L’IA, une aide à la lecture des images radiographiques - La Semaine Vétérinaire n° 1970 du 16/12/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1970 du 16/12/2022

Imagerie médicale

ANALYSE CANINE

ARTICLA 11

Auteur(s) : Tanit Halfon

Les programmes d'intelligence artificielle apparaissent particulièrement indiqués en radiographie thoracique. À ce stade de développement, si des progrès restent à accomplir pour améliorer la qualité de ces outils, certains sont déjà disponibles sur le marché.

La radiographie du thorax fait partie des examens d’imagerie médicale relativement difficiles à lire pour un vétérinaire généraliste. Mais cette région anatomique est aussi propice à l’utilisation de programmes d’intelligence artificielle en tant qu’outils de lecture. Ces derniers sont une « une petite révolution dans le monde de l’imagerie », a expliqué Laurent Blond (T 98), diplômé du Collège américain de radiologie (ACVR pour American college of veterinary radiology). Ils font l’objet de discussions au sein des Collèges, avec la formation d’un comité ad hoc1 réunissant le Collège américain de radiologie et le Collège européen (ECVDI pour European college of Veterinary Diagnostic Imaging), pour étudier les effets d’un programme d’intelligence artificielle. Comment cela fonctionne-t-il ? Le thorax est une structure qui a un très bon contraste radiographique, avec d’un côté l’air contenu dans les poumons, et de l’autre les structures cardio-vasculaires, qui sont les seules structures organiques normalement visibles. De fait, en théorie, toute autre opacité peut correspondre à une anomalie, et pourra être reconnue comme telle par un logiciel automatisé de lecture radiographique. Partant de cette base, l’apprentissage des algorithmes de lecture se fera à partir d’images de thorax normales et anormales, lesquelles auront été préalablement interprétées par des radiologues certifiés : le programme d’intelligence artificielle « apprend à partir de cas qui lui ont été montrés ». Sa qualité sera donc fortement dépendante de celle de sa base de données d’apprentissage, c’est-à-dire des radiographies de références présentées à l’algorithme.

Des outils encore en recherche et développement

À ce stade de configuration, ces nouveaux outils peuvent détecter des lésions radiographiques. En France, une entreprise française commercialise déjà un logiciel, PicoxIA. Dans une étude2 publiée en 2020, la performance de son algorithme a été comparée avec celle de vétérinaires, mais aussi à celle de vétérinaires assistés par le logiciel, pour la détection de 15 lésions thoraciques primaires de chats et de chiens. Il en est ressorti que le taux d’erreur était plus faible pour l’intelligence artificielle par rapport aux vétérinaires, y compris ceux qui étaient assistés, en particulier pour la cardiomégalie et les infiltrations bronchiques. Dans une autre étude3 conduite en 2021, l’algorithme a eu une performance similaire à deux spécialistes, un en imagerie et un en cardiologie pour la mesure de l’indice de Buchanan. En 2022, une étude comparative4 menée sur 15 critères radiographiques entre quatre réseaux de neurones convolutifs et 13 radiologues vétérinaires a montré un résultat plus mitigé : seuls deux des quatre réseaux de neurones ont fait mieux que les spécialistes, et pour un seul critère seulement, la dilatation de l’œsophage. « Cela prouve que l’on est dans une phase d’étude, et que des progrès restent à faire », a rappelé Laurent Blond. Les recherches cliniques dans ce nouveau domaine sont très récentes.

Identification des lésions

En analysant une image, le logiciel PicoxIA associe une lésion à une probabilité qui correspond au pourcentage de chances qu’il y ait cette lésion. Tous les compartiments du thorax (poumons, plèvres, thorax global, cardio-vasculaire, voies aériennes) sont « lus » par le logiciel, pour chaque positionnement, avec un bilan global. Finalement, cet outil apparaît comme une aide de lecture, pour orienter le diagnostic, étant entendu que ce sera ensuite au praticien d’interpréter, suivant le contexte clinique. De plus, il convient de faire attention à la qualité des radiographies soumises à l’intelligence artificielle, notamment en ce qui concerne l’exposition. De manière générale, les programmes d'intelligence artificielle ont l’avantage de permettre une double évaluation, immédiate et systématique, et objective et exhaustive. À noter tout de même qu’aux États-Unis, un autre système, Vetology, va plus loin. Il propose un rapport type et va même jusqu’à suggérer un diagnostic et des recommandations de thérapie. À suivre donc.