À corps ouverts

Portée ici sur grand écran, l’exploration visuelle médicale réaffirme la puissance du cinéma pour questionner notre rapport au réel. Se référant à l’ouvrage fondateur de l’anatomie et de la chirurgie moderne d’André Vésale (1514-1554), le nouveau documentaire de Véréna Paravel et Lucien Castaing-Taylor¹ a été tourné dans deux hôpitaux franciliens, où les cinéastes ont été autorisés à filmer les interventions et à réutiliser leurs images (d’endoscopies notamment). Projetées brutes devant nous, galopant à l’intérieur du corps à la recherche d’une excroissance ou d’une tumeur, elles en explorent le labyrinthe comme un continent secret, tandis que nous parviennent, étouffés, les sons des appareils et les échanges – techniques ou triviaux – entre les soignants. Avec des retours fréquents dans la salle d’opération et des errances dans le dédale de l’hôpital, le film nous immerge dans un enchâssement obscur de territoires dont on ressent les liens organiques et la fragilité. Le terme « corps médical » y retrouve son sens propre : ce ne sont pas les machines qui soignent, mais des humains qui s’occupent d’autres humains. Le voyage est déstabilisant pour les sens, transgresse la forme documentaire en transformant notre manière de voir.

• De Humani Corporis Fabrica, de Véréna Paravel et Lucien Castaing-Taylor, documentaire, 1 h 58 min, sortie le 11 janvier.

• 1. À propos de leur précédent film, Leviathan, voir La Semaine Vétérinaire n° 1551 du 13/09/2013.