Bonnes pratiques lors d'obstruction urinaire chez le chat - La Semaine Vétérinaire n° 1971 du 06/01/2023
La Semaine Vétérinaire n° 1971 du 06/01/2023

Urologie

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Audrey Chevassu

Conférenciers

Patrick Verwaerde (T 90), dipl. ECVECC, service de réanimation, urgence, soins intensifs, anesthésie de l’EnvA ; Christelle Maurey (A 98), dipl. ECVIM, service de médecine interne de l’EnvA ; Marco Fantinati, responsable développement vétérinaire chez Hill’s.

Article rédigé d’après une conférence organisée par l’École nationale vétérinaire d’Alfort (EnvA), dans le Val-de-Marne, en partenariat avec Idexx et Hills, le 18 janvier 2022.

L’obstruction urinaire basse du chat est un motif fréquent de consultation en urgence. Les symptômes sont souvent variés : constipation, douleur, miaulement, pollakiurie, strangurie, dysurie, hématurie, parfois vomissements et abattement.

Rappels sur la prise en charge d’urgence

S’intéresser aux commémoratifs et aux antécédents peut aider à cibler la cause de l’épisode présenté, éviter de futures récidives, voire orienter dans le choix de la prise en charge. L’âge, le statut (stérilisé ou non), la présence d’épisodes précédents, les conditions de vie de l’animal et son alimentation sont des éléments importants à prendre en compte.

L’examen clinique se traduit souvent par une palpation abdominale tendue qui confirme le globe vésical et l’anurie. La vidange par taxis est encore parfois possible et permet de différencier cystite et réelle obstruction. Une hypothermie peut être présente, en lien avec une hyperkaliémie et/ou une urémie.

Le minimal data base à faire est un ionogramme pour rechercher une hyperkaliémie et/ou une acidémie, un électrocardiogramme (ECG) si possible pour identifier une éventuelle dysrythmie hyperkaliémique, un dosage de l’urémie et de la créatininémie pour contrôler l’état des reins et un pocus (point of interest ultrasound) abdominal pour observer la présence d’une « sablose vésicale » ou d’un épanchement périvésical souvent associé. La mesure de la pression artérielle apporte en général peu d’informations et n’est pas nécessaire, contrairement à l’ECG, qui est souvent oublié.

L’hospitalisation est nécessaire dans ces situations et doit d’emblée être proposée pour au moins 3 jours. Les propriétaires doivent être prévenus que la gestion ambulatoire entraîne un risque de récidive et de surmortalité important. Dans certains cas, une intervention chirurgicale deviendra même indispensable, surtout s’il s’agit d’une troisième ou d’une quatrième récidive, voire avant s’il existe des contraintes financières.

Importance de la réanimation initiale avant le sondage

Pour la meilleure prise en charge possible, il est conseillé d’oxygéner l’animal au masque pendant 15 à 30 minutes avant la prémédication (butorphanol ou méthadone aux doses usuelles, éventuellement couplé à de l’acépromazine et à du midazolam). Cette combinaison permet généralement de tranquilliser suffisamment le chat pour poser une voie veineuse. L’animal doit être réchauffé pour éviter une décompensation. Une induction de la narcose au propofol, à l’alfaxalone, ou même à la kétamine, est possible.

La maintenance de la narcose est idéalement effectuée avec de l’isoflurane ou par des bolus répétés de l’agent d’induction en intraveineuse à la demande. La surveillance de l’anesthésie avec un ECG ou, au minimum, un capnographe est nécessaire chez ces chats très à risque de complications (dysrythmie, tachycardie, bradycardie pouvant mener à un arrêt cardio-respiratoire). La perfusion doit être réalisée dès que possible à un débit de 2 ml/kg/h, de préférence à l’aide de soluté de Ringer lactate.

Pour le sondage, l’animal doit être tondu largement (cuisses, périnée et queue) pour limiter les risques de complication infectieuse. Le sondage doit être fait dans des conditions stériles afin d’éviter une cystite bactérienne secondaire. La meilleure position reste en décubitus sternal, en bord de table, les pattes le long de la table, ou en décubitus dorsal. La réussite du sondage passe par une bonne lubrification de la sonde avec un gel anesthésique et l’effacement du S pénien en tirant sur le pénis par les côtés en douceur. Un massage prostatique ou du pénis peut parfois aider dans les cas compliqués. La sonde doit toujours être retirée avant de remettre le mandrin afin d’éviter les lésions de l’urètre si le mandrin passe par « l’œil de Murphy », soit le trou de la sonde. L’hydropulsion est réalisée de manière douce, par à-coups de petits volumes de sérum physiologique, car les lésions iatrogéniques de l’urètre ne sont pas si rares (entre 1 et 19,4 % des cas, selon les études). La fixation se fait par suture simple avec des chefs longs pour faciliter leur futur retrait. Le dispositif doit toujours être fermé avec un système de collecte pour limiter la contamination ascendante. Une collerette doit être mise en place pour éviter l’arrachage du dispositif.

Si le sondage est impossible, la cystocentèse décompressive permet de gagner du temps avant d’envisager une urétrostromie ou de référer en urgence.

Bonnes pratiques médicales

La perfusion de ces animaux est obligatoire (débit de base correspondant à la diurèse + 1-2 ml/kg/h, de préférence avec du Ringer lactate plus ou moins complémenté de chlorure de potassium suivant l’ionogramme). La gestion de la douleur doit être prise en compte, à l’aide de buprénorphine par exemple. Bien que leurs effets ne limitent pas clairement les récidives, des médicaments myorelaxants, comme l’acépromazine, le dantrolène1, l’alfuzosine1 ou la prazosine1, peuvent être utilisés en hospitalisation.

En fonction des symptômes, du maropitant ou du phloroglucinol peuvent compléter la prise en charge médicale. Les médicaments doivent de préférence ne pas être administrés par voie orale afin de limiter le stress hospitalier. Afin d’éviter les résistances bactériennes, les antibiotiques sont à éviter strictement tant que le chat est sondé.

L’apport thérapeutique du méloxicam ou de la prednisolone pour réduire les récidives d’obstruction urétrale idiopathique reste largement discuté.

Recherche de l’origine de l’obstruction

Les bouchons muqueux sont présents dans 59 % des obstructions urinaires basses, la cause idiopathique est retenue dans 30 % des cas et l’urolithiase n’en explique que 12 %. Les sténoses sont très rares.

Le bouchon muqueux est un agglomérat d’hématies, de cellules inflammatoires, d’une matrice protéique et de cristaux (struvites dans 95 % des cas). Son origine peut en partie être inflammatoire, voire être consécutive à une cystite.

Il existe différents facteurs de risque : anciens épisodes de maladies urinaires (obstruction, cystite, lithiase) ou un cathétérisme urétral récent (complication de sténose, d’infection urinaire). Certaines races de chats sont considérées plus à risque car prédisposées aux calculs, dont ceux d’oxalates de calcium, telles que les races à poils longs et les siamois.

La difficulté lors du sondage urinaire empêche parfois de conclure à la présence de calculs. La démarche diagnostique doit reposer sur plusieurs examens, dont l’analyse d’urine, la présence d’hématies, de leucocytes ou de cellules épithéliales à la bandelette urinaire et la cristallurie au culot, complété par l’examen cytobactériologique des urines (ECBU) au désondage. La glucosurie et la cétonurie à la bandelette sont fréquentes dans une urine de stase, mais non significatives. De même, l’utilisation des urines de stase pour déterminer l’origine de l’obstruction peut conduire à des diagnostics erronés.

Une radiographie, qui doit permettre de visualiser l’ensemble de l’urètre, ou une échographie peuvent compléter les premiers examens afin de chercher la présence de calculs urétraux ou d’autres causes d’obstruction, dont une atteinte du col vésical, par exemple d’origine tumorale. Cela sert à évaluer les répercussions rénales, à explorer l’urètre. La présence d’un discret épanchement vésical est possible car fréquemment associé à un épisode d’obstruction urinaire.

La nature minérale des calculs majoritairement retrouvés sont les struvites, les oxalates et, plus exceptionnellement, les urates (non visibles à la radiographie) et les cystines, encore plus rares. Néanmoins, les calculs ne sont pas la cause majoritaire d’affection du bas appareil urinaire félin. L’origine idiopathique reste la plus commune.

Limiter le risque de récidive

Les complications qui peuvent avoir lieu sont une hypokaliémie, une cystite pseudomembraneuse, une infection urinaire, très rarement une hypotonie ou atonie vésicale du muscle détrusor par trop forte dilatation de la vessie. Pour limiter le risque d’infection, le chat doit, dans l’idéal, être désondé après 2 jours au minimum et avant 3 jours, dès que les urines sont claires, le soir de préférence et en en profitant pour prélever des urines.

La mortalité en lien avec une obstruction urétrale ne doit pas être minimisée (5 à 10 %). Les récidives sont assez fréquentes (dans les 1 à 6 jours dans 16 à 25 % des cas, selon les études). Un bon suivi après le retour au domicile est donc indispensable. Pour limiter la survenue d’une obstruction, il convient de privilégier l’aliment humide et de bonne qualité, voire acidifiant en présence de struvites. La prise de boisson doit être favorisée par une eau propre à disposition. De la courgette peut aussi être proposée pour les animaux petits buveurs. L’environnement doit être revu et enrichi afin de favoriser les mictions.

À la sortie, il est recommandé de limiter le spasme urétral avec un alpha-lytique ou un myorelaxant, associé si besoin à un antidouleur (anti-inflammatoires non stéroïdiens). L’état des preuves quant à l’utilisation de ces molécules reste cependant limité, et une antibiothérapie est préconisée si une infection est confirmée.

Alimentation lors de syndrome urologique félin

Pendant l’hospitalisation, l’aliment doit surtout être appétant en raison de l’hypoxie souvent présente depuis plusieurs jours. Il doit être choisi pour sa fraîcheur ou au contraire réchauffé pour augmenter son attrait. Ne pas hésiter à varier les textures et les sortes d’aliment. Une aversion alimentaire, fréquente chez le chat, peut survenir à la suite de nourrissages forcés ou l’introduction d’un nouvel aliment pendant l’hospitalisation. Il vaut mieux sonder le chat et proposer des aliments nouveaux ou appétents qu’il aura peu de chance de consommer par la suite. Le besoin énergétique au repos chez le chat se calcule selon la formule 70xPV0,75 (avec PV = poids vif). Les quantités sont divisées par le nombre de jours d’anorexie et augmentées petit à petit. Après l’hospitalisation, l’aliment humide est à privilégier. Selon la note d’état corporel du chat, l’aliment sera choisi allégé ou non. Il devra dans la plupart des cas favoriser la dissolution des cristaux grâce à son pouvoir acidifiant et un index SO élevé. Les aliments vétérinaires dans cette indication sont à privilégier.

  • 1. Pharmacopée humaine.