jeunes praticiens qui souhaitent aborder ce domaine de l’orthopédie. Guillaume Ragetly, en relatant son expérience en arthroscopie du tarse, a rappelé l’importance de disposer d’images scanner adéquates pour élaborer un planning préopératoire précis. Cela permet d’ajuster la voie d’accès chirurgical en fonction de la localisation de la lésion, ce qui facilite son identification dans une articulation où la liberté de mouvement de la caméra et des instruments est souvent limitée.
Rupture du ligament croisé et échographie
Au cours de la deuxième journée, l’étude approfondie de l’une des affections orthopédiques les plus courantes en pratique clinique, la rupture du ligament croisé crânial, a fait l’objet d’une session. Des sujets tels que le diagnostic précoce en cas de rupture partielle du ligament ou la gestion de ruptures ligamentaires multiples y ont été traités, impliquant dans la discussion non seulement les chirurgiens mais aussi des spécialistes en imagerie. À cet égard, Giliola Spattini, diplômée du Collège européen d’imagerie et praticienne à Castellarano (Italie), a expliqué en quoi l’échographie peut jouer un rôle chez les animaux présentant une douleur persistante après une ostéotomie de nivellement du plateau tibial (TPLO) ou après une transposition de la tubérosité tibiale. Elle servirait à déterminer si une desmite du tendon rotulien, une déchirure méniscale ou une tendinite du gastrocnémien est la source de la douleur.
Prévention des complications en chirurgie prothétique
La chirurgie prothétique faisait partie des principaux thèmes du congrès. Des chirurgiens expérimentés dans la pose de systèmes BioMedtrix et Kyon ont livré des conférences sur la prévention et le traitement des complications les plus courantes des prothèses totales de hanche : luxations, fractures périprothétiques et infections.
L’un des facteurs majeurs dans la prévention des complications en chirurgie prothétique de la hanche est le maintien du bon positionnement latéral tout au long de la procédure. Afin de faciliter le positionnement correct de l’animal avant et pendant l’intervention, des dispositifs, comme les vacuum bags ou les planches de positionnement, doivent toujours être utilisés pour essayer de maintenir l’animal en vrai décubitus latéral. Plusieurs intervenants ont par ailleurs mis l’accent sur l’importance de la fluoroscopie dans le contrôle peropératoire de la position du bassin. Un mauvais positionnement de l’animal peut en effet entraîner un mauvais positionnement des implants, en particulier du composant acétabulaire, ce qui provoque des erreurs potentiellement à l’origine de complications, telles que la luxation postopératoire.
Vigilance sur les pyodermites présentes avant la pose de prothèse
La corrélation entre les infections orthopédiques et la présence de pyodermite, sujet qui peut intéresser tant le vétérinaire orthopédique que généraliste, figurait parmi les points abordés. Une étude a démontré comment la présence de pyodermite active chez les chiens opérés par TPLO était associée au développement d’une infection du site opératoire dans 16,7 % des cas, un taux bien supérieur à l’incidence acceptée de 2 à 5 %. À cet égard, Brian Saunders, professeur de chirurgie orthopédique à la Texas A&M University (États-Unis), a rapporté son expérience et les résultats d’une étude rétrospective qui révèle qu’environ 40 % des chiens référés pour une prothèse totale de hanche présentaient un diagnostic de pyodermite superficielle avant la chirurgie. Le vétérinaire a fait remarquer que la collaboration entre chirurgiens et dermatologues semble réduire l’incidence des infections du site opératoire et de celles associées aux implants.
Intérêt de la solution hydroalcoolique pour la préparation du champ opératoire
Le thème de la préparation du champ opératoire s’adressait aussi bien aux vétérinaires orthopédistes que généralistes et aux chirurgiens des tissus mous. De nombreuses infections du site opératoire sont liées aux micro-organismes présents sur la peau des animaux, dont la présence au moment de l’incision est certainement influencée par la technique de préparation cutanée employée. Erik Asimus (T 87), praticien à Nice (Alpes-Maritimes), a présenté une étude expérimentale dans laquelle trois méthodes de nettoyage ont été comparées : gluconate de chlorhexidine, savon associé à une solution hydroalcoolique et solution hydroalcoolique seule. Les trois techniques ont eu des résultats comparables, mais l’utilisation de la solution hydroalcoolique s’est avérée plus rapide d’action. Cet aspect permet de réduire le temps d’anesthésie, facteur qui diminue le risque d’infection du site opératoire. Considérant que des cas de résistance à la chlorhexidine ont été observés dans des populations cliniques, ce qui peut entraîner une résistance croisée aux antibiotiques, et que cette dernière n’a pas été retrouvée à ce jour pour les solutions hydroalcooliques, il est sans doute utile d’envisager d’autres méthodes de préparation de la peau des animaux opérés. L’étude est à ce jour limitée à six cas cliniques, et des investigations supplémentaires sont sans doute nécessaires avant de valider ce protocole pour une utilisation clinique.
Le Gecov bénéficiait également d’une session complète d’un jour consacrée au bassin : fractures et luxations sacro-iliaques, astuces lors de fractures du bassin, sans oublier la hanche, depuis le diagnostic précoce d’une dysplasie jusqu’à son traitement. Là encore, la prothèse, option de choix pour de nombreuses affections de la hanche, quelle que soit la taille de l’animal, a occupé une part importante des discussions.