Envoûtement

C’est en découvrant quelques plaques photographiques de l’Islande du XIX^e siècle – alors sous domination danoise – que le réalisateur Hlynur Pálmason a eu l’idée de réinventer l’histoire de leur création. Accompagné d’un assistant-traducteur, un jeune prêtre danois débarque sur l’île avec pour mission d’y construire une église et de photographier sa population. Avec Ragnar pour guide, un autochtone bourru, il entreprend la traversée de ces étendues antédiluviennes. Un périple à l’âpre beauté que la pluie et le froid, l’incompréhension avec Ragnar, la mort accidentelle de l’interprète et l’épuisement vont transformer en chemin de croix. Dans une seconde partie, les hommes de l’expédition, devenus charpentiers, donnent forme à l’église. Revenu d’entre les spectres, le jeune prêtre malingre trouve un semblant d’apaisement dans la photographie et dans sa complicité avec les deux filles du colon danois qui l’héberge. La disparition de son cheval annonce pourtant sa tragédie. Au contact de ces lieux plus métaphysiques que la chrétienté, la foi et l’esprit chavirent. Magnifiquement cadré au format carré originel du cinéma, Godland dessine un singulier parcours contre-initiatique qui transfigure la brutalité du monde en envoûtement. Les animaux – les chevaux et le chien de Ragnar – y sont omniprésents.

• Godland, de Hlynur Pálmason, avec Elliott Crosset Hove, Victoria Carmen Sonne, Ingvar Eggert Sigurðsson, 2 h 23, sortie le 21 décembre.