Juridique
ENTREPRISE
Auteur(s) : Propos recueillis par Brigitte Leblanc
Le ministère de l’Intérieur a enregistré une hausse de 30 % des infractions liées aux animaux entre 2016 et 20211. Néanmoins, si de nombreuses affaires, certaines fortement médiatisées, concernent les chiens, chats, animaux de rente et animaux sauvages maintenus en captivité, notamment grâce à l’action d’associations engagées aux côtés des propriétaires des victimes animales, bien peu concernent les NAC, qu’ils soient domestiques ou non.
Olivia Symniacos, avocate au sein du cabinet Animalex2, exclusivement consacré au droit animalier, partage son expérience et analyse cet exercice assez nouveau.
Avez-vous eu à plaider pour des nouveaux animaux de compagnie (NAC) ? Quel a été votre ressenti ?
J’ai plaidé plusieurs fois pour maltraitance sur des NAC, reptiles, oiseaux, poissons, par exemple. Le cas qui m’a le plus marquée et pour lequel je suis fière de la justice rendue concernait des serpents, un pogona, un phasme, un chat et un chien. Le magistrat a ordonné une peine par animal, quelle qu’en soit l’espèce, sans « sous-peine » pour les NAC. Pour l’anecdote, en ordonnant la confiscation des animaux, il a oublié le chien et le chat (erreur bien sûr rectifiée rapidement), ce qui montre la considération qu’il accordait à chaque animal. Ce qui nous importe le plus en cas de maltraitance est que soient prononcées les peines complémentaires de confiscation des animaux et d’interdiction d’en détenir.
Quel accueil vous réservent les magistrats devant ces cas assez inédits ?
L’enjeu pour l’avocat est d’expliquer au magistrat ce qui constitue le bien-être pour l’animal concerné par la procédure. Il faut donc acquérir des connaissances précises pour les lui partager, cela permet de caractériser l’élément matériel de l’infraction. Globalement, les magistrats ne font pas de spécisme mais il faut les intéresser et leur fournir en amont un dossier sur le bien-être de cet animal. De cette façon, leurs questions pertinentes les font avancer dans leur réflexion. La justice est aussi une affaire d’êtres humains, il faut apporter de l’eau à leur moulin.
La partie adverse, en revanche, ne porte pas bien sûr le même intérêt ni la même considération aux NAC. J’ai par exemple pu entendre : « On ne va pas faire l’affaire du siècle sur un problème d’aquarium » Et pourtant, si !
Les maltraitances sur des NAC semblent faire l’objet de peu de signalements et donc de peu de procédures, mais pourquoi ?
Ces animaux vivent à huis clos, ne sortent pas comme les chiens et les chats, on ne les voit pas sauf si l’on entre dans les maisons. Ils sont invisibles, même pour les vétérinaires, qui ne voient que ceux que leurs propriétaires soignent, et qui ne sont clairement pas la cible des maltraitances. S’il existe une maltraitance envers des NAC, sa découverte sera le plus souvent fortuite, ou parce qu’un signalement aura été fait pour un chien ou un chat du même propriétaire. On peut dire qu’ils sont « loin des yeux, loin de la justice ».
La non-identification, notamment de tous les NAC domestiques, est aussi un écueil important : pas d’identification signifie pas d’identité, et l’abandon, qui est pourtant un délit selon l’article 521-1 du Code pénal, peut de ce fait être perpétré en toute impunité.
De plus, si le respect des cinq libertés3 est à présent intégré pour les chiens et les chats dans notre société, l’engagement n’est pas encore le même pour les NAC, leur sort ne choque pas.
Que faire pour que cela change ?
En premier lieu, le manque de connaissances doit être combattu : j’ai ainsi pu constater sur la page Facebook d’Animalex combien la présentation et l’histoire de « ma » Pogonette (une pogona bien sûr !) avaient ouvert les yeux de beaucoup de personnes sur cet animal dont on méconnaît la sensibilité, les amenant à éprouver davantage de respect pour les NAC.
Ensuite, il est toujours valable de faire un signalement lorsqu’on suspecte une maltraitance, que l’on soit vétérinaire ou particulier : les esprits évoluent, les peines concernant les maltraitances sur des NAC aussi, et elles sont appliquées. La retenue est encore grande mais il faut oser. Lorsque les tribunaux jugent ces atteintes, ils appliquent la loi avec autant de fermeté que pour des chiens ou des chats. Les NAC ne sont pas des sous-victimes. Ils ne doivent pas être oubliés, et cela commence par le signalement.
Le problème principal est que cette maltraitance a lieu en huis clos, à l’intérieur des maisons, et qu’aucune visite vétérinaire n’est imposée. Le premier levier d’action à mon sens serait l’obligation d’identification de tous ces animaux, si la science le permet. Cela amènerait à un premier contact vétérinaire où des conseils pourraient être dispensés et des erreurs rectifiées.
Pour rappel, si l’identification est obligatoire pour chiens, chats, furets, et pour certains NAC non domestiques avec l’arrêté du 8 octobre 2018 fixant les règles générales de détention d’animaux d’espèces non domestiques4, elle ne l’est pas pour beaucoup de NAC non domestiques et tous les NAC domestiques (même les plus connus, tels le lapin ou le cobaye). Ils n’ont de ce fait aucune existence ni identité aux yeux de la loi, même en cas d’abandon.