Dermatologie
FORMATION CANINE
Auteur(s) : Mylène Panizo Conférencier Dominique Heripret, dipl. ECVD, spécialiste en dermatologie. Article rédigé d’après une webconférence organisée par le centre hospitalier vétérinaire Frégis à Arcueil (94), le 20 octobre 2022.
En mai 2022, le conseil scientifique du Groupe d’étude en dermatologie des animaux de compagnie (Gedac) de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie s’est réuni pour discuter de l’alopécie X et émettre des recommandations (qui seront publiées courant 2023) concernant sa définition, son diagnostic et ses traitements.
Définition et épidémiologie
Le Gedac définit l’alopécie X comme étant « une alopécie non inflammatoire, non prurigineuse, caractérisée par une hypotrichose symétrique évolutive ».
Cette dermatose canine est une anomalie encore mal comprise à l’heure actuelle. Un parallèle avec l’alopécie humaine a longtemps été fait, mais on pense désormais que l’alopécie X n’a sans doute pas d’origine surrénalienne ou androgénétique.
Dans deux tiers des cas, l’alopécie X atteint des chiens de races nordiques, avec une surreprésentation des spitz (58 %). D’autres races semblent prédisposées, notamment les chihuahuas (9 %). Cette anomalie touche majoritairement, mais non exclusivement, les jeunes adultes (entre 1 et 5 ans), et, dans plus de 50 % des cas, des mâles entiers (les 50 % restants se répartissent en 25 % de mâles castrés et 25 % de femelles, stérilisées ou pas).
Diagnostic
Le diagnostic repose sur l’ensemble des critères épidémio-cliniques suivants :
- Absence de signes généraux ;
- Race prédisposée ;
- Présence d’une dépilation, pouvant aller jusqu’à l’alopécie, avec la présence d’une peau sèche et rêche ou xérotique « en papier de verre », et des poils duveteux. Une mélanose survient souvent, mais elle est secondaire (elle apparaît au cours du temps ou est liée aux expositions solaires). Les localisations préférentielles des zones alopéciques sont initialement le cou et les cuisses, puis une extension à tout le corps, voire à la queue, est observée. La tête et les extrémités sont en revanche épargnées ;
- Repousse du poil après un traumatisme : il s’agit d’un critère pathognomonique de l’alopécie X (lors d’alopécie d’origine endocrinienne, les poils ne repoussent pas après un traumatisme, une biopsie par exemple).
En cas de doute sur le diagnostic, il convient d’écarter d’abord les causes d’alopécie iatrogène (traitement à base d’estriol, léchage d’une pommade œstrogénique humaine, syndrome de Cushing iatrogène), puis les causes endocriniennes (principalement l’hypothyroïdie).
La réalisation de biopsies cutanées (idéalement sous anesthésie locale) présente un intérêt pour appuyer le diagnostic, notamment pour le propriétaire. À l’examen histopathologique, cette dermatose est caractérisée par « un arrêt du cycle pilaire avec une kératinisation trichilemmale excessive sous la forme de nombreux follicules dits en flammes », selon le Gedac : cela signifie que l’intérieur de la gaine du follicule devient rouge à la coloration à l’hématoxyline et à l’éosine. Une hyperpigmentation épidermique et folliculaire est également observée. Ces critères histopathologiques ne sont cependant pas pathognomoniques de l’alopécie X (ils excluent une hypothyroïdie mais ne permettent pas d’écarter des dermatoses hormonales d’origine sexuelle). Ils ajoutent simplement un élément à la suspicion.
Faut-il traiter une alopécie X ?
Depuis de nombreuses années, une multitude de traitements ont été testés, souvent de manière empirique. Il importe tout d’abord de rappeler que l’alopécie X n’est pas une « maladie ». Cette dermatose n’a en effet aucun impact sur la santé des chiens (il convient seulement de faire attention aux coups de soleil chez les individus atteints). Il s’agit d’une anomalie purement esthétique.
Il n’existe pas de consensus sur les traitements, d’autant que peu d’études ont été réalisées sur un grand nombre d’animaux. Les options thérapeutiques actuelles sont les suivantes :
- Ne rien faire, car l’alopécie X n’est pas une maladie (ce qui n’est pas toujours évident à faire accepter par le propriétaire) ;
- Chez le mâle entier, lorsqu’un traitement est souhaité, poser un implant de desloréline (agoniste de la GnRH) : une amélioration, dans un délai de deux à cinq mois, est constatée dans environ 75 % des cas chez les mâles entiers. Il est possible de prescrire de l’acétate d’osatérone (Ypozane), un antiandrogène (progestagène), avec des résultats intéressants, mais, à l’heure actuelle, on constate moins d’éléments probants par rapport à l’implant de desloréline.
- Prescrire de la mélatonine (à la dose de 3 à 6 mg/j) : la repousse du poil est souvent partielle mais il n’y a pas d’effets secondaires connus.
La castration, un temps conseillée, n’est plus vraiment recommandée (pratique invasive, risque de rechute dans les deux ans). Certains propriétaires observent une amélioration avec l’application de shampooings particuliers (Dermacton, Dermagic), mais ils peuvent être irritants et leur utilisation doit être évaluée.
D’autres options ont été décrites, mais ne sont pas recommandées ou sont éthiquement discutables : le micropiquetage (sous anesthésie, cela provoque une agression de la peau qui favorise la repousse. Cette technique est en cours d’interdiction dans les pays nordiques pour des raisons éthiques), le trilostane (risque d’effets secondaires), la manipulation de la 5-alpha réductase (finasteride, dutastéride), le minoxidil (risque important d’effets secondaires).
Chez les mâles castrés et les femelles (entières ou non), il n’y a pas, actuellement, de données bibliographiques fiables permettant des recommandations thérapeutiques. Dominique Heripret conseille soit de ne rien faire, soit de prescrire de la mélatonine, soit, éventuellement, d’utiliser un shampooing, mais sans garantir d’amélioration ou pouvoir donner de pourcentage de réussite.
D’autres thérapies commencent à être testées (laser, photobiomodulation, vitamine E associée à la L-cystéine), mais une évaluation de leur intérêt reste à effectuer.
Afin de mieux comprendre cette dermatose, des recherches génétiques seraient intéressantes à mener, notamment chez le spitz.