Nutrition
FORMATION MIXTE
Auteur(s) : Chantal Béraud
Tour d’horizon des attentes, des connaissances et méconnaissances des acteurs du secteur équin vis-à-vis de ces produits.
Ils font le buzz sur les réseaux sociaux ! Prébiotiques, minéraux, additifs, compléments alimentaires de tout crin font, depuis des années, l’objet de nombreux commentaires ainsi que d’automédications diverses dans l’univers des cavaliers. De façon sans doute pas toujours totalement avisée, comme en a témoigné anonymement une praticienne lors du congrès « Additifs et ingrédients fonctionnels pour l’alimentation équine : quel présent pour quel avenir ? », organisé par Lab To Field1 fin 2021, à Dijon (Côte-d’Or) : « J’ai suivi les discussions d’un groupe Facebook d’une quarantaine de personnes, qui s’autoconseillaient entre elles à ce propos. Quand je suis intervenue en indiquant que j’étais vétérinaire équin, c’est tout juste si elles ne m’ont pas “renvoyée” ! L’une m’a même dit que, comme notre cursus de formation ne comprenait que trois heures consacrées à ce sujet, elle ne voyait pas comment je pouvais être l’interlocuteur de confiance en la matière. » Et un autre praticien d’enchérir : « Comment le vétérinaire pourrait-il se faire entendre, alors même qu’il se trouve confronté, par exemple, à des moteurs de recherche qui “prescrivent” des compléments alimentaires ? Sans compter tous ces pseudo-bilans nutritionnels, proposés par des non-professionnels, le tout pour 40 € ! »
Entre ignorance et préjugés
Il n’empêche : selon Alice Monier Torrente, l’une des intervenantes de ce colloque, consultante en marketing et stratégie pour la filière équine et gérante de Horse Development2, les praticiens vétérinaires « restent les plus légitimes pour être les interlocuteurs de confiance en matière de nutrition équine ». Toutefois, « ce rôle n’est effectivement pas aisé à jouer, car ils ont en face d’eux un marché aux multiples acteurs, très segmenté du point de vue marketing et sujet à de nombreuses méconnaissances et d’a priori », précise-t-elle. Ses propos s’appuient sur les résultats de l’étude qu’elle a menée en 2020 avec sa société au sujet des additifs alimentaires : « Nous avons obtenu 700 réponses, en provenance de professionnels du terrain de la filière équine, de la filière agroalimentaire, de vétérinaires et de particuliers propriétaires de chevaux. Tout d’abord, j’ai constaté qu’il y avait une confusion dans le vocabulaire employé : dans les faits, les professionnels de l’équitation comme les particuliers emploient généralement pour le même usage le terme “supplément”, “complément alimentaire”, “complément minéral vitaminé” ou encore “additif”. »
La consultante insiste : « Nombre d’acteurs n’ont en outre pas conscience d’être des néophytes en la matière. Par exemple, beaucoup d’utilisateurs pensent – à tort – qu’ils ne donnent pas ou alors avec parcimonie d’additifs à leurs équidés. Alors même qu’a fortiori, une alimentation manufacturée, distribuée quotidiennement, en contient déjà plusieurs types. » Avec un chiffre étonnant à l’appui de sa démonstration : 30 % des utilisateurs d'aliments floconnés ou de granulés industriels prêts à l’emploi interrogés dans l’étude ont répondu qu’ils ne donnaient pas d’additifs à leurs chevaux.
Des produits plus ou moins bien perçus
Par ailleurs, chaque catégorie d’aliment bénéficie d’une plus ou moins bonne presse. « En santé humaine comme en nutrition équine, certains apports complémentaires à l’alimentation de base véhiculent une image positive dans l’imaginaire collectif : c’est notamment le cas pour les probiotiques, certaines huiles essentielles ou autres vitamines. En revanche, d’autres, comme les additifs, sont plus spontanément associés à un risque pour la santé, en tout cas pour le grand public », confirme Alice Monier Torrente. En matière de nutrition équine, contrairement aux particuliers, les professionnels du terrain enquêtés dans l’étude (cavaliers professionnels, entraîneurs, gérants de structures, etc.) se disent spontanément plutôt pour les additifs et en faveur de leur utilisation, tout en soulignant leur méconnaissance technique de ces produits.
Un désir de nutrition « sans risque »
Côté propriétaires, actuellement et sans doute encore plus à l’avenir, il semblerait qu’ils aspirent à « retrouver » une alimentation « idéale » du cheval. Ce retour vers des fondamentaux rime avec herbe, foin, luzerne, sans céréales, produit bio et local. Soit une nutrition qui serait « naturelle », perçue comme étant « sans risque ». Quant aux professionnels de terrain de la filière équine, ils se sont montrés prioritairement inspirés par les termes suivants : « non dopant et sans risque pour le cheval », « apte à favoriser la santé digestive » ou « bon pour la santé ostéo-articulaire ».
Les mêmes tendances qu’en alimentation humaine
« Je crois qu’il existe des possibilités de développement de marchés de niche dans ces directions, avance Alice Monier Torrente en conclusion. Ils suivront vraisemblablement les mêmes tendances déjà existantes en alimentation humaine et en petfood, avec donc une recherche d’aliments et de compléments comprenant des additifs plus sains, plus respectueux de la santé et du bien-être équin, et aussi plus durables, notamment en supprimant les colorants ». Enfin, le marché des chevaux à pathologies spécifiques génère des attentes de solutions sur mesure à la problématique de l’équidé, dans des cas de maladie Cushing ou de diabète, entre autres.
Quelles sont les attentes des vétérinaires ?
En ce qui concerne les attentes des professionnels de la santé équine (à 70 % des vétérinaires interrogés – elles aussi identifiées en 2020 dans l’étude marketing qu’a menée Alice Monier Torrente pour le compte de sa société, Horse Development –, ils disent souhaiter, en premier lieu « avoir des preuves scientifiques de l’efficacité des additifs ». Ils se révèlent ensuite sensibles à « des produits bons pour la santé digestive », pouvant aider « au bien vieillir des chevaux », ainsi qu’à la préservation de « la santé ostéo-articulaire ». Puis vient le recours à des additifs « sans risque pour le cheval et pour l’environnement ». Enfin, ils sont intéressés par des produits qui pourraient participer à la lutte contre des maladies métaboliques (notamment celle de Cushing, les fourbures, le diabète).
Des solutions sur mesure
L’enquête montre également que les praticiens vétérinaires sont soucieux de s’adapter au profil de chaque équidé. Et, comme ils sont conscients de la difficulté que rencontrent les utilisateurs à distribuer différents aliments quotidiennement aux chevaux, une administration facile reste pour eux un critère de choix important.