Europe
ANALYSE GENERALE
Auteur(s) : Par Karin de Lange
Le concept One Health a été le fil rouge de l’assemblée générale de la Fédération vétérinaire européenne qui s’est tenue à Malte fin novembre.
« Merci de m’avoir sauvé la vie dans le véritable esprit du One Health », voilà sans doute les paroles les plus gratifiantes prononcées au cours de l’assemblée générale de la Fédération vétérinaire européenne (FVE), qui s’est tenue à Malte les 25 et 26 novembre. Lors d’une séance spéciale sur le concept du One Health (une seule santé), un délégué britannique s’est effondré et a reçu 25 minutes de massage cardiaque de collègues vétérinaires qui s’étaient précipités à son secours. Le lendemain, il se sentait assez bien pour enregistrer un court message vidéo de l’hôpital, se référant au sujet principal de la réunion.
One Health : le concept à la mode en Europe
Le One Health a été le fil rouge de la réunion de deux jours. « Nous sommes heureux de voir que la FVE est parvenue à faire du One Health un terme à la mode dans l’Union européenne (UE). Désormais il y a même un service dédié à ce sujet au sein de la direction générale Santé de la Commission européenne », s’est félicitée Nancy De Briyne, directrice exécutive de la FVE. Elle a ensuite décrit les nombreuses initiatives One Health de la FVE, y compris un protocole d’accord renouvelé avec le comité permanent des médecins européens (CPME). Roberta Metsola, présidente du Parlement européen et maltaise, a également salué le « rôle essentiel du vétérinaire dans le One Health » lors d’une brève allocution vidéo à l’assemblée. La session sur le One Health a permis à plusieurs représentants nationaux d’exposer les initiatives de leur association sur le sujet, allant de la création de postes de professeurs titulaires et de séminaires de recherche (Finlande), de webinaires sur les cliniques vétérinaires plus écologiques, de l’amnistie pour les antibiotiques et de la mise en évidence du rôle de la santé publique vétérinaire (Royaume-Uni) au Livre blanc sur les 36 actions à mettre en place pour une politique française amibieuse « une seule santé » (France).
Médicaments : plus de hors AMM
L’antibiorésistance et la disponibilité des médicaments figuraient également en bonne place à l’ordre du jour. La nouvelle prise de position de la FVE sur les coccidiostatiques a été adoptée « compte tenu de l’augmentation des outils de lutte contre la coccidiose, des nouvelles preuves scientifiques et du nouveau cadre législatif ».
« Les médicaments vétérinaires doivent être prescrits dans le strict respect des résumés des caractéristiques du produit [RCP], a poursuivi Nancy De Briyne, conformément à l’article 106 du nouveau règlement sur les médicaments vétérinaires (2019/6). Cela signifie que les praticiens ne peuvent pas s’en écarter, donc pas de dose plus élevée ou plus faible, pas de traitement plus court ou plus long. » « En d’autres termes, l’article 106 nous interdit de dévier de l’autorisation de mise sur le marché [AMM] », a confirmé le président de la FVE, Rens van Dobbenburgh, ajoutant que « jusqu’à présent, les décideurs européens ont été réticents à modifier le libellé, par exemple en remplaçant ce qu’on “doit” par ce qu’on “devrait” faire ».
Il y a également des pénuries critiques de médicaments vétérinaires dans de nombreux pays, en particulier d’antimicrobiens à spectre étroit. L’Agence européenne des médicaments (EMA) a mis en place un réseau de contacts (délégués Small Private Online Course ou Spoc) pour aider à trouver des solutions, par exemple des importations temporaires.
Enfin, elle a invité tous les vétérinaires à participer à une enquête sur les tests de diagnostic, en particulier sur la disponibilité des antibiogrammes. De tels tests sont devenus obligatoires pour la prescription de certains antibiotiques.
Visites sanitaires : manque de mise en œuvre
« Il n’y a pas de bons et de mauvais vétérinaires, juste des approches différentes » a conclu Nicolas Fortané, sociologue français à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) qui avait analysé les attitudes vétérinaires concernant l’utilisation prudente des antimicrobiens (UMA) dans le cadre du projet Roadmap H2020. En examinant les 468 répondants de dix pays européens, il a identifié trois groupes : des vétérinaires orientés vers l’entreprise qui soutiennent timidement l’UMA, des vétérinaires orientés vers la santé publique et convaincus par l’UMA et des vétérinaires désillusionnés, qui estiment qu’on ne peut pas aller beaucoup plus loin.
Wiebke Jansen, agent de la FVE, a présenté les résultats de la deuxième enquête sur les visites sanitaires. Alors que la plupart des pays ont mis en œuvre au moins une partie des exigences, aucun n’a atteint 100 %, a-t-elle observé. En particulier, « les visites se limitent en grande partie aux animaux de production, tandis que la biosécurité n’a été incluse que dans 21 des 28 pays ayant participé à l’enquête. »
Bien-être des animaux et des vétérinaires
Après avoir fait le point sur l’ensemble des dossiers en cours du bien-être animal, la vice-présidente de la FVE, Mette Uldahl, s’est concentrée sur « l’autre côté de la médaille » : le bien-être du vétérinaire. Elle a annoncé le lancement de la campagne FVE « Unis dans la diversité », avec un site web dédié, et a invité tout le monde à soumettre ses expériences et idées concernant la diversité, l’égalité et l’inclusivité (DEI). Elle a également annoncé un webinaire le 16 décembre 2022, qui présentera les principales conclusions de l’enquête sur les DEI dans la profession vétérinaire.
« Tous nos collègues travaillent actuellement sans lumière ni électricité », a pour sa part rappelé Natalia Ignatenko, parlant au nom de la délégation ukrainienne. Elle a remercié la FVE et ses collègues européens pour leur soutien continu aux vétérinaires ukrainiens. Elle a également annoncé la création en cours d’un organe statutaire professionnel.
Indépendance professionnelle
La réunion de l’Union des vétérinaires praticiens européens (UEVP), le 24 novembre, a accueilli une table ronde sur les parcours professionnels et l’indépendance professionnelle. S’exprimant au nom des praticiens, Zsolt Pinter (président de la chambre des vétérinaires hongrois) a mis en garde contre le fait qu’il existait désormais des « professionnels de la santé des animaux aquatiques », conformément à la législation de l’Union européenne. « Nous devrions nous en méfier : à quand une extension aux secteurs du porc et de la volaille ? » Il a également mis en garde contre la perte potentielle d’indépendance des vétérinaires travaillant pour les grandes chaînes. Au cours du débat qui a suivi, Mette Uldahl (Danemark) a convenu qu’une prudence était de mise, mais a déclaré que les vétérinaires ne devraient pas créer une situation « eux/nous ». Mike Jessop, se présentant comme « originaire du Royaume-Uni, le pays phare des corporates », a noté que la structure des corporates était en train de changer et que dans son pays, les petites pratiques indépendantes étaient maintenant en augmentation.
Alors que la plupart des étudiants vétérinaires veulent travailler dans le domaine vétérinaire, beaucoup ne rêvent plus d’être libéraux, et lors du choix de leur emploi, « le revenu et le lieu de l’exercice sont les principaux facteurs de motivation », selon une enquête récente menée auprès des étudiants, a déclaré Vanda Dučić, représentante de l’Association internationale des étudiants vétérinaires (IVSA). Elle a ajouté que les zones rurales devraient être rendues plus attrayantes.
Éducation, durabilité, pénurie de vétérinaires
Parmi les autres dossiers débattus figuraient l’éducation, la durabilité et la pénurie de vétérinaires – sujet toujours d’actualité comme en a témoigné l’absence forcée du vice-président de la FVE, Thierry Chambon (France), qui n'a pas pu trouver un remplaçant à bref délai. Nancy De Briyne a également invité tous les vétérinaires à participer au VetSurvey2022.
Le président de la FVE, Rens van Dobbenburgh, a remercié les collègues maltais pour leur hospitalité et a annoncé que la FVE fêterait son 50e anniversaire en 2025. L’assemblée générale du printemps 2023 de la FVE se tiendra les 16 et 17 juin 2023 à Zaječí en République tchèque.
Les bureaux de l’Everi et l’UEVH se renouvellent
Lors de la réunion à Malte, un nouveau bureau a été élu pour l’Union européenne des vétérinaires hygiénistes (UEVH), avec Jason Aldiss (Royaume-Uni, président), Iris Fuchs (Allemagne), Slaven Grbic (Bosnie-Herzégovine), Ole Alvseike (Norvège) et Alvaro Mateos Amann (Espagne). Les vétérinaires européens employés dans la recherche, l’industrie et l’éducation (Everi) ont également renouvelé leur bureau, avec Milorad Radakovic (Royaume-Uni, président), Christine Fossing (Danemark), Alberto Elmi (Italie) et Bart de Leeuw (Pays-Bas).
Malte : pénurie de vétérinaires et de médicaments
Le manque actuel de main-d’œuvre vétérinaire était particulièrement visible à Malte, hôte de l’assemblée générale de la Fédération vétérinaire européenne (FVE). Avec environ 160 vétérinaires, Malte (316 km2, 500 000 habitants) n’a que six vétérinaires ruraux s’occupant de 15 000 bovins, 30 000 porcs et 14 000 petits ruminants, a rapporté Lino Vella, président de l’association maltaise des vétérinaires, « nous avons donc clairement un problème ». Le principal pilier de la production animale de Malte est la production de thon, a-t-il ajouté, « nous les pêchons au large, puis nous les nourrissons dans des parcs d’aquaculture avant de les exporter au Japon » (29 000 tonnes par an). La production de lapins atteint quant à elle 2,4 millions d’animaux par an. Le Brexit a également eu un impact sur la profession vétérinaire, la disponibilité des médicaments vétérinaires étant devenue un défi sur l’île méditerranéenne. « Nous importons tous nos médicaments du Royaume-Uni, car l’étiquetage en anglais est obligatoire… »