Distribution de dividendes entre époux associés : pas sans mon accord ! - La Semaine Vétérinaire n° 1972 du 13/01/2023
La Semaine Vétérinaire n° 1972 du 13/01/2023

Finances

ENTREPRISE

Auteur(s) : Par Jacques Nadel

Le fait de travailler en couple n’est pas une raison suffisante pour ignorer le statut matrimonial de l’époux ou de l’épouse associé(e), dont les droits doivent être respectés. Ainsi, les dividendes de l’un ne peuvent être perçus par l’autre sans son accord, quand bien même ces sommes pourraient tomber dans le patrimoine commun s’ils sont mariés sous le régime de communauté.

Si la clinique vétérinaire a connu une bonne année et dégage des résultats satisfaisants, il est normal de récompenser les associés en distribuant une partie du bénéfice. Les dividendes peuvent être versés aux associés ou actionnaires dès lors que l’assemblée générale a approuvé les comptes de l’exercice écoulé et déterminé le montant distribuable. La répartition des dividendes est proportionnelle au nombre d’actions ou de parts sociales détenues par chaque actionnaire ou associé. Ils sont en principe payés dans les neuf mois qui suivent la clôture de l’exercice.

La société doit verser les dividendes à l’associé, lequel a seul qualité pour les percevoir, quel que soit son régime matrimonial. Ainsi, dans le cas de deux époux vétérinaires associés, et à défaut d’accord contraire exprès, leur société doit verser sa part à chacun d’eux en deux chèques séparés. Mais, si le couple décide de les verser sur un compte joint, il doit prendre un certain nombre de précautions.

Un accord écrit est une base légale

En l’espèce, dans un cas jugé il y a quelques années, des époux mariés sous le régime de la communauté légale sont tous deux détenteurs de parts sociales au sein d’une société à responsabilité limitée (SARL). Des dividendes sont distribués aux deux, mais seul le mari les perçoit pendant quatre exercices et les dépose sur leur compte commun. Les choses se compliquent après leur divorce : l’épouse réclame le paiement de ces sommes à la société et à son époux. En appel, elle est déboutée de sa demande contre la société, car celle‑ci a versé ce qu’elle devait, et son mari est réputé légalement avoir perçu les dividendes en cause pour le compte de la communauté. L’affaire est portée en cassation.

Selon les dispositions de l’article 1421 du Code civil, « chacun des époux a le pouvoir d’administrer seul les biens communs et d’en disposer, sauf à répondre des fautes qu’il aurait commises dans sa gestion. Les actes accomplis sans fraude par un conjoint sont opposables à l’autre ». Cependant, la haute juridiction rappelle que l’article 223 du même Code permet à chaque époux de percevoir librement ses gains et salaires et d’en disposer après s’être acquitté des charges du mariage. Les juges du fond de la Cour de cassation ont désapprouvé la décision de la cour d’appel, en se fondant sur l’article 1832-2 du Code civil. Celui-ci stipule que la société est instituée par un contrat entre deux personnes au minimum, en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter. En conséquence, les juges ont statué que l’associé a seul qualité pour percevoir les dividendes, quel que soit son régime matrimonial. La cour d’appel, qui n’a pas recherché si l’épouse avait donné son accord pour que ces dividendes soient versés directement à son conjoint, n’a pas donné de base légale à sa décision.

La SARL aurait donc dû verser à l’épouse et à elle seule les dividendes qui lui revenaient en fonction des parts sociales détenues, libre à elle d’en disposer après s’être acquittée des charges du mariage. Seul son accord pouvait permettre le versement de ces bénéfices entre les mains du mari.

Ainsi, lorsque deux époux sont associés au sein d’une société, chacun exerce personnellement ses droits, si bien que les dividendes de l’un ne peuvent être perçus par l’autre sans son consentement. En cas de paiement par virement, il est donc conseillé de prévoir un accord écrit des époux pour un versement sur le compte joint.