Management
ENTREPRISE
Auteur(s) : Par Françoise Sigot
Facteur de bien-être personnel et collectif et de fidélisation des équipes, la qualité de vie au travail devient un enjeu majeur pour les cliniques vétérinaires. Lors du forum Ergone, le 14 et 15 octobre dernier à Lyon (Rhône), les retours d’expérience d’établissements engagés dans une telle démarche ont mis en lumière les points clés de sa réussite.
Toutes les cliniques en parlent, de plus en plus passent à l’acte. Petit à petit, la qualité de vie au travail (QVT) fait son nid dans l’univers vétérinaire comme ailleurs. D’abord sous la pression des jeunes générations, mais aussi des autres, désireuses de trouver sur leur lieu de travail une ambiance sympathique. Il en va de l’envie de se lever le matin pour s’y rendre autant que de sa santé. De nombreuses études sont aujourd’hui en mesure d’objectiver les apports de la QVT, un argument de plus pour franchir le pas. Mais, comme tout projet, s’y engager avec les bons objectifs, les bons outils et sans précipitation est un gage de réussite.
Définir la qualité de vie au travail
La première étape est de comprendre ce que recouvrent ces trois mots. Certains éléments sont faciles à saisir. Il s’agit des conditions d’exercice de ses missions. Autrement dit les locaux, leur aménagement, leur luminosité, leur organisation. S’y ajoutent les moyens mis à disposition pour travailler, par exemple des équipements qui limitent les transports de charges lourdes ou qui facilitent l’accès à des espaces de stockage en hauteur. À côté de ces composantes physiques faciles à visualiser, d’autres, moins concrètes, sont plus compliquées à appréhender, mais pas moins essentielles à la QVT. On trouvera là les opportunités d’évolution de carrière ainsi que tout ce qui concoure à l’ambiance de travail, tels les espaces d’échange entre collègues, les temps d’écoute et d’expression nécessaires pour recevoir des feed-back et, partant de là, agir pour faire évoluer l’organisation. Se retrouvent aussi dans ces éléments immatériels les temps de rencontre hors du cadre professionnel, sans oublier l’éthique professionnelle.
Les bénéfices d’une démarche de QVT
La liste des composantes de la QVT étant relativement fournie, il est bon de s’assurer de la valeur ajoutée de telles conditions de travail. Désormais, plusieurs études – notamment menées par des cabinets de conseil en ressources humaines, mais aussi par des structures institutionnelles, comme l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail – objectivent les apports de la QVT. En s’appuyant sur ces travaux, Tancrède Amalbert (L 20), auteur de la thèse vétérinaire « Évaluer et améliorer la QVT du personnel des établissements de soins vétérinaires : élaboration d’une démarche QVT au sein d’un groupe de cliniques vétérinaires », estime que « c’est un outil d’attractivité et de différenciation entre les structures ». Il cite autant le bien-être des équipes que l’ambiance, qui contribue à souder les collaborateurs, à les motiver et à les fidéliser. Reste à trouver la recette d’une bonne QVT. Trois exemples d’initiatives ont été mis en avant à l’occasion du forum Ergone, qui a eu lieu les 14 et 15 octobre dernier, à Lyon (Rhône).
Créer un groupe de pilotage
Dans le cadre de son stage de fin d’études, Tancrède Amalbert a initié la création d’un groupe de pilotage au sein d’une clinique vétérinaire, dans l’objectif « d’évaluer la QVT ». En s’appuyant sur ce groupe épaulé par un consultant externe, des indicateurs permettant d’avoir une vision des conditions de travail ont été définis. À l’aune de cette expérience, le jeune vétérinaire retient quelques incontournables. « Il faut intégrer à ce groupe des représentants de toutes les activités, s’appuyer sur des volontaires, leur dégager du temps pour qu’ils puissent participer et impliquer au moins une personne ayant un pouvoir décisionnel. Il faut par ailleurs garantir un espace d’expression neutre au sein duquel chacun peut librement s’exprimer et formuler des idées pour améliorer la QVT », résume-t-il. La suite consiste à reprendre les propositions et à les prioriser en fonction des attentes exprimées, mais aussi des moyens à disposition. Enfin, une fois la démarche enclenchée, il est important de la faire vivre. Le groupe de pilotage peut alors devenir un groupe chargé de suivre son déploiement, puis de définir des indicateurs pour la mesurer et l’améliorer.
Suivre un dispositif de labellisation
Un autre exemple a été porté par la structure Vétérinaires 2 Toute Urgence, un réseau de cliniques vétérinaires de garde ouvertes 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Pour concrétiser sa démarche de QVT, elle a choisi de s’appuyer sur le label Happy Index®at Work. Une labellisation que la structure a choisi d'initier il y a 5 ans. En pratique, une fois par an, les collaborateurs sont invités à répondre, de façon anonyme ou non, selon leur souhait, à un sondage visant à évaluer la QVT comprenant 18 questions fermées et quatre ouvertes. Parmi les sujets abordés, certains ont trait aux conditions d’exercice des employés, comme l’organisation du travail, les moyens mis à disposition, et d’autres à la façon dont ils perçoivent les possibilités d’évolution de carrière, par exemple. Plus de 70 % des collaborateurs se prêtent au jeu. « Opter pour la labellisation a été bénéfique, mais cela implique d’accepter de se remettre en question, de faire confiance au jugement des membres de l’équipe et, surtout, d’agir en fonction des retours. Ne pas le faire générerait de la frustration. Par ailleurs, il faut communiquer activement sur les actions que nous menons », analysent deux membres de la structure. Avec le recul, ils estiment que cette démarche de QVT a notamment facilité les recrutements.
Élaborer un baromètre de suivi
La troisième initiative est venue de la clinique SeineVet, en Seine-Maritime, qui a mis en place un baromètre de la QVT. L’un des associés en est responsable, ce qui permet un suivi de la démarche. Celle-ci se matérialise par un questionnaire auquel les collaborateurs, sauf les associés, sont invités à répondre de façon anonyme une fois par an. Onze questions fermées, avec un système de notation de 1 à 10, évaluent, entre autres, « l’envie de venir travailler », mais aussi « la considération des employeurs à votre égard » ou « la gestion des heures supplémentaires ». Deux questions ouvertes invitent les répondants à formuler des suggestions et à s’exprimer de façon plus détaillée sur les notes inférieures à 5 qu’ils auraient mises aux questions fermées. Dernièrement, grâce au travail d’un stagiaire, la démarche s’est enrichie d’entretiens semi-directifs. Au regard des réponses, plusieurs améliorations ont déjà été apportées pour corriger des perceptions négatives. « Nous avons revu les fiches de poste des auxiliaires spécialisés vétérinaires (ASV) à la suite d’une baisse de la note de cohésion d’équipe. Nous avons également augmenté le nombre de réunions avec les ASV du back-office », égraine le Dr Marilou Delaplace. Pareillement, comme certains vétérinaires chargés de suivre les hospitalisations avaient manifesté des signes d’un niveau d’acceptabilité de la fatigue diminué, un nouveau collaborateur a été recruté et les emplois du temps ont été réaménagés. Là aussi, l’enseignement reste le même : il s’agit de mesurer, mais surtout d’engager ensuite les actions correctrices qui s’imposent, sous peine de laisser la QVT se dégrader encore plus.