Écoresponsabilité
ANALYSE CANINE
Auteur(s) : Tanit Halfon
L’association Eco Veto se mobilise en faveur d’une réflexion sur les pratiques vétérinaires afin de limiter les risques de pollution environnementale avec des antiparasitaires externes et les potentielles conséquences sur la santé humaine et la biodiversité.
Le vétérinaire praticien doit aussi contribuer à la bonne santé environnementale. C’est toute la démarche de l’association Eco Veto, créée en 2015 par Florence May, et qui a été rappelée par Floriane Lanord, actuelle présidente1, lors du module « Biodiversité : le vétérinaire, acteur incontournable du maintien des équilibres des écosystèmes » du congrès de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac). Selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la santé environnementale comprend les différents aspects de la santé humaine (dont la qualité de vie), et a donc à voir avec les pratiques de prévention des facteurs environnementaux susceptibles d’affecter cette santé. Parmi ces facteurs, il faut tenir compte de la pollution environnementale liée aux antiparasitaires externes (APE) pour les animaux de compagnie : plusieurs études révèlent en effet la présence de molécules utilisées comme antiparasitaires en médecine vétérinaire dans l’environnement. Comment la pollution se fait-elle ? Spot-on, collier, spray, shampoing : tous les types de conditionnement peuvent amener à une pollution. Les modalités de diffusion dans les eaux de surface sont multiples : lavage des animaux traités, pluies sur ces animaux, baignades dans les cours d’eau, etc. Un transfert des contaminants par le lavage des mains est aussi possible tout comme via les draps de literie. Ces derniers peuvent être en contact avec les animaux traités, puis les molécules finissent dans l’environnement après un lavage en machine. « Malgré un passage par les stations d’épuration, ces molécules ne sont pas éliminées, ou partiellement. Elles peuvent s’accumuler dans les boues d’épuration qui seront ensuite épandues, et donc finiront dans les eaux de surface », a expliqué la conférencière.
L’administration par voie orale pose question
Comment faire pour limiter cette pollution ? Prescrire des comprimés ? Leur impact environnemental doit encore être étudié. « Si on s’intéresse aux isoxazolines, ce sont des composés connus pour être toxiques pour les abeilles, et potentiellement très toxiques pour les arthropodes et les organismes aquatiques. Pour le fluralaner en comprimé, les carnivores domestiques éliminent la molécule mère inchangée, 90 % de la dose dans les 15 jours. S’il n’y a pas de données sur le devenir des molécules dans l’environnement, on peut regarder les données du côté de la poule, pour le médicament Exzolt [NDLR : contre l’infestation par les poux rouges]. La DT50 (demi-vie) oscille entre 400 et 1000 jours en fonction de la nature du sol, quelques jours dans l’eau, et une centaine de jours dans les sédiments. La molécule est très persistante, toxique, mais non bioaccumulable, et ne devrait pas entrer dans les cours d’eau, indique le résumé des caractéristiques du produit (RCP) », a souligné la conférencière. Dans ces conditions, peut-on demander au propriétaire de ramasser les crottes de son animal traité pendant 15 jours, se questionne-t-on à Eco Veto ? Pour l’afoxolaner, il y a une double élimination, biliaire et urinaire : dans ce cas, comment gérer les urines des carnivores domestiques ?
Des recommandations de bonnes pratiques
Penser la santé environnementale, c’est aussi avoir en tête les précautions d’usage des médicaments indiquées dans les notices, afin d’éviter toute contamination directe à l’humain : usage de gants, limitation des contacts en début de traitement, avec une vigilance pour les femmes enceintes et les jeunes enfants. Ces précautions valent pour les vétérinaires et sont à bien relayer aux propriétaires d’animaux : en effet, selon l’étude Pesti’home de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) sur l’usage des pesticides à domicile, trois types d’utilisateurs ont pu être définis, faibles, forts et très forts. Les détenteurs d’animaux de compagnie traitant contre les parasites externes font partie des forts utilisateurs de pesticides. Il convient d’être plus particulièrement vigilant pour les enfants qui s’avèrent plus vulnérables à l’absorption et aux effets néfastes des pesticides. Par ailleurs, il est à noter que des études montrent que l’exposition à ces molécules persiste dans la durée : a été attestée par exemple, une persistance du fipronil dans l’environnement d’un animal, 9 mois après son traitement (traces). A été révélé aussi que l’effet d’inhibition de l’éclosion des larves de puces de l’actif imidaclopride retrouvé sur des couvertures de chats traités, perdurait bien au-delà d’un mois, jusqu’à 18 semaines (4 mois et demi).
Pour soigner la santé environnementale, l’association Eco Veto propose plusieurs pistes de solutions (voir photo), avec en toile de fond, l’usage raisonné des molécules (et de la galénique) suivant l’animal, son mode et milieu de vie, et le profil des personnes vivant avec lui, sans oublier la bonne information des propriétaires. L’association travaille sur une formation en écoresponsabilité avec l’organisme Apform, ainsi que sur la rédaction d’un guide de bonnes pratiques en partenariat avec l’Association santé environnement France (Asef).
Au-delà de la santé humaine, la pollution environnementale pose aussi la question de l’impact sur la biodiversité.