Vos pratiques de stérilisation ont-elles changé ?  - La Semaine Vétérinaire n° 1968 du 02/12/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1968 du 02/12/2022

EXPRESSION

Auteur(s) : Propos recueillis par Pierre Dufour

Il est désormais admis par les scientifiques que la stérilisation n’est pas un acte anodin et peut avoir des conséquences médicales et comportementales délétères. Cette intervention doit donc être raisonnée, au cas par cas, selon la race, l’âge et le comportement de l’animal. Comment les vétérinaires intègrent cette nouvelle donne dans leur pratique ?

Marie-Lou Mayaud (T 16) 

Praticienne à la clinique de la Calyspo (Aubagne, Bouches-du-Rhône)

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Maintenir une activité hormonale sexuelle pour prévenir les tumeurs

Pour les chats, ma pratique n’a pas changé et est systématique. En revanche, je l’ai modifiée pour les chiens. Pour les femelles, l’intérêt prophylactique sur les tumeurs mammaires semble être le même si on opère entre les deux premières chaleurs. Pour les grandes races, attendre les premières chaleurs permet de limiter le risque d’incontinence urinaire et de vaginite chronique. En ce qui concerne les mâles, chez les chiens de grande race, maintenir une activité hormonale sexuelle préviendrait certains types de tumeurs, notamment osseuses, comme l’ostéosarcome. On peut repousser la stérilisation, surtout pour des races prédisposées aux tumeurs. Les indications de stérilisation des jeunes sont l’hypersexualité, l’agressivité envers d’autres chiens, les fugues et le marquage urinaire. Pour les propriétaires qui ne veulent pas stériliser, nous proposons un suivi régulier de la prostate et des testicules (clinique et échographique). Pour un animal en surpoids, la stérilisation peut être contre-indiquée, ou nécessiter une perte de poids préalable.

Fabien Labelle (T 16) 

Praticien à la clinique VetOlympe, Marseille (Bouches-du-Rhône)

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Cette intervention n’est plus pratiquée de façon automatique

Depuis ma sortie d’école, où la stérilisation était recommandée comme une intervention quasi-systématique, elle est aujourd’hui moins automatique. Pour les jeunes femelles avec une vulve encapuchonnée (assez fréquente et prédisposant à des vaginites et à des cystites récurrentes), je repousse la stérilisation car cela se résout bien après les premières chaleurs. L’intérêt prophylactique de l’intervention sur l’apparition de tumeurs mammaires ou de pyomètre est plus intéressant chez des jeunes animaux, même si les préconisations d’âge ont changé : tardive pour les races moyennes, et davantage encore pour les grandes races. Pour les chiens mâles, c’est au cas par cas, l’indication médicale étant moins évidente, à part pour l’hyperactivité sexuelle chez le jeune. Je peux proposer l’implant comme solution réversible. Pour le chat, la stérilisation reste assez systématique. Je sais que certaines données sur ses possibles complications émergent, mais je ne crois pas qu’il y ait encore de consensus clair, même si la gestion du surpoids demeure un problème parfois complexe.

Sylvie Chastand (A 90) 

Professeure de reproduction à l’ENVT1 (Haute-Garonne)

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Cet acte devient un conseil personnalisé adapté à l’animal

En privant l’animal d’œstrogènes, on modifie le remodelage osseux, ce qui favorise l’apparition d’ostéosarcomes, notamment pour les chiens de grande race. L’augmentation du taux d’hormone lutéinisante (qui possède des récepteurs sur de nombreux organes) entraîne une transition tumorale (bien connue chez le furet avec les tumeurs surrénaliennes poststérilisation). On note aussi des tumeurs de la lignée blanche, de l’incontinence urinaire, des affections articulaires (sans lien avec le surpoids). Le consentement éclairé des propriétaires est essentiel dans la connaissance de ces risques, qui nécessiteront un suivi médical. La stérilisation devient un conseil personnalisé, adapté aux conditions de vie de l’animal et de son détenteur. La détection précoce des tumeurs mammaires par palpation est facile à réaliser, même par le propriétaire, a contrario de celle du lymphome par exemple, dont le pronostic est plus sombre. Le pyomètre du chien est une maladie gérable aujourd’hui. Les stéroïdes participent à la plasticité neuronale, et la stérilisation peut aggraver certains troubles du comportement. Chez le chat, on dispose de peu de données sur l’impact sanitaire de la stérilisation.

  • 1. École nationale vétérinaire de Toulouse.