Alimentation
FORMATION MIXTE
Auteur(s) : Jean-Paul Delhom Article rédigé d’après la conférence « Comment améliorer la santé et la croissance de mes animaux grâce à la santé de mes sols et de mes plantes ? Initiation à la culture de l’herbe : quelques grands principes pour s’en sortir as-tu le titre ? », donnée par Chantal Philippe, agrobiologiste spécialiste des parcours fourragers à 5mVet, lors des Journées nationales des groupements techniques vétérinaires Bourgogne-Franche-Comté, le 10 novembre 2022, à Beaune (Côte-d’Or).
La vie du sol, la vie végétale et la vie animale sont étroitement liées. Pour produire 35 kg de lait par jour, la vache laitière doit absorber 55 kg d’aliment par jour. De plus, les ruminants préfèrent les plantes présentant un bon équilibre entre la teneur en sucres et celle en nitrates. Tester cet équilibre est essentiel : réfractomètre Brix, pH-mètre, mesure du taux de nitrates (bandelettes, photomètres). Le taux de Brix est un indicateur de la concentration en sucres et en nutriments de la sève d’une plante. Pour un pH normal (entre 6,4 et 6,6), on doit toujours avoir un équilibre sucres/nitrates (par exemple: 600 ppm de nitrates avec un Brix de 6 %, 700 ppm nitrates avec un Brix de 7% etc. …). Dans une étude plus précise sur les fourrages, la notion de digestibilité de la matière organique (DMO) est primordiale, ainsi que celles de matière azotée totale (MAT) et d’unité fourragère lait (UFL) pour déterminer leur valeur énergétique. De plus, des travaux de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement ont établi des repères clés de la vie de l’herbe en fonction de la somme des températures journalières. Cet indicateur s’obtient en calculant la température moyenne journalière à partir du 1er février. Il est borné entre 0 et 18 : une température inférieure à 0 °C correspond à une note de 0, supérieure à 18 °C à une note de 18. Il est admis que le départ de la végétation, et donc la mise à l’herbe des ruminants, se fait à 300 °C, et que les épis se forment vers 500°C et signent la fin du déprimage. Ces informations ne remplacent toutefois pas l’observation directe des prairies, selon Chantal Philippe.
Importance de l’équilibre des prairies
De plus, l’équilibre des prairies dépend de leur composition botanique. Idéalement, elles doivent contenir 50 à 70 % de graminées, 10 à 30 % de légumineuses et 10 à 30 % d’autres plantes. Les espèces botaniques seront choisies parmi les plus digestibles (ray-grass, brome, fétuque des prés pour les graminées, trèfle blanc et violet pour les légumineuses) pour les bovins afin d’avoir un équilibre carbone-azote. La densité au sol doit également être élevée pour limiter l’impact du soleil et de la perte d’eau. Les plantes doivent ainsi s’accorder entre elles, sans compétition, pour permettre l’exploration de tout l’espace aérien et souterrain. Si une prairie n’est pas productive, la conférencière recommande d’effectuer des sursemis. L’objectif de ces mélanges est d’améliorer le rendement laitier des bovins en réduisant la part des concentrés achetés, mais aussi d’éviter l’installation de mauvaises herbes, d’améliorer la résistance à la sécheresse et d’obtenir une rentabilité stable. Comme l’a indiqué Chantal Philippe, « l’herbe pâturée est un aliment de qualité si elle est pâturée au bon stade ». Du stade feuillu au stade floraison, la valeur énergétique de la prairie passe de 0,97 à 0,66 UFL/kg de matière sèche (MS), et la MAT de 17 à 9 %.
Des méthodes d’analyse variées
Par conséquent, l’examen d’un jus d’herbe par réfractomètre présente un véritable intérêt pour mieux appréhender les teneurs en sucres du pâturage. En effet, la mise à l’herbe se fait avec un Brix supérieur à 8 % et, s’il dépasse 15 %, l’herbe doit être fauchée. Selon la conférencière, un jus d’herbe doit être vert. S’il est marron, il est oxydé, et sa conservation sera difficile. En outre, un bon fourrage se récolte au bon stade, il doit être propre (sans terre) et à bonne hauteur (7 cm). Ainsi, les fourrages riches en sucres et fauchés l’après-midi augmentent la production laitière et favorisent la synthèse des matières grasses et des matières protéiques du lait. Pour qu’une ration soit optimale, il faut qu’elle contienne 5 % de sucres et il est important de bien choisir son mode de stockage : ensilage ou enrubannage, séchage en grange, balles rondes ou carrées. Plus le taux de MS est élevé plus la conservation est facile. Entre 30 de 40 % de MS, le fourrage sera mis en silo et, de 45 à 75 % de MS, il sera enrubanné. À plus de 85 % de MS, il sera utilisé comme foin. Comment faire le lien entre des problèmes de santé animale (prolapsus, perte de lait) et la qualité du fourrage ? D’après Chantal Philippe, ce lien peut être confirmé en analysant la ration (carence en oligoéléments, excès de potasse, etc.).
Les mesures correctrices à appliquer
En présence d’un taux de fibre élevé (NDF) avec une digestibilité faible (dNDF), le stade de récolte est probablement trop tardif et les espèces botaniques sont inadaptées (dactyle, chiendent) ; les plantes ont alors souffert de la sécheresse. Si les matières minérales (MM) sont faibles, il faut alors augmenter le pourcentage de légumineuses et vérifier la qualité des sols (carences, compaction). Des taux d’oligoéléments faibles avec un taux de manganèse élevé se retrouvent sur des sols trop compacts, carencés, lors de fertilisation au lisier ou en présence d’espèces végétales inadaptées (chiendent, houlque, agrostis). Comme l’a ajouté la conférencière, si les UF sont basses, on peut considérer que la fauche a été trop tardive et que la plante était en épiaison. Si la MAT est faible, le stade de fauchage est trop tardif et il se peut que le pâturage manque de légumineuses. Enfin, même si l’analyse des fourrages est primordiale, il ne faudra pas oublier celle du sol. Un test à la bêche servira à vérifier sa texture, car un sol de bonne qualité présente une répartition homogène et des racines ramifiées qui colonisent l’ensemble de l’espace. Des mesures directes au champ sont possibles pour mesurer l’équilibre pH-potentiel d’oxydoréduction, ou potentiel redox (Eh). Une analyse (des sols ou des fourrages) doit être réalisée tous les cinq ans et permettre, si besoin, de mettre en place des actions correctrices.