Maltraitance animale : la profession doit-elle mieux seconder les magistrats, les policiers et les gendarmes ? - La Semaine Vétérinaire n° 1975 du 03/02/2023
La Semaine Vétérinaire n° 1975 du 03/02/2023

Expression

EXPRESSION

Auteur(s) : Propos recueillis par Chantal Béraud

Notamment sous l’impulsion d’une capitaine de police, la lutte contre la maltraitance animale est en train de progresser en Occitanie, et même à l’échelle nationale. Les vétérinaires ont-ils une place à prendre dans ces actions ?

Marie-Christine Weibel (T97)

Coréférente en protection animale au conseil régional de l’ordre des vétérinaires d’Occitanie (Commission bien-être animal)

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Un vétérinaire dans les écoles de police

C’est en 2019 que la capitaine de police toulousaine Céline Gardel a fondé l’association Les 4 pattounes. Entre autres pour lutter contre la maltraitance animale grâce à un réseau bénévole des forces de l’ordre. Elle coanime en outre un compte WhatsApp destiné aux gendarmes et aux policiers, et s’est rapidement rapprochée des associations de protection animale. Mais associer à cette dynamique la profession vétérinaire n’a pas été automatique. Je me suis en effet rendu compte avec étonnement qu’on ne pense pas toujours à nous en cas de maltraitance animale ! Le conseil régional de l’ordre des vétérinaires d’Occitanie (CRVO) est cependant maintenant pleinement intégré à cette initiative locale, qui est depuis devenue une source d’inspiration nationale. En effet, dès juin 2023, tous les futurs jeunes gardiens de la paix des dix écoles de police de France suivront un module de huit heures sur la maltraitance animale. Parmi le trio interdisciplinaire intervenant, il y aura systématiquement un vétérinaire référent de la protection animale du CRVO où aura lieu cette formation.

Christian Diaz (T81)

Responsable formation à l’Association francophone des vétérinaires praticiens de l’expertise

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Sensibiliser et former les vétérinaires

En novembre, l’Association francophone des vétérinaires praticiens de l’expertise a consacré un après-midi au bien-être de l’animal de sport, qui s’est conclu par un discours de Franck Rastoul, procureur général auprès de la cour d’appel de Toulouse. Il a en effet créé un nouveau pôle consacré à la lutte contre les délits environnementaux et la maltraitance animale. Ce pôle pourra notamment faire appel aux compétences techniques des vétérinaires. Cela, bien sûr, dans le cadre d’une expertise vétérinaire judiciaire, mais aussi de manière plus large puisque tout vétérinaire a, depuis la loi n° 1539 du 30 novembre 2021, la possibilité de rompre le secret professionnel en portant à la connaissance du procureur toute information relative à des actes de maltraitance envers l’animal. Toutefois, afin de pouvoir mieux répondre à cet enjeu sociétal en pleine évolution, je pense que notre profession a encore besoin d’être mieux sensibilisée et formée, particulièrement en médecine légale (qui fait aujourd’hui l’objet d’un enseignement en formation initiale et continue).

Michel Martin-Sisteron (T73)

Expert de justice (principalement dans la filière équine)

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L’expert vétérinaire joue un rôle essentiel

Globalement, je pense qu’il est souvent nécessaire que les magistrats soient conseillés par des vétérinaires. S’ils sont bien formés en droit, ils ont en revanche besoin d’être éclairés sur le plan technique. Ils ne peuvent pas tout savoir, puisqu’ils doivent, par exemple, dans une même journée aussi bien traiter du préjudice d’un arbre tombé sur une maison que d’un litige sur un animal de rente, de sport ou de compagnie. C’est pourquoi ils peuvent avoir utilement recours à un vétérinaire expert judiciaire, dont le rôle est de répondre de manière factuelle et technique à toutes leurs questions (avec envoi de son rapport à toutes les parties impliquées). Mais l’expert judiciaire a également souvent dans sa mission la demande d’apporter au magistrat tous les éléments qu’il juge utiles, ce qui ouvre largement le débat entre lesdites parties. Cette compréhension aide le magistrat à formuler dès sa première ordonnance une mission qui corresponde efficacement au problème de fond.