Une seule violence
ANALYSE GENERALE
Auteur(s) : Tanit Halfon
Une journée de conférences consacrées à toutes les formes de violences, dont la maltraitance animale peut être un révélateur, sera organisée à Paris le 17 mars 2023. L’un des enjeux majeurs sera d’informer toutes les parties prenantes des dernières évolutions du cadre réglementaire. Le point avec Arnaud Bazin (A 90), sénateur du Val-d’Oise et coparrain1 du colloque, président de la section animal et société et vétérinaire praticien pendant plus de trente ans.
Le thème du colloque est « Une seule violence ». De quoi parle-t-on ?
Plusieurs études internationales ont montré qu’il pouvait exister une corrélation entre la violence exercée sur les êtres vulnérables, particulièrement les enfants, éventuellement le ou la conjoint(e), et celle à l’encontre des animaux de compagnie, notamment au sein du foyer. Conscient de l’existence de cette violence « unique multispéciste », j’ai constitué en 2020 une équipe de vétérinaires, juristes, psychiatres et enseignants afin de dresser un état des lieux et de réfléchir aux moyens d’action. Nous avons décidé de porter le sujet sur le devant de la scène, à travers l’organisation d’un premier colloque réunissant plusieurs parties prenantes, y compris les institutionnels. À ce stade, l’enjeu est déjà de faire exister cette problématique dans l’espace public et d’attirer l’attention des décideurs, législateurs comme professionnels concernés, entre autres ceux chargés de la protection de l’enfance.
Quelles sont les avancées déjà menées sur ce terrain ?
La loi du 30 novembre 2021 dite de lutte contre la maltraitance animale a permis d’avancer dans la lutte contre toutes les violences et de la renforcer. Citons notamment un durcissement des peines pour les actes de cruauté et à caractère sexuel infligés envers les animaux : elles sont aggravées lorsque les faits sont commis en présence d’un mineur.
De plus, la loi a modifié le Code de l’action sociale et des familles en stipulant que les mises en cause pour sévices graves ou acte de cruauté ou atteinte sexuelle sur un animal détenu, notifiées à la cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP) par une fondation ou association de protection animale, doivent donner lieu à l’évaluation de la situation du mineur présent dans le foyer (article L.226-3). Dans ce même code, les missions de l’aide sociale à l’enfance ont aussi été modifiées (article 221-1) : elles intègrent désormais le repérage et l’orientation des mineurs condamnés pour maltraitance animale ou dont les responsables ont été condamnés pour maltraitance animale.
La loi a également permis de faciliter la levée du secret professionnel2 pour le vétérinaire : au même titre que les médecins ou d’autres professionnels de santé, il est désormais inscrit dans le Code pénal (article 226-4) que tout vétérinaire, avec ou sans habilitation sanitaire, qui signalerait au procureur, dans le cadre de son exercice professionnel, des sévices graves, des actes de cruauté ou d’atteinte sexuelle sur un animal, ou toute autre information relative à des mauvais traitements sur un animal, n’est pas passible de poursuites.
Quels progrès reste-t-il à accomplir ?
Ce colloque apportera des éléments de réponse. Il est probable que les améliorations à prévoir ne s’inscrivent pas dans des évolutions législatives, ni même réglementaires. À mon sens, il s’agira de déterminer des pistes d’amélioration de l’organisation des rapports entre les différents professionnels impliqués sur le sujet – police, gendarmerie, services départementaux d’aide sociale à l’enfance, associations, etc. et ministères associés. Ce colloque est une étape de plus dans le renforcement de la lutte contre toutes les violences, l’objectif étant d’avoir, in fine, des dispositifs plus efficaces tant au niveau de l’intervention des services publics que des associations de terrain.
Ces conférences contribueront à augmenter le niveau de connaissance globale de toutes les parties prenantes, en particulier à informer sur les acquis de la loi du 30 novembre 2021 et sur les leviers supplémentaires sur lesquels il est désormais possible de s’appuyer.
À l’issue du colloque, nous verrons s’il est possible de lister des objectifs à atteindre, et de définir un calendrier.
Vétérinaire et maltraitance humaine
Le vétérinaire n’est pas que la sentinelle de la maltraitance animale. Le Code pénal indique que la levée du secret professionnel est permise pour celui qui « informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes ou de mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligés à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ». Ne pas en informer les autorités est sanctionné.
En dehors de cette obligation d’information concernant les violences à l’encontre de mineurs ou de majeurs protégés, en cas de suspicion des deux formes de maltraitances (sur un animal et sur un être humain), le vétérinaire peut en informer le procureur de la République. « En dehors de l’exercice de ses fonctions, le vétérinaire est un citoyen comme un autre qui est autorisé à signaler à la police ou à la gendarmerie, à une association de protection animale ou à la direction départementale de la protection des populations toute maltraitance dont il aurait été témoin », rappelle l’Association contre la maltraitance animale et humaine.