Condition animale
ANALYSE MIXTE
Auteur(s) : Anne-Claire Gagnon
L’assemblée générale de l’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs s’est tenue le 8 octobre dernier, à Paris. L’occasion pour l’association, qui compte de nombreux vétérinaires dans ses rangs, de revenir sur ses engagements et de livrer d’engager la réflexion autour du lien entre maltraitance des animaux et mal-être des éleveurs.
L’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA) a organisé son assemblée générale (AG), le 8 octobre dernier, à l’invitation du député du Val-de-Marne, Mathieu Lefèvre. Ce dernier a accueilli les participants dans l’immeuble Chaban-Delmas, dans le 7e arrondissement de Paris, et a réaffirmé son engagement à poursuivre ces cinq prochaines années le travail amorcé lors du précédent quinquennat. Me Alain Monod a rendu un bel hommage à Jean-Pierre Kieffer, « un humaniste ouvert à tout le vivant », pour cette première AG sans sa présence, et les participants ont observé une minute de silence dans cette salle Victor-Hugo, si symbolique.
Le nouveau président de l’OABA, Manuel Mersch (A 89), a remercié toute l’équipe – laquelle a accueilli deux nouveaux salariés qui se sont très bien intégrés, Jimmy Gouedard, juriste pénaliste, et Tiphaine Duvernois, ingénieure agronome – ainsi que le conseil d’administration, qui a désormais l’honneur et le plaisir de compter parmi ses membres Danièle Kieffer, élue à l’unanimité.
Secourir les animaux et les éleveurs
Frédéric Freund, directeur général, a présenté la thématique de cette AG, « Maltraitances dans nos campagnes : sauver les animaux sans oublier les humains », en rappelant la vocation de l’OABA : épargner aux animaux de rente des souffrances liées à la négligence de soins qui conduit à leur mise en danger. L’association et ses intervenants ont toujours le souci de porter assistance aux éleveurs qui se voient confisquer leur cheptel pour des faits avérés et des motifs graves. Si chaque organisme a ses propres missions auprès des animaux et des humains, il est important que tous agissent de concert, souvent en amont, et toujours en collaborant, pour ne pas être victimes de l’effet spectateur, où chacun croit que l’autre est plus légitime pour intervenir et où l’on découvre 40 cadavres le jour J…
La difficile mission des DDPP
Quand c’est possible et nécessaire, l’OABA, qui intervient toujours avec les directions départementales de la protection des populations, s’entoure de gendarmes et du service d’aide médicale urgente (pour l’éleveur comme pour ceux qui doivent rassembler des animaux souvent laissés à l’abandon et qui ont oublié la familiarité avec les humains). Vincent Spony (T 99), inspecteur de santé publique vétérinaire (ISPV) dans l’Allier, a confirmé que les cas de maltraitance animale sont très rares dans son département – qui compte 4 800 troupeaux de bovins de races allaitantes –, mais souvent graves en raison des effectifs. S’il bénéficie d’une équipe dynamique et motivée de neuf techniciens qui effectuent des contrôles réguliers dans les exploitations, il déplore le fonctionnement de la cellule départementale opérationnelle (CDO). Lorsqu’un éleveur est en difficulté (absence de bouclage, mortalités déclarées en hausse, défaut de prophylaxie, signalement fait par l’abattoir), la CDO le convoque, avec son comptable et son organisme bancaire, et tente de le raisonner, mais aucun accompagnement ni plan d’action ne sont proposés. En tant qu’ISPV, Vincent Spony se sent donc bien seul dans l’exercice souvent délicat de ce métier. Il a précisé qu’aucun retrait d’animaux n’est possible sans les organisations non gouvernementales, comme l’OABA, avec laquelle il collabore parfaitement bien. Il travaille à l’issue du retrait des animaux avec les MSA (Mutualité sociale agricole), et aimerait que ces dernières les accompagnent mieux.
Du principe à la réalité
Parmi les intervenants majeurs, côté éleveurs, les chambres d’agriculture sont structurées pour repérer le plus tôt possible ceux qui décrochent. Bruno Faucheron est éleveur laitier en filière bio dans les Ardennes, un choix de valeurs éthiques qu’il a fait dès 1996. À la chambre d’agriculture ainsi qu’à la CDO, il travaille à prévenir autant que possible les faits de maltraitance animale - l’axe 4 du plan d’action 2016-2020 du ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt -, en tentant d’agir plus en amont. Même si toutes les organisations professionnelles sont conscientes de cette problématique, la charte qu’elles ont rédigée s’intitule « Que faire en cas de très grandes difficultés en élevage ? ». Du côté de la MSA, Magali Cayon, responsable prévention des risques professionnels, a, malgré un discours éthique prenant en compte le lien entre santé et sécurité de l’éleveur au travail et bien-être des animaux (avec désormais des référents mal-être en agriculture), surtout blâmé les urbains et les réseaux sociaux, tenus en partie responsables de la crise de confiance ressentie par les éleveurs à l’égard de leur métier. Qui va enfin dire clairement que les productions de protéines animales ne sont pas appelées à poursuivre leur croissance, et que les éleveurs devront produire moins et mieux, pour eux, pour leurs clients et pour la planète ?
L’humanité est dans le pré
Max Josserand, éleveur et acteur au grand cœur de l’OABA, a pris la parole en dernier, comme il en a l’habitude avec plein d’humanité. Il a raconté trois interventions du « pompier de service » qu’il est le jour du retrait des animaux, quand les éleveurs s’enferment, se murent dans leur douleur et n’ouvrent leurs portes qu’à l’un des leurs. À chaque fois, par son courage et sa diplomatie, il a su dénouer les tensions, apaiser les colères et apprivoiser les éleveurs comme leurs cheptels souvent délaissés et apeurés au fond des champs. Il a conclu, en s’adressant aux adhérents : « Soyez fiers de votre association. Vous n’avez pas de sang sur les mains, tout est toujours fait dans le respect des humains et des animaux ».
Reste à toutes les organisations professionnelles, au-delà des grands principes sur lesquels elles s’accordent, à mettre en pratique un vrai travail de prévention, qui permette à chaque éleveur d’être fier de son métier. Manuel Mersch, conscient de l’honneur redoutable de sa fonction, a conclu l’AG en rappelant la devise de l’OABA, « Tous unis pour les défendre ».
Les combats de l’OABA
La vigilance, la persévérance et la pugnacité de l’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs font partie de son ADN et sont le reflet des qualités de ses responsables. Lors de l’assemblée générale du 8 ocotbre dernier, son directeur, Frédéric Freund, a expliqué les deux dossiers pour lesquels l’association dépose un recours contre le ministère chargé de l’agriculture :
- auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, pour obtenir l’étiquetage des viandes en fonction du type d’abattage. L’objectif est que chacun puisse, en toute liberté de conscience, choisir une viande d’animal préalablement étourdi avant abattage ou non, sans souscrire, à son insu, à une tradition religieuse halal ou casher.
- auprès du Conseil d’État, pour obtenir un étourdissement des volailles de bonne qualité lors de l’électronarcose, et non un étourdissement léger. En effet, dans ce dernier cas, les paramètres électriques sont inférieurs à ceux mentionnés dans le règlement de l’Union européenne, ainsi que veut le légitimer l’instruction technique de la direction générale de l’Alimentation, permettant de facto d’augmenter les cadences de travail, au mépris du bien-être animal (les volailles pouvant alors redevenir conscientes au moment de la saignée).