Pourquoi l’AG annuelle d’approbation des comptes est-elle si importante ? - La Semaine Vétérinaire n° 1969 du 09/12/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1969 du 09/12/2022

Finances

ENTREPRISE

Auteur(s) : Par Jacques Nadel

L’approbation des comptes des sociétés est une obligation annuelle contraignante, mais porteuse de réels enjeux à ne pas négliger. Emmanuel Duvilla, avocat associé du cabinet Auravocats, qui assure depuis des années la gestion, notamment des obligations juridiques, de nombreuses structures vétérinaires, propose un focus clair et précis sur cette démarche juridique de la vie de l’entreprise.

Chaque année, toute société commerciale (société à responsabilité limitée, société par actions simplifiée, société d’exercice libéral) ou civile (société civile professionnelle, société civile immobilière) doit faire approuver ses comptes annuels par ses associés, réunis en assemblée générale (AG) ordinaire (vote à la majorité simple), au plus tard dans les six mois de la clôture de l’exercice. Seules les sociétés commerciales doivent ensuite les déposer au greffe dont elles dépendent, dans les deux mois après l’approbation en cas de dépôt dématérialisé. Les comptes seront alors rendus publics, consultables sur Infogreffe par toute personne, à défaut de dépôt d’une déclaration de confidentialité. Les structures d’exercice vétérinaire n’échappent pas à ces obligations légales.

Constatant un souci de transparence économique et de contrôle davantage prégnant, « les greffes veillent de plus en plus au bon respect de cette obligation et n’hésitent pas à notifier des amendes en cas de premier défaut ou de retard de dépôt des comptes annuels, qui vont de 1 500 € et 3 000 € en cas de récidive », prévient Emmanuel Duvilla, avocat associé du cabinet Auravocats. Le respect de cette obligation annuelle permet aux associés de pouvoir contrôler et approuver la gestion de la société par les dirigeants.

L’approbation et le dépôt des comptes annuels requièrent un formalisme rigoureux, ne serait-ce que pour maintenir un climat de confiance entre associés. « Des précautions s’imposent d’autant plus que les structures vétérinaires ayant plusieurs associés avec des statuts différents (exerçant, non exerçant, investisseurs), des visions et des intérêts divergents (notamment en raison de leur âge ou du pourcentage de leur participation) sont de plus en plus nombreuses, ce qui nécessite de fait de gérer des équilibres complexes, voire fragiles, et de faire preuve de conciliation », explique-t-il. Il ajoute que cette responsabilité incombe légalement au(x) dirigeant(s) de la société vétérinaire qui, à défaut de se conformer à ces obligations, peu(ven)t se voir condamner en justice à une amende de 9 000 € et à indemniser, le cas échéant, la société qu’il représente (et/ou ses associés) en cas de préjudice en résultant. D’où l’intérêt de confier cette mission annuelle à un professionnel du droit.

Calendrier et convocation des associés

Les associés doivent tous (y compris ceux détenant ne serait-ce qu’une part ou action dans le capital de la société) être convoqués au moins quinze jours avant la date de l’AG annuelle (sauf délai plus court prévu dans les statuts). « En pratique, les dirigeants vétérinaires de petites ou moyennes structures, tant qu’ils s’entendent bien avec leurs associés, ont souvent tendance à négliger cette obligation, constate l’avocat. Or, le non-respect de cette obligation de convocation préalable des associés rend l’assemblée annulable et constitue une faute de gestion opposable au dirigeant. »

Sous peine également de rendre l’AG annulable, la convocation doit, en plus de rappeler précisément l’ordre du jour, être remise aux associés accompagnée d’un certain nombre de documents : les comptes annuels, le texte des résolutions soumis aux votes des associés, le rapport spécial sur les conventions réglementées, une procuration en cas d’absence, le rapport annuel de gestion. Ce dernier, même si, depuis 2018, n’est imposé que pour les sociétés de chiffre d’affaires de plus 12 millions d’euros, s’avère être un support de communication et d’information réellement utile pour les associés sur le détail de l’activité de la société, les événements importants intervenus au cours de l’exercice écoulé, les perspectives d’évolution, etc.

L’ordre du jour de l’AG

« Le dirigeant doit obligatoirement porter à l’ordre du jour de l’AG : l’examen et l’approbation des comptes annuels de la société (bilan, compte de résultat, annexes) ; l’approbation de la gestion exercée au titre de l’exercice écoulé par le gérant ou le président en lui donnant “quitus” ; l’affectation du résultat (et, en cas de distribution de dividendes, la part attribuée à chaque associé et celle prélevée le cas échéant sur les réserves disponibles) ; l’approbation du rapport spécial sur les conventions dites réglementées (soit toutes celles nouvellement conclues ou poursuivies durant l’exercice en cause par la société avec un associé, un dirigeant ou une société dans laquelle il est dirigeant ou associé) ; l’éventuel renouvellement du mandat des dirigeants, de celui du commissaire aux comptes », énumère Emmanuel Duvilla.

Parmi les sujets incontournables, la résolution d’affectation du résultat (adoptée à la majorité simple des voix des associés) constitue un sujet sensible, qui peut donner lieu à un abus de majorité en cas de mise systématique en réserve du bénéfice. « La mise en place en amont, dans le pacte d’associés, d’une politique de distribution de dividendes (garantissant aux associés minoritaires le versement d’un pourcentage minimum du bénéfice chaque année) peut s’avérer judicieuse, entre autres pour éviter des discussions à ce sujet, voire des contestations ultérieures, mais aussi pour créer une source de motivation supplémentaire qui contribue à un meilleur développement de la société », recommande-t-il.

« Une autre résolution essentielle doit prévoir la ratification des rémunérations versées au(x) dirigeant(s), en contrepartie de l’exercice des fonctions de direction et, idéalement (même si ce n’est pas obligatoire), de celles versées aux associés professionnels exerçant non-dirigeants, en contrepartie de l’exercice de leurs fonctions techniques de vétérinaire, tant au titre de l’exercice écoulé que de celui à venir. L’élaboration en amont d’une convention d’exercice libéral conclue avec chaque associé exerçant, qui définit notamment les modalités de leur rémunération, peut aussi s’avérer judicieuse pour limiter les discussions et les contestations éventuelles à ce sujet lors de l’AG », poursuit-il.

Enfin, l’évaluation des titres de la société, qui résulte d’une obligation prévue dans les statuts ou dans le pacte d’associés est également soumise au vote des associés. Trop souvent négligée, cette exigence permet d’éviter d’éventuels blocages entre associés et procédures d’expertise judiciaire coûteuses à des moments clés (entrée ou sortie d’associés, augmentation de capital, vente de la société, etc.).

D’autres sujets importants peuvent être soumis aux votes des associés, tels que les modalités de rémunération et de remboursement des comptes courants d’associés, la répartition des fonctions de direction entre les codirigeants vétérinaires, ou toute autre question qui relève de la compétence des associés au regard de la loi et des statuts de la société.

Des mentions obligatoires

En outre, un certain nombre de mentions obligatoires doivent être impérativement inscrites dans les résolutions soumises aux votes des associés (la dotation de la réserve légale, les montants des dividendes distribués au cours des trois derniers exercices, certaines dépenses non déductibles et charges somptuaires, s’il en existe) et, dans le rapport de gestion (évolution prévisible de l’activité, participations détenues dans d’autres sociétés, changements de méthode comptable, description des principaux risques et incertitudes auxquels est confrontée la société). « Cette AG offre l’opportunité d’aborder certains sujets stratégiques de gestion et de fonctionnement et, plus généralement, de faire un bilan sur l’année qui vient de s’écouler, de réfléchir ensemble à l’amélioration de la gestion de la société, de définir de nouvelles orientations, de lancer certains projets (investissements, recrutements, réajustements internes, etc. », précise Emmanuel Duvilla. Et d’insister, en conclusion, sur la bonne préparation de l’AG annuelle d’approbation des comptes, gage de communication et de cohésion entre les associés.