Vœux de l’Ordre
ANALYSE GENERALE
Auteur(s) : Par Marine Neveux
Cette année sera-t-elle celle de toutes les avancées ? Le 4 janvier dernier, Jacques Guérin, président du CNOV, a présenté les sujets d’importance pour la profession. L’heure est à l’action, à la mise en œuvre de dossiers qui germent depuis plusieurs mois.
Les vœux de l’Ordre ont retrouvé la convivialité d’un format en présentiel – contexte sanitaire oblige, ils avaient été adressés les deux années précédentes en visioconférence. C’est donc bien en présence de Jacques Guérin (N 88), président du Conseil National de l’Ordre des vétérinaires (CNOV), que les différents acteurs de la profession, de la santé animale, de l’élevage et les représentants des pouvoirs publics ont pu entendre les enjeux des mois à venir.
Plusieurs dossiers importants devraient se voir concrétisés en 2023, comme le contrat de suivi sanitaire permanent, auquel est associé la télémédecine vétérinaire, la question du modèle économique du vétérinaire sanitaire, la délégation d’actes aux auxiliaires vétérinaires au sein des établissements de soins. L’année s’annonce donc riche pour la profession et représentera un tournant essentiel !
La biologie vétérinaire relancée
Si Jacques Guérin avait exprimé l’an passé le regret de ne pas avoir abouti sur le sujet de la biologie vétérinaire, ce délicat et long dossier est repris à bras-le-corps. « Je forme le vœu qu’enfin la biologie vétérinaire puisse trouver sa base législative. Elle le mérite ; elle a démontré sa capacité à fairelors de la crise du Covid-19. Elle ne peut rester dans le vide juridique dans lequel elle a été reléguée depuis bientôt dix ans. L’occasion qu’offre la prochaine loi d’orientation et d’avenir agricoles doit être saisie à cet effet. »
Le défi de l’accès aux soins
Le maillage vétérinaire est un autre enjeu de longue haleine. Cela avait été rappelé lors de la journée nationale vétérinaire, organisée par l’Ordre le 29 novembre 2022, à l’École nationale vétérinaire d’Alfort1 (Val-de-Marne). Le sujet avance. « L’appel à manifestation d’intérêt [API] pour la mise en place de diagnostics et de plans d’action territoriaux a été une initiative heureuse, une étape décisive pour rendre opérationnel le cadre grâce auquel les collectivités territoriales ou leurs regroupements peuvent aider au maintien ou à l’installation des vétérinaires dans les territoires », a enchéri le président du CNOV, sans omettre les points de vigilance : celui de l’attractivité des entreprises vétérinaires et celui d’une vision prospective du maillage dans chaque territoire pour anticiper et agir avant qu’il ne soit trop tard.
L’API a permis de constater que « le niveau de satisfaction des éleveurs par rapport aux services rendus par leur vétérinaire est élevé, voire très élevé », mais aussi que « le principal reproche adressé aux praticiens concerne le manque de compétitivité du prix sur le marché du médicament ». L’inquiétude est donc là. « Le sujet est complexe et délicat mais nous ne pourrons pas éternellement faire l’impasse dessus. Il est une source d’insatisfaction pour les éleveurs, tout autant que de décrochage de la profitabilité de l’activité rurale au sein des établissements de soins vétérinaires mixtes, pour lesquels la comparaison avec la profitabilité de la pratique canine est très défavorable. » Cela renvoie aussi à « la place prépondérante dans la négociation commerciale des médicaments vétérinaires pour le compte des vétérinaires prise par les centrales de référencement. Celles-ci ne sont pas des établissements pharmaceutiques. Elles ne sont ni autorisées, ni inspectées. Elles ne sont pas non plus des ayants droit du médicament vétérinaire. Elles ne sont par conséquent pas soumises à déontologie, pas plus qu’elles ne sont visées par les dispositions “avantages” et “transparence” de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Le fonctionnement et les pratiques de ce maillon économique devenu majeur et central de la filière du médicament vétérinaire interrogent. Il soulève potentiellement des questions d’indépendance professionnelle des vétérinaires prescripteurs et des étudiants, futurs prescripteurs. Assurément, il expose les acteurs du secteur au droit de la concurrence ». Acte est donc pris de s’enquérir de ce dossier.
Clore le débat juridique en cours
L’année 2023 verra-t-elle le bout du tunnel des contentieux qui divisent des « corporates » et l’Ordre ainsi que le résultat de l’avis jurisprudentiel du Conseil d’État ? « Garantir l’accès aux soins vétérinaires, c’est aussi disposer d’un maillage d’établissements de soins d’abord soucieux des intérêts des animaux, de leurs propriétaires, de la santé publique et moins des intérêts particuliers des actionnaires financiers », affirme Jacques Guérin. Il est plus que temps que la plus haute juridiction administrative prenne position sur l’interprétation qu’il convient de donner à l’article L.241-17 du Code rural et de la pêche maritime2. Ce débat juridique – au demeurant très intéressant en ce qu’il touche à l’un des principes fondateurs de la profession vétérinaire, l’indépendance professionnelle – a apporté diverses prises de position juridique claires et, de mon point de vue, structurantes, de la part de la Direction générale de l’alimentation [DGAL], mais aussi de la Direction générale des entreprises [DGE]. Elles soutiennent notamment et de manière constante la conformité des dispositions françaises à la législation de l’Union européenne. Les stratégies d’avocats consistant à noyer l’Ordre des vétérinaires sous une multitude d’écritures, de mémoires, de mémoires en réplique, à jouer l’intimidation, à décupler les actions auprès de la Commission européenne ou des parlementaires ne m’impressionnent pas. Le débat est juridique ; il le restera ! »
« Depuis 2018, le CNOV n’a jamais varié dans son interprétation du droit applicable aux sociétés d’exercice de vétérinaires. Cette velléité de passage en force n’est pas tolérable. Toute idée de contourner la loi ou de vouloir la modifier pour l’adapter aux intérêts particuliers d’investisseurs financiers est une approche court-termiste qui, tôt ou tard, ne peut que se retourner contre la profession vétérinaire, contre l’intérêt général, contre celui de l’animal, contre l’accès aux soins vétérinaires. Je souligne les positions courageuses et sans ambiguïté prises par le président du Sénat, par le ministre chargé de l’agriculture, par la DGAL et par la DGE, que j’analyse comme très proches de celles soutenues par l’Ordre des vétérinaires dans ses décisions ou sa défense devant le Conseil d’État. » La publication d’une ordonnance relative aux professions libérales réglementées est attendue courant janvier. « Elle est un élément important du dossier que le Conseil d’État ne pourra que prendre en compte. »
La profession solidaire
Jacques Guérin n’a pas manqué de remercier l’association Vétérinaire Pour Tous (VPT) et tous ceux qui œuvrent pour la médecine vétérinaire solidaire. Un travail remarquable, dont la prise en charge des animaux des réfugiés ukrainiens ces derniers mois pour laquelle VPT et les vétérinaires se sont mobilisés. « Si l’accès aux soins vétérinaires revêt à mes yeux une grande importance, c’est qu’il relève d’un engagement éthique vétérinaire fort : prendre en charge la santé et le bien-être de tous les animaux, y compris ceux des personnes en rupture avec la société ou des familles dont les moyens financiers sont réduits et pour lesquelles l’animal représente parfois le dernier lien social à préserver. »
Quatre axes
Jacques Guérin a été réélu en décembre 2021 à la présidence du Conseil national de l’Ordre (CNOV) pour un nouveau mandat de trois ans. Quatre axes majeurs y sont définis.
Le premier axe est le pilotage des systèmes d’information de l’Ordre des vétérinaires. « Le projet Calypso est un formidable accélérateur d’innovations tant pour la profession que pour celui qui en assume le pilotage, à savoir l’Ordre. Je pense par exemple à un outil informatique visant à faciliter la gestion ordinale des obligations de continuité et de permanence des soins des vétérinaires, mais aussi au projet de construction du réseau d’épidémiosurveillance consacré aux animaux de compagnie géré par l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie. »
Le deuxième axe se rapporte à l’organisation interne de l’institution ordinale, c’est-à-dire la manière dont le CNOV et les conseils régionaux remplissent leurs missions.
Le troisième axe concerne la montée en compétences à travers la formation aux missions de l’Ordre et la connaissance du cadre réglementaire de l’exercice professionnel par les vétérinaires inscrits au tableau ordinal et par les étudiants.
Le quatrième axe vise à maîtriser la séquence législative et réglementaire qui s’ouvre en 2023, avec, en ligne de mire, la loi d’orientation et d’avenir agricoles.
Calypso : rendez-vous pris en mars prochain
Calypso, la plateforme de collecte et de stockage des données, va voir ses déclinaisons se concrétiser en 2023. Ce projet est organisé autour de 11 processus métiers. « J’ai l’immense fierté de vous annoncer le lancement du processus métier n° 4, consacré à la remontée par les ayants droit des données de cession des médicaments vétérinaires contenant des antimicrobiens, le 14 mars 2023. » Le processus métier n° 1, relatif aux cessions de médicaments vétérinaires contenant des substances antibiotiques, va éclore en mars également.