Conférence
ANALYSE MIXTE
Auteur(s) : Jean-Paul Delhom
Les enjeux actuels autour de la qualité du lait recouvrent notamment la rationalisation du recours aux antibiotiques en élevage. À cette fin, le laboratoire Vetoquinol commercialisera courant 2023 un nouveau dispositif d’analyse, Mastatest, une innovation diagnostique dans la gestion ciblée des affections mammaires.
« Le niveau d’exposition des bovins aux antibiotiques a diminué de 22,5 % en 10 ans », a indiqué Caroline Le Poultier, directrice générale du Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (CNIEL), lors de la conférence « Qualité du lait : développer le traitement ciblé et sélectif des mammites en élevage », organisée par Vetoquinol le 16 novembre 2022. Pourtant, à l’heure actuelle, les attentes des consommateurs envers la filière lait restent fortes en matière de bien-être animal (BEA) et de sécurité alimentaire. C’est pourquoi, avec Pascal Lebrun, président de la branche lait de la coopérative Agrial, Caroline Le Poultier a fait le point sur ces enjeux. « France, terre de lait », la démarche responsable de la filière lait du CNIEL, est ainsi articulée autour de quatre axes de performance, pour que chaque acteur puisse « mieux vivre son métier, pour garantir le BEA et préserver l’environnement en conservant la confiance des consommateurs et en s’inscrivant dans une démarche de consommation responsable ». De plus, les plans Écoantibio ont déjà permis de déployer différentes actions de prévention des mammites, de maîtrise des boiteries ou de réduction de l’utilisation des antibiotiques, ont-ils précisé.
Évolutions réglementaires
En ce qui concerne la nouvelle réglementation sur les médicaments vétérinaires, « il s’agit d’une réforme de fond », a noté Eric Vandaele (N 88), cogérant d’Auzalide Santé animale, lors d’une autre intervention. En effet, sur les 160 articles du texte de loi1, 68 % traitent des autorisations de mise sur le marché (AMM) : définitions, étiquetage de l’emballage, liste des produits interdits et règles de mise sur le marché. Il y est question d’antibactériens et pas seulement d’antibiotiques (anticoccidiens, antifongiques). « Les exigences des AMM sont renforcées, ce qui a un effet dissuasif sur de potentielles innovations en antibiothérapie, et les ordonnances sont valables 5 jours », a-t-il ajouté. L’antibioprévention est dès lors quasi interdite, et la métaphylaxie doit être mentionnée sur l’ordonnance après diagnostic si le risque de propagation d’une maladie dans le groupe est élevé. L’usage des antibiotiques critiques est ainsi réduit (clinique, antibiogramme) et les quantités délivrées correspondent à celles prescrites. Le renouvellement ainsi que le recours aux antimicrobiens pour compenser de mauvaises conditions d’hygiène sont proscrits. L’antibioprophylaxie n’est autorisée que dans le cadre de la prévention des nouvelles infections au tarissement. Par ailleurs, depuis 2020, les antibiotiques sont classés en 4 niveaux (D : premier choix ; C : deuxième choix ; B : à restreindre ; A : à éviter) et 36 antimicrobiens sont interdits, avec peu d’impact pour la profession. Des discussions sont en cours pour prohiber les usages hors AMM des antibiotiques de classe B et, en France, avec le projet Calypso, l’Ordre des vétérinaires se donne pour mission de collecter les données sur l’utilisation des antibiotiques (suivi des ventes et de la consommation).
Techniques de bactériologie disponibles
Toutefois, comme l’a exposé Guillaume Lequeux (N 05), praticien à la clinique de L’Orge (Essonne), « même si la situation vis-à-vis de l’antibiorésistance des pathogènes retrouvés dans les maladies mammaires est plutôt rassurante et peu évolutive2 (avec une méfiance pour les Staphylococcus et les Streptococcus uberis), il ne faut traiter que les animaux qui le nécessitent, identifier rapidement les Staphylococcus aureus pour organiser une gestion plus spécifique de la mammite et écarter du traitement antibiotique les infections à taux de guérison spontané élevé (Escherichia coli, résultat stérile), hors formes sévères ». Les antibiotiques ne seront donc utilisés que pour les mammites cliniques bénignes ou modérées. À cet égard, la bactériologie du lait, comme support de traitement sélectif des mammites cliniques non sévères, permet de diminuer le recours à l’antibiothérapie et de limiter les risques d’apparition d’antibiorésistance. Selon Dominique Bergonier (T 90), enseignant-chercheur à l’École nationale vétérinaire de Toulouse (Haute-Garonne), la bactériologie peut être faite à la clinique vétérinaire, en élevage ou en laboratoire. Les praticiens disposent de différentes techniques : la gélose, avec des tests rapides (VetoRapid, Speed Mam color, VetoSlide), ou le dépistage non bactériologique par comptage cellulaire. D’après lui, il est indispensable d’associer plusieurs géloses sélectives pour détecter les germes dans un délai de 12 heures à 2,5 jours. En cas de faux négatif, il convient alors d’élargir le spectre de détection et de faire intervenir les laboratoires. En France, les géloses compartimentées VetoRapid contiennent trois milieux semi-sélectifs qui peuvent identifier les staphylocoques, les streptocoques et des bactéries à Gram négatif (coliformes). Les tests VetoSlide semblent plus performants pour la majorité des paramètres, tandis que les tests Petrifilm sont d’un intérêt limité pour la détection des germes, selon Dominique Bergonier. En outre, les tests multiplex polymerase chain reaction sont d’une extrême sensibilité, générant fréquemment des faux positifs.
Mastatest : une innovation diagnostique
Comme l’a relevé Olivier Salat (T 88), praticien à la clinique vétérinaire de la Haute-Auvergne (Cantal), « depuis 50 ans, les profils bactériens ont changé, de même que les traitements ». En effet, alors qu’en 1970, il fallait lutter contre des germes à réservoir mammaire (Streptocoque agalactiae, S. aureus), aujourd’hui, la lutte concerne des germes d’environnement (S. uberis, E. coli). À ce jour, 70 % des antibiotiques utilisés en élevage laitier le sont dans le cadre de la santé mammaire, et il a été démontré qu’une mammite peut être traitée avec 24 heures de retard sans que cela n’affecte la guérison ni n’aggrave le cas, pourvu que l’état général de l’animal ne soit pas affecté. « Grâce à ce délai de 24 heures, il est possible de rechercher des germes et de cibler les traitements, car certaines mammites cliniques non sévères guérissent très bien sans antibiotique (celles à E. coli ou d’origine non bactérienne) », a-t-il ajouté. Afin de répondre à ces besoins, le laboratoire Vétoquinol commercialisera courant 2023 Mastatest, un outil d’analyse bactériologique connecté qu’Ilona Chateau, cheffe de produits et solutions, et Abdelhadi Skalli, chargé de projet technico-commercial, ont présenté. Ce dispositif est actuellement en phase pilote chez des vétérinaires et des éleveurs. Il permet de réduire les contraintes des praticiens liées au deuxième plan Écoantibio3, ainsi que les coûts de maîtrise sanitaire. Selon les conférenciers de Vétoquinol, « Mastatest est un appareil robuste, facile d’utilisation, hébergeant un œil optique qui identifie le germe par colorimétrie. L’interprétation des résultats est faite par des algorithmes et est sauvegardée sur une plateforme connectée au cloud ». Les principaux germes responsables des mammites peuvent être détectés grâce à cet outil (coliformes, S. aureus, S. uberis, staphylocoque à coagulase négative, Streptocoque dysgalatiae, autres bactéries à Gram positif). Ainsi, trois antibiotiques (pénicilline G, cloxacilline, tylosine) testent la nature des germes présents en 18 à 24 heures. L’appareil peut être installé à la ferme ou au cabinet, ce qui encourage l’usage raisonné des antibiotiques adaptés aux types de cas rencontrés. « Associé au développement du conseil et des actes à travers une médecine de précision, il améliore le partenariat avec les éleveurs », ont ajouté les intervenants de Vetoquinol. Avant de conclure : « Mastatest est une solution unique sur le marché du diagnostic, un outil de surveillance et de prise de décision (mammites légères et modérées) fondée sur la bactériologie, grâce à un délai de processus de traitement raccourci. Il permet de cibler les traitements de la mammite et de réduire ceux qui sont inutiles. »