Expression
EXPRESSION
Auteur(s) : Propos recueillis par Chantal Béraud
Après la découverte d’un cas de rage canine fin octobre dans le département de l’Essonne, dans quel état d’esprit sont aujourd’hui les vétérinaires ? Leur rôle en matière de veille sanitaire est-il pleinement exercé, mais aussi reconnu ?
Bruno Tessier (A 86)
Praticien canin à L’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne)
Signalons les importations illégales
En tant que président du conseil régional de l’Ordre d’Île-de-France, j’ai relayé les recommandations de la DDPP1 puisque, dans les premiers jours, nous avons reçu beaucoup d’appels et d’e-mails provenant de confrères. Leurs interrogations concernaient l’origine de ce cas de rage et l’existence possible d’autres animaux suspects. L’intérêt sur la « problématique rage » a visiblement perduré car, alors que cette crise était déjà passée, une cinquantaine de praticiens sont venus assister à une réunion d’information organisée à la préfecture de Pontoise (Oise) le 28 novembre dernier. Elle concernait le rôle de veille sanitaire des vétérinaires lorsqu’ils identifient, dans leur clientèle, des introductions illégales, notamment canines. J’y suis régulièrement confronté dans ma propre clinique, et je rappelle notre obligation de les signaler à la DDPP. Car, surtout, n’oublions pas que ce rôle de sentinelle consciencieusement exercé a déjà permis et permettra encore de sauver des vies humaines.
Yves Slakmon (A 80)
Praticien à domicile pour VetoAdom en Île-de-France
Soyons vaccinés contre la rage
Ayant moi-même repéré ce cas de rage, j’en ai beaucoup parlé aux autres praticiens mais l’heure n’est pas à l’affolement puisque, heureusement, peu d’animaux sont annuellement signalés comme tels en France. Néanmoins, il faut rester vigilant, surtout en ce qui concerne les chiens venant de l’étranger, qui sont soit importés illégalement, soit ramenés en toute bonne foi par des voyageurs. Généralement, les propriétaires acceptent plutôt bien la surveillance de six mois de l’animal qui doit s’ensuivre, assortie d’une déclaration envoyée par leur vétérinaire à la DDPP. Enfin, comme j’ai sédaté le chien suspect pour pouvoir l’examiner, l’Institut Pasteur m’a ensuite contacté pour vérifier si j’étais moi-même toujours bien protégé contre la rage. Je conseille donc vivement aujourd’hui à mes confrères et à leurs équipes, selon le protocole de l’Institut Pasteur, de faire une prise de sang pour savoir si leur titrage des anticorps antirabiques est bien toujours supérieur à 0,5 Ul/ml. Sinon, ils doivent se faire vacciner.
Christophe Hugnet (L 93)
Vice-président du SSEVIF2
Nos compétences doivent être reconnues
En matière de santé publique, puisque toute la période à risque de ce chien sur notre territoire est désormais totalement tracée, nous n’avons plus à s’inquiéter. En revanche, plusieurs syndicats vétérinaires3 se sont, je pense, utilement, manifestés quand ils se sont aperçus que le premier communiqué de presse commun aux ministères chargés de la santé et de l’agriculture ne mentionnait nullement les vétérinaires praticiens et agents de l’État dans la découverte puis la gestion efficace de cette dangereuse maladie contagieuse zoonotique. Cet « oubli » a été heureusement « corrigé » dans leurs publications suivantes. Mais cet épisode montre combien il est important que la profession reste mobilisée afin que notre rôle soit rappelé et valorisé à sa juste valeur dans le débat public. Le ministère chargé de l’agriculture, en particulier, doit veiller à nous soutenir dans la grande chaîne de veille sanitaire que nous formons, depuis les écoles vétérinaires jusqu’aux praticiens de terrain, en collaboration avec les ISPV4.