International
DOSSIER
Auteur(s) : Lorenza Richard
L’École nationale des services vétérinaires-France vétérinaire international (ENSV-FVI) intervient à l’international en proposant une offre de formations et un appui à la création d’unités de formation, et mobilise l’expertise française pour des projets de coopération. Retour d’expérience.
« Deux pôles sont dédiés aux missions internationales au sein de l’ENSV-FVI : le service des actions internationales, dont le mot d’ordre est la formation, et le service FVI, tourné vers l’expertise, explique Vincent Brioudes, chef du service des actions internationales de l’ENSV-FVI. Bien qu’individualisés car nés de la fusion entre les deux structures en novembre 2020, ils restent très liés. »
Formations en distanciel et en présentiel
Ainsi, « former des vétérinaires officiels étrangers sur la mise en œuvre des normes et des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA) correspond à la colonne vertébrale du service des actions internationales », ajoute Vincent Brioudes. Trois offres de formations continues à l’international sont proposées.
La première, en distanciel, concerne notamment le dispositif e-Cerise (online-continuing education for veterinary services, proposé en français et en anglais), créé en 2018 et qui aboutit à la délivrance d’un diplôme inter-école1. Les vétérinaires officiels bénéficient de dix modules tutorés de trois jours chacun et acquièrent ainsi des compétences en santé et bien-être animal, mais aussi une formation sur la qualité des services vétérinaires, sur les modalités de gestion de crise, sur les produits vétérinaires, sur le commerce international, etc. Les participants doivent également écrire un projet personnel qui sera présenté devant un jury. « Il peut s’agir de rédiger un texte réglementaire ou de définir un plan d’action pour améliorer la conformité de son pays d’origine avec les normes de l’OMSA, indique Vincent Brioudes. C’est donc utile pour le participant mais aussi pour son pays. Cette année, le présentiel a été possible, ce qui n’a pas été le cas en 2020, ni en 2021 en raison de la pandémie de Covid-19. Je suis très satisfait de la motivation des participants, très reconnaissant de l’implication des référents techniques et très heureux d’avoir pu accueillir, avec ma collègue Mariam Godde, ces représentants de pays partenaires de la France. » Les residential courses sont la deuxième offre de formations, en présentiel et en langue anglaise. « La première a été organisée en 2014 à la suite d’une demande de Hong Kong et, jusqu’à 2020, deux ou trois formations par an ont été organisées sur la santé animale, la lutte contre l’antibiorésistance, etc. Le Covid avait perturbé ces sessions, mais elles ont enfin repris en octobre dernier. » Enfin, l’ENSV-FVI propose des formations personnalisées à la demande des États.
Partage d’expérience et travail en réseau
L’autre axe stratégique du service des actions internationales est « de partager un retour d’expérience et des compétences en matière d’ingénierie de formation par un travail en réseau dans le cadre de partenariats institutionnels rapprochés », ajoute Vincent Brioudes. Ce travail consiste en un appui à la création d’unités de formation continue à l’étranger pour le bénéfice de pays partenaires de la France. « Il est proposé aux pays intéressés de s’approprier ce mécanisme pour renforcer les compétences des vétérinaires publics ou privés dans la maîtrise des actions de santé publique vétérinaire, précise-t-il. Dans beaucoup de pays, la formation continue des services vétérinaires n’existe pas ou n’est pas fondée sur une réelle stratégie. » Ainsi, le Centre national de veille zoosanitaire de Tunis (Tunisie) a été mandaté en tant que centre collaborateur de l’OMSA en 2020. « Désormais, la formation continue des vétérinaires y est développée selon des modalités proches de ce qui existe en France en matière de partenariat public-privé avec la Société nationale des groupements techniques vétérinaires et un vétérinaire de l’administration. D’autres collaborations ou amorces de collaborations sont en cours au Maroc, en Algérie, au Sénégal et en Ukraine, mais, pour ce dernier pays, tout est actuellement bloqué en raison de la guerre. Des projets sont aussi prévus à l’avenir en Asie du Sud-Est. » Ce travail est également évoqué dans le cadre de réseaux internationaux, telle la plateforme de formation continue des services vétérinaires, créée par l’OMSA en 2018, dont le secrétariat est basé à l’ENSV-FVI, et qui regroupe huit centres collaborateurs2, ou comme le Réseau méditerranéen de santé animale (Remesa). Ce dernier regroupe dix-sept pays du pourtour méditerranéen. « Cela permet de capitaliser sur mon expérience initiale puisque j’ai été impliqué dans la création du Remesa en 2008, explique chef du service des actions internationales. De plus, cette activité de travail en réseau est importante car elle contribue à la mise en œuvre du mandat de l’ENSV-FVI en tant que centre collaborateur de l’OMSA pour la formation des vétérinaires officiels », précise-t-il.
Jumelages institutionnels
La partie « expertise » est le domaine de FVI. « Le cœur de notre métier est de mettre en œuvre des projets de coopération à l’internationale, explique Sabine Didierlaurent, directrice adjointe de l’ENSV-FVI. Nous élaborons notamment de nouveaux outils de contrôle, de sensibilisation ou de déploiement en santé animale ou en sécurité sanitaire, mais aussi d’organisation des services vétérinaires, de législation ou de gouvernance, etc. Nous y intégrons de plus en plus des formations. Le fait de fusionner avec l’ENSV est ainsi un vrai plus. » Les projets en cours suivent une logique de recherche et d’attribution de financements par des bailleurs de fonds. « Nous sommes sous la tutelle du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, qui décide de sa coopération internationale, institutionnelle et publique, en fonction de ses intérêts », précise-t-elle. Les projets phares de FVI sont les jumelages institutionnels entre les services vétérinaires français et les administrations de pays bénéficiaires. « Nous répondons aux projets que l’Union [EU] propose en appels d’offres, en consortiums avec d’autres pays européens. Si nous les remportons, nous mettons en œuvre ces jumelages, pilotés par l’un des États membres, selon le thème de coopération. Un fonctionnaire est alors embauché dans le pays bénéficiaire, en tant que conseiller résident jumelage. C’est la pierre angulaire entre les pays. » Trois pays sont actuellement bénéficiaires : la Bosnie-Herzégovine, en consortium avec la Croatie et l’Autriche, qui est le pays pilote, et, depuis septembre, la Tunisie et Madagascar, en consortium avec l’Italie et la France comme pilote. Concernant Madagascar, « c’est la première fois que l’UE propose un jumelage avec un pays aussi éloigné, tant géographiquement qu’en termes de services administratifs et d’organisation, ce qui demande une adaptation et une logistique importantes », remarque la directrice adjointe de l’ENSV-FVI.
Beaucoup d’autres projets
Ces jumelages sont dépendants des mouvements sociaux et politiques du pays. « Par exemple, un projet qui s’est terminé en avril dernier avec le Liban a, malgré tout, abouti et permis de créer un vrai lien, remarque Sabine Didierlaurent. De plus, dans ces projets internationaux, pour lesquels les déplacements sont fréquents, la pandémie a créé des difficultés mais aussi des opportunités. En effet, les pays souhaitent, dans la logique de relance de projets, renforcer la coopération sur la santé. De plus, nous avons vu que travailler à distance était possible et que cela favorise la mise en œuvre de projets dans des services sous tension au niveau des effectifs. » Outre les jumelages, FVI a de nombreux autres projets. « Depuis juin, nous avons un gros projet de biosécurité dans la chaîne de production porcine (programme BIG) en Asie (Vietnam, Laos, Cambodge et Philippines), où la peste porcine africaine fait des ravages, explique-t-elle. Il est financé à la fois par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et l’Organisation mondiale du commerce, avec plusieurs partenaires français3. Nous avons également, entre autres, quatre projets en Algérie financés par l’ambassade de France d’Alger, un autre financé par le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire sur l’accompagnement sanitaire des élevages avicoles en Éthiopie, un autre financé par l’Agence française de développement sur la partie sanitaire des élevages avicoles en Guinée, une étude sur l’exportation d’animaux réalisée au Soudan, etc. » Les experts sont fournis à FVI par les membres4 qui participent à une commission internationale, et cela ouvre des perspectives. « Nous souhaitons encore élargir le scope de nos partenariats afin de pouvoir proposer un maximum d’expertises dans le cadre de nos missions à l’étranger », conclut Sabine Didierlaurent.
Dominique Schnäbele
Conseillère résidente jumelage de France vétérinaire international à Tunis (Tunisie)
Apporter une aide au développement par le jumelage
Depuis septembre 2022, je suis conseillère résidente jumelage pour trois ans à Tunis, pour une mission de coopération qui s’inscrit dans le cadre de la politique de voisinage sud de l’Union européenne (UE). Les jumelages permettent le partage de compétences au travers de missions d’expertise réalisées par des fonctionnaires d’institutions des États membres de l’UE auprès de fonctionnaires des institutions bénéficiaires, en l’occurrence la Direction générale des services vétérinaires (DGSV) de Tunisie. Je travaille donc au sein de cette direction avec pour mission la réalisation des objectifs attendus pour ce projet, décrits dans la « fiche » de jumelage rédigée par le pays bénéficiaire et approuvée par l’UE, et dont l’intitulé est : « Renforcement de l’encadrement national vétérinaire de la santé animale ». Pour y répondre, la France s’est associée à l’Italie ; ce sont donc des experts français et italiens qui vont mener à bien le programme de travail évolutif que nous mettons au point et réajustons ensemble de trimestre en trimestre, en partenariat avec les services de la DGSV et sous l’égide d’un comité de pilotage présidé par des représentants de l’UE. Ce programme comporte trois thématiques : législation ; gouvernance et renforcement des capacités managériales et techniques ; communication. Mes tâches consistent en beaucoup de coordination, de prise de contact avec les partenaires, de communication et d’organisation des missions des experts. J’ai été très bien accueillie par mes collègues tunisiens, qui attendent beaucoup de ce jumelage. Essayer de créer du lien, de la communication et de la coordination entre les gens est motivant. J’ai découvert une autre réalité, je suis dans le concret avec l’accompagnement des missions des experts. C’est un vrai partenariat qui s’expérimente au quotidien.
Asma Kamili
Médecin vétérinaire, chef de division de la santé animale relevant de la Direction de protection du patrimoine animal et végétal à l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires au Maroc, et participante au cours résidentiel à l’ENSV-FVI en octobre 2022
Une formation riche et une interactivité remarquable des participants
En tant que chef de division de la santé animale, mes missions consistent à assurer la surveillance des maladies animales à l’échelle nationale et au niveau des frontières, à élaborer et à mettre en place les programmes de lutte contre les maladies animales, à agréer les établissements détenant les animaux vivants, à gérer les risques sanitaires à l’import-export et à gérer le système national d’identification et de traçabilité des animaux. Je suis également le point focal national pour le bien-être animal auprès de l’Organisation mondiale de la santé animale. En outre, je gère une équipe constituée de 29 personnes dévouées à leur travail et à leurs missions.
J’ai été informée de l’organisation de la formation sur le leadership dans les services vétérinaires par l’ENSV-FVI par l’ambassade de France à Rabat (Maroc). Ce sujet m’a toujours intéressé et j’ai envoyé mon dossier de candidature dans le but d’améliorer mes compétences en tant que manager au sein de mon équipe. Cette formation était une opportunité pour prendre connaissance des concepts clés du leadership, acquérir et découvrir des compétences pour leur application dans les services vétérinaires et assimiler les principes fondamentaux et les critères d’évaluation de la qualité des services vétérinaires. Cette formation a été riche. D’une part, le programme a abordé différents thèmes en relation avec les comportements des individus et des groupes, ce qui permet de prendre connaissance des éléments clés pour une bonne gestion des équipes et des missions. D’autre part, les outils pédagogiques utilisés étaient variés, complémentaires et adaptés aux thèmes présentés, avec notamment des partages d’expériences ou des jeux de rôle autour de cas d’études. De plus, l’organisation d’activités sociales au début de la formation a permis de créer une bonne cohésion entre les participants provenant de 13 pays, mais aussi entre les participants, les organisateurs et les formateurs. Pour cela, je remercie les organisateurs pour leur implication et leur professionnalisme, mes supérieurs hiérarchiques qui m’ont permis de suivre cette formation, et tous les participants, pour leur réactivité et leur implication remarquables.
N’Gbocho Bernard N’Guessan
Directeur commercial de la filiale de la multinationale américaine Flow Equity en Côte d’Ivoire, qui a suivi la formation en distanciel e-Cerise
« Quand on veut vraiment se former, on peut »
J’ai suivi la formation en distanciel e-Cerise du service Actions internationales de l’ENSV-FVI dans la continuité de mes spécialisations : vétérinaire officiel et épidémiologiste. Je travaillais alors à la direction des services vétérinaires puis, vers la fin de la formation, j’ai eu un poste de manager général au Burundi. Mon objectif était d’affûter davantage mes connaissances dans mon domaine de compétences et de mieux me positionner pour des postes internationaux. J’ai reçu une notification d’information de la part du Dr Vincent Brioudes, et, après avoir pris connaissance de la formation, je n’ai pas hésité à faire les démarches nécessaires auprès de ma hiérarchie pour obtenir son aval. Tout s’est bien déroulé, avec un suivi adéquat. Il n’a pas toujours été évident pour moi de faire des formations avec la charge de travail qu’il peut y avoir au bureau, mais quand on le veut vraiment, on le peut. Tout réside dans l’organisation et la discipline. Clairement, cette formation m’a beaucoup apporté. Elle a été pour moi une mise à jour, mais elle m’a également permis de mieux maîtriser les lois internationales et les directives concernant l’importation ou l’exportation d’animaux, de leurs produits et sous-produits et de denrées d’origine animale. J’utilise beaucoup cette approche dans mes fonctions actuelles.