SPECIAL AFVAC Formation continue
ANALYSE CANINE
Auteur(s) : Par Laurent Masson et Anne-Claire Gagnon, avec Valentine Chamard
L’édition 2022 du congrès de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac) a balayé de nombreux sujets, à travers des conférences collaboratives, sur la technologie, mais aussi sur la résistance psychologique et sur la nécessité de flexibilité comportementale des praticiens.
« Ce congrès est une belle réussite… malgré les difficultés générées par la grève SNCF », s’enthousiasme Jean-François Rousselot, président de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac), au lendemain du congrès national de l’association, qui s’est déroulé au parc Chanot de Marseille (Bouches-du-Rhône) du 1er au 3 décembre dernier. Les organisateurs se réjouissent en effet de la fréquentation de cette édition : 3 976 badges délivrés, 205 conférences, 145 exposants sur 5 000 m2. « Le sujet original de la technologie au service de la clinique a engendré une belle fréquentation des salles de conférences, avec un large panel de solutions. Le but était d’aider les équipes soignantes à choisir la technique la mieux adaptée à leur situation. »
La technologie à tous les niveaux de la clinique
Quand la technologie, fil rouge de ce congrès, pousse la porte de la clinique vétérinaire, elle peut prendre différentes formes selon le domaine abordé. Depuis longtemps, les fiches Bristol ont été remplacées par des logiciels dont les fonctionnalités n’ont cessé de se développer. Ces solutions numériques permettent d’aller plus vite, de faire plus de choses, de faire aussi moins d’erreurs, d’avoir un meilleur suivi, elles facilitent et stimulent les échanges, le recueil d’avis de clients. De la même façon qu’elles sont appliquées à la gestion de la relation client, elles sont aussi pertinentes pour l’animation des équipes.
L’intelligence artificielle vient de plus en plus en aide au clinicien. Le système Picoxia de FAS apporte ainsi une aide à la lecture des radiographies (voir aussi p. 38). La lecture de lame par le système Vetscan Imagyst de Zoetis révolutionne le diagnostic cytologique ou parasitaire fécal, tout comme la lecture d’un frottis sanguin en complément d’un résultat fourni par un automate.
Des applications de suivi pour l’animal arthrosique ou atopique se développent notamment sur smartphone pour une meilleure prise en charge de ces maladies chroniques par une collaboration entre vétérinaire et propriétaire. Le Freestyle Libre est de plus en plus utilisé en clinique pour la réalisation de courbe glycémique chez l’animal diabétique, notamment le chat.
En ophtalmologie, différents appareils s’adaptent sur smartphone (voir aussi p. 37), biomicroscope ou microscope opératoire pour un examen du segment antérieur et postérieur, un stockage des images. Mais il est regrettable qu’ils souffrent d’obsolescence liée à l’évolution des tailles et optiques des smartphones…
En chirurgie, la technologie permet une prise en charge mini-invasive dans de nombreuses situations. L’impression 3D va sûrement bouleverser la pratique chirurgicale dans le futur, comme guide préopératoire carcinologique ou orthopédique ou en vue de réaliser une prothèse, mais c’est aujourd’hui un domaine encore balbutiant. Par ailleurs, même si les premières techniques d’hémostase restent la compression au doigt, à la compresse ou à l’aide d’un clamp, et les ligatures, le chirurgien dispose de techniques permettant de gagner en rapidité et en sûreté comme les hémoclips, les pinces d’autosuture, la fusion tissulaire, les agents hémostatiques topiques (Gelfoam, Avitene, Surgicel, HemaBlock, par exemple) ou encore le laser chirurgical (diode, CO2, NdYAG, HoYAG).
L’endoscopie tend également à se développer en reproduction et en dermatologie : très utilisée par les vétérinaires réalisant des inséminations artificielles, elle s’avère intéressante notamment dans l’exploration de toute perte vulvaire pour en déterminer l’origine et la cause. En dermatologie, la vidéo-otoscopie présente un intérêt non seulement diagnostique, mais aussi thérapeutique (retrait de corps étranger, myringotomie par exemple) et pédagogique pour les propriétaires. Le laser médical, avec ou sans bioluminescence, et chirurgical, gagne également de la place dans les cliniques.
L’évaluation et le suivi du prurit peuvent être réalisés à l’aide d’application (AtopiScore) ou de collier connecté comme Vetrax et Whistle : ce sont des moniteurs d’activité (comme la mesure de l’accélération linéaire non gravitationnelle), dont les données sont accessibles par smartphone. Les informations collectées peuvent permettre aux vétérinaires d’identifier rapidement les épisodes prurigineux, de suggérer aux propriétaires la mise en place de traitements et/ou de réaliser des examens en cas de besoin, et d’évaluer les progrès et l’efficacité des plans thérapeutiques mis en place.
La gastro-entérologie a elle aussi son innovation : la microcapsule Alicam qui enregistre la vidéo du tube digestif, permettant un examen des parties non explorables par voie haute ou voie basse. L’interprétation des images est réalisée par télédiagnostic.
En comportement, l’outil vidéo permet à tout un chacun de capturer des scènes du quotidien avec son animal et de les partager aisément. Cette avancée technologique constitue une opportunité pour le vétérinaire désireux d’enrichir son recueil de sémiologie comportementale grâce à la spontanéité et à l’objectivité des situations enregistrées. Enfin, en cardiologie, notre confrère Jean-Hugues Bozon (clinique Hopia à Guyancourt, Yvelines) a montré qu’il était possible de proposer une réparation chirurgicale de la valve mitrale sous circulation extracorporelle.
Fluoxétine, le retour
Une partie de l’équipe du groupe d’étude en comportement des animaux familiers (Gecaf) a présenté les avantages et inconvénients d’une prescription rapide de fluoxétine par le généraliste pour le chiot ou le chaton hyperactif, sans acquisition des autocontrôles. La fluoxétine est un inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine dont le premier lancement en France (sous le nom de Reconcile) n’avait pas perduré, au grand dam des spécialistes. Propriétaires et vétérinaires généralistes font cependant de la résistance à cette molécule, trop souvent prescrite à vie en humaine par facilité. La fluoxétine est donc souvent un sujet clivant, avec des partis pris irrationnels bien tranchés. Emmanuel Gaultier (N 93) a cependant décrit les effets indésirables rares, qui peuvent survenir dans les 15 premiers jours d’administration et qui doivent être annoncés aux propriétaires : sursauts, tremblements, diarrhée, hallucinations, et plus rarement diabète insipide. Une fois ce cap passé, les bénéfices, au niveau du cortex préfrontal, sont manifestes et restaurent un fonctionnement cérébral harmonieux, rééquilibrant ces chiens qui fatiguent leurs propriétaires et sont dans l’incapacité de communiquer avec leurs congénères, se mettant en danger. Pour Sabine Faget (L 96), Emmanuel Gaultier et Béatrice Laffitte (T 93), Reconcile peut être pour le généraliste une molécule de première intention en cas de déficit des autocontrôles, associée à des exercices d’acquisition des autocontrôles.
Zoonoses félines 3.0
Les zoonoses félines sont un sujet dont la prévention concerne au quotidien les clients et l’équipe vétérinaire. Valérie Lecoutour (A 90), praticienne féline exclusive au sein d’une clinique petits animaux avec son associé praticien canin, a rappelé que l’approche "chamicale" permet de se prémunir des griffures et des morsures, responsables de notre possible contamination par Bartonella henselae (et d’autres agents comme Pasteurella spp.). C’est dans le conseil de la cage de transport, dans la prise de rendez-vous et l’absence d’attente pour le propriétaire que résident les premiers éléments d’une mise en bonne condition du félin. Valérie Lecoutour a rappelé qu’il fallait ensuite laisser au chat l’initiative de sortir de sa cage de transport, sans l’y forcer. Ne jamais chercher l’affrontement et savoir reprogrammer une consultation avec prescription de gabapentine (100 mg, 90 minutes avant la consultation) sont de sages précautions pour limiter les risques de griffures et de morsures. L’hygiène soigneuse des mains et des ongles, lavés et séchés avant de manipuler le chat, sont de mise. Le traitement antiparasitaire préventif contre la pulicose est à expliquer au propriétaire, à la fois pour la santé de son chat mais aussi celle de sa famille.
Se prémunir de la teigne
En hospitalisation, c’est de la teigne dont il faut prémunir nos locaux et nos mains. Si la tonte d’un chat teigneux à poils longs est vraiment nécessaire, des gants seront utilisés et la table protégée par du plastique afin de limiter la contamination. Le chat se réveillera dans sa cage de transport. La désinfection des supports (où les spores ne se multiplient pas) sera faite de préférence avec de l’énilconazole, plus efficace et moins corrosif que l’eau de Javel. Tout ce qui peut passer à la machine, sans surcharger celle-ci, sera lavé à 60°C avec un cycle long, le filtre de la machine devant lui-même être ensuité lavé. Les sols seront aspirés régulièrement, les moquettes passées à la vapeur. En collectivité, les arbres à chats déhoussables seront privilégiés. Les chats ne sont pas la cause première des teignes humaines : seulement 20 % leur sont imputables.
Pour la giardiose, qui n’est pas toujours identifiée comme une zoonose par les praticiens, il faudra hospitaliser le chat en chatterie contagieuse, le laver (pour le décontaminer), jeter l’alèse qui aura été mise dans sa cage, utiliser de préférence un bac à usage unique (ou sinon mettre des gants pour laver le bac). Jacques Guillot (A 91), enseignant à Oniris à Nantes (Loire-Atlantique), a rappelé que la giardiose est souvent une zoonose inversée, ce qui doit conduire à vérifier si le propriétaire n’est pas lui-même atteint de troubles digestifs.
Concernant la toxoplasmose, 250 bébés naissent atteints chaque année en France, avec une contamination majoritairement due à la viande de mouton mal cuite. Malgré les 3 à 4 milliards de porteurs humains dans le monde, les chats sont toujours identifiés par les médias comme responsables de la transmission, alors même que l’élimination quotidienne des fèces du bac à litière prévient toute sporulation qui requiert (selon les conditions d’humidité et de température extérieure) plusieurs jours pour se produire.
Coprologie à la clinique
Il semble qu’il y ait une prévalence plus élevée de parasites en hiver ou à la fin de l’automne. Ce sont des moments propices pour proposer aux propriétaires de réaliser une coproscopie. Elle est à faire régulièrement, plusieurs fois par an. Comme avec le dépistage des anticorps avant vaccination (stratégie en place depuis des années pour le tétanos en humaine), réaliser les traitements au plus près des besoins réels est une approche à laquelle beaucoup de personnes adhèrent. Des kits comme le mini-Flotac permettent de le réaliser sans centrifugation à la clinique.
Jacques Guillot a rappelé avec sagesse que lors d’infestation avérée au dipylidium, la vermifugation est de confort avec un « effet chasse d’eau ». Si le chat reste infesté par les puces, 15 jours après la vermifugation, aussi efficace soit-elle, le dipylidium est de retour. Bien que ce parasite soit l’agent d’une zoonose, le risque d’ingérer un ou plusieurs œufs est très limité. Le conseil et la prescription reposent sur les antiparasitaires externes.
La vermifugation des humains (majoritairement infestés par les oxyures) n’a pas de lien avec celle des animaux.
Pour une médicalisation pérenne des chats
Nicolas Layachi (Liège 03), seul vétérinaire français titulaire à ce jour du diplôme de médecine féline (Australian and New Zealand College of Veterinary Scientists, ANZCVS), a présenté avec humour les enjeux et moyens de médicalisation des chats. En partant de son expérience, ses espoirs et ses erreurs, il a souligné le changement de monde qui s’opère actuellement avec une population féline trois fois plus importante que celle des chiens en 2030, et des animaux familiers devenus familiaux. Le propriétaire d’hier est aujourd’hui un parent aux exigences affirmées, permettant de faire une médecine d’excellence qui va de pair avec une approche chamicale et Fear Free. À l’heure du décrochage, de la démission et de la démotivation professionnelle des équipes, la médecine féline fournit une opportunité de retrouver du sens, du lien émotionnel avec le parent et du travail d’équipe autour du « switcher émotionnel » qu’est le chat. Recherchant le consentement de l’animal en consultation, privilégiant la sédation plutôt qu’une mauvaise expérience pour un chat rebelle, des hospitalisations de jour ou très courtes pour ne pas lui nuire mentalement, Nicolas Layachi est très attaché à un accueil sans attente et à une prise en charge de qualité, sans générer d’émotions négatives. Cela permet ainsi une médicalisation régulière. Il invite chacun.e à s’interroger sur des éléments qui provoquent du mal-être pour le chat et ne sont que des outils qui rassurent le praticien, comme le pansement systématique après une ovariectomie, la collerette rigide, etc. Dès lors que l’analgésie et l’absence d’infection sont assurées, la plaie d’une laparotomie de convenance ne génère ni prurit ni douleur. Une consultation postcastration ou ovariectomie n’a pas de sens dans ce contexte et s’en affranchir épargne du stress au parent comme au félin, tout en libérant du temps pour le praticien. C’est dans l’acquisition des compétences psychologiques que Nicolas Layachi voit l’opportunité de briser le plafond de verre technique de la médicalisation féline : en pratiquant une slow médecine, faite d’un mélange d’observations, de discussions avec le parent et de réactivité à chaque fois qu’il le faut, en s’adaptant autant que possible à un patient que d’aucuns qualifient souvent d’Asperger.
Les réseaux en force
En 2018, Marseille accueillait son premier congrès vétérinaire avec l’apparition de nouveaux acteurs dans les allées de l’exposition commerciale : les réseaux de cliniques. Quatre ans plus tard, non seulement leur nombre s’est développé, passant de deux à dix, mais également leur importance, tant en mètres carrés qu’en devenant grands partenaires de cette édition (pour IVC Evidensia et Sevetys). Autre signe d’un changement dans la profession : la présence de stands dédiés au recrutement vétérinaire, au management ou à la transmission patrimoniale, ainsi que des services de matériel d’occasion vétérinaire ou de télémédecine.