Chirurgie
FORMATION CANINE
Auteur(s) : Léo Dehertogh et Laetitia Boland (diplomate European College of Veterinary Surgeons), praticiens au CHV Nordvet, à La Madeleine (Nord)
Cas clinique
Motif de consultation
Un chiot berger australien mâle entier âgé de 1 mois est présenté en consultation car il manifeste, depuis sa naissance, des difficultés respiratoires permanentes, accentuées lorsqu’il change de position. Il est né d’une portée de 2 chiots et pèse la moitié du poids de l’autre chiot de la portée, qui, lui, ne présente aucun symptôme particulier.
Examen clinique
À l’examen clinique, l’animal est alerte et en bon état général. Ses muqueuses sont roses au repos, mais facilement cyanosées lorsqu’il est manipulé. La palpation de ses ganglions ne révèle aucune anomalie, tout comme la palpation abdominale, qui est souple et non douloureuse. À l’auscultation cardiorespiratoire, le cœur est audible dans la portion dorsale du thorax (l’aire d’auscultation semble normale).
Examens complémentaires
Un bilan sanguin est réalisé dans un premier temps ; il met en évidence une légère anémie régénérative normocytaire normochrome (10,5 g/dL d’hémoglobine, 30,5 % d’hématocrite), associée à une réticulocytose à 144,6 K/µL, physiologique chez le chiot. Une monocytose discrète à 1,67 x 109/L est également retrouvée à l’analyse hématologique. L’examen biochimique révèle une urémie et une créatininémie très légèrement diminuées, ainsi qu’une hyponatrémie discrète non significative.
Des radiographies thoraciques sont effectuées dans un second temps (vue latérale droite et vue ventro-dorsale). Elles objectivent la présence d’un important contenu abdominal qui masque la silhouette cardiaque ainsi que la quasi-totalité des structures thoraciques. Des anses digestives sont également observées dans le péricarde.
Une échographie cardiaque vient compléter cet examen et met en évidence la présence de plusieurs anses digestives et divers lobes hépatiques dans le sac péricardique. Aucune malformation cardiaque n’est alors retrouvée malgré le fait que l’examen est limité par la présence d’organes digestifs.
Diagnostic
Les résultats des examens complémentaires sont en faveur d’une hernie phrénico-péricardique (PPDH) d’origine congénitale.
Traitement
Compte tenu de la présence d’une dyspnée, le traitement chirurgical est privilégié au traitement conservateur.
L’animal est anesthésié par voie intraveineuse avec du propofol couplé au diazepam, suivi d’un relais par anesthésie gazeuse à l’aide d’isoflurane. L’analgésie peropératoire est assurée par une perfusion continue d’un mélange fentanyl, lidocaïne et kétamine.
Le protocole chirurgical consiste en une laparotomie médiale crâniale, qui permet de réduire les organes herniés et de procéder à la fermeture de la hernie. Les lambeaux diaphragmatiques latéraux sont alors libérés afin de réaliser une herniorraphie simple. Un drain thoracique est mis en place avant d’effectuer une fermeture classique en trois plans.
L’hospitalisation est poursuivie durant 48 heures pour assurer une gestion correcte de la douleur et contrôler, à l’aide du drain, la production éventuelle de liquide ou d’air au niveau du thorax. Des radiographies thoraciques sont réalisées après 24 heures, et le drain est retiré compte tenu de l’absence d’anomalie. Une antibiothérapie postopératoire adaptée est prescrite pour 7 jours (amoxicilline-acide clavulanique). Un repos strict est recommandé durant 15 jours à la sortie de l’animal. Un contrôle et le retrait des points de sutures sont prévus 2 semaines plus tard.
Suivi
Lors du deuxième contrôle postopératoire, un mois après l’intervention chirurgicale, l’animal ne présentait aucune anomalie clinique, une résolution de la dyspnée, et avait repris une croissance normale. Les radiographies de contrôle montrent un pectus excavatum, une déviation de l’axe du cœur vers la gauche, et un diaphragme intègre. L’opacité du coeur se trouve modifiée étant donné sa position non physiologique.
Discussion
La hernie phrénico-péricardique résulte d’un défaut de développement du diaphragme dans sa partie ventrale durant la vie embryonnaire. Elle représente 0,5 % des maladies cardiaques congénitales et est presque systématiquement d’origine congénitale (très rarement traumatique). Cette affection touche plus fréquemment les chiens que les chats. Une prédisposition raciale a longtemps été avancée mais semble à ce jour contestée. Les signes cliniques varient en fonction de la gravité de la hernie (48 % des cas sont diagnostiqués dans leur première année de vie, 6 % le sont après 8 ans). Un traitement chirurgical est à discuter face à un traitement conservateur selon l’âge de l’animal, la gravité des signes cliniques ainsi que les circonstances de la découverte de la lésion (fortuite ou due à la présence de symptômes). S’il n’y a pas de signes cliniques, la durée de vie de l’animal est équivalente, quel que soit le traitement mis en place (chirurgical ou conservateur). La moitié des chiens et un quart des chats présentant une PPDH ont une autre anomalie congénitale associée (en particulier les shunts, les hernies ombilicales et les pectus excavatum). En présence de PPDH, l’auscultation cardiaque est normale dans la moitié des cas, et une auscultation pulmonaire modifiée n’est observée que dans 1 cas sur 10. À la suite d’un traitement chirurgical, les complications décrites surviennent majoritairement en périopératoire.