Cuniculture
FORMATION MIXTE
Auteur(s) : Samuel Boucher Cet article est le premier d’une série de 2 articles sur la coccidiose du lapin.
La coccidiose, maladie parasitaire causée par des protozoaires intracelullaires du genre Eimeria, peut toucher le lapin d’élevage comme le lapin de compagnie. Avec le retour de l’élevage au sol1 est observé sur le terrain celui des coccidioses mortelles à Eimeria intestinalis ou flavescens dans plusieurs pays alors qu’elles avaient totalement disparu des élevages de lapins en cage. Dans ce contexte, il convient de maîtriser la démarche diagnostique afin de mettre en place un traitement si nécessaire.
Deux grandes formes cliniques
Cette parasitose dépend à la fois du degré d’infestation (nombre d’oocystes ingérés puis multipliés), de l’espèce de coccidies qui parasite l’animal et de son état de santé. Seuls les animaux jeunes de moins de 10 semaines, au système immunitaire immature, ou n’ayant jamais été en contact avec des coccidies sont les plus sensibles à la maladie. Pour les autres, l’acquisition d’une immunité protectrice permet de réduire le risque de développement d’une coccidiose. Ainsi, la seule présence d’oocystes ne signifie pas obligatoirement qu’il y a danger et donc nécessité de traitement. Le stress est également un facteur favorisant non négligeable.
La contamination d’un animal se fait par ingestion d’oocystes, qui sont excrétés dans les matières fécales des lapins contaminés. On estime qu’un seul oocyste d’Eimeria intestinalis ingéré aboutira à 1 à 3 millions d’oocystes produits et rejetés dans le milieu extérieur. Ce n’est qu’à l’extérieur que les oocystes subissent une phase de maturation de 24 à 48 heures leur permettant de devenir contaminants (sporogonie). Après ingestion, une fois qu’ils ont gagné les cellules intestinales, ces oocystes sporulés vont libérer des sporozoïtes, lesquels vont entamer une phase de multiplication asexuée2 (schizogonie) au niveau des organes cibles que sont les intestins ou le foie, à l’origine de la symptomatologie observée.
Sur le terrain, on distingue ainsi deux grandes présentations cliniques : la coccidiose intestinale et la coccidiose hépatique, toutes deux très contagieuses. La mère, insensible à la maladie, transmet les oocystes à ses jeunes. La contamination peut également être horizontale.
Dans la majorité des cas de coccidioses intestinales, les lapereaux présentent des signes de diarrhée aqueuse associée à un amaigrissement et à un retard de croissance. La mortalité n’est observée que pour certaines espèces de coccidies. Les signes cliniques dépendent aussi du nombre de lésions présentes chez l’animal touché. La coccidiose hépatique passe cliniquement souvent inaperçue, mais une infestation massive peut engendrer des signes cliniques (anorexie, amaigrissement, ictère, ascite, diarrhée, constipation) avec une évolution rarement mortelle. Un examen biochimique met alors en évidence une cytolyse. Eimeria coecicola, même présente en grande quantité, ne crée pas de lésions et n’entraîne pas de signes cliniques.
Des examens complémentaires nécessaires au diagnostic
Les reproductions expérimentales à partir d’une espèce donnée de coccidies sur des lapins exempts d’organismes pathogènes spécifiés ont pu montrer que le diagnostic peut être fortement orienté par l’observation des signes cliniques et lésionnels. Toutefois, sur le terrain, comme le lapin est presque toujours parasité par plusieurs espèces de coccidies, il est très difficile de s’appuyer sur ces descriptions théoriques pour poser un diagnostic.
De plus, la coccidiose intestinale peut se confondre avec toute maladie provoquant une diarrhée. Il convient de la distinguer des colibacilloses, du syndrome d’entéropathie épizootique du lapin (EEL), d’une perturbation de la flore cæcale iatrogène, d’une salmonellose, etc.
Les examens complémentaires ont donc toute leur importance. Ils consistent en un comptage et une identification des coccidies présentes dans le contenu intestinal ou dans les selles, assortis d’un examen nécropsique en cas de mortalité. On pourra conclure à une coccidiose intestinale en confrontant le tableau clinique avec l’observation, le comptage et l’identification des parasites. Pour la coccidiose hépatique, seules la présence de lésions caractéristiques sur le foie ou la visualisation et l’identification des oocystes des selles au microscope permettent un diagnostic de certitude.
Raisonner la mise en œuvre du traitement
Pour le comptage, dans un premier temps, un examen direct au microscope permet de visualiser les oocystes. Dans un second temps, un comptage avec une cellule de Mac Master permet la numération des oocystes par gramme de fèces, ce qui orientera sur la nécessité, ou non, d’un traitement. Une fois l’espèce en cause identifiée, le seuil de traitement pourra alors être ajusté. L’identification passe par une préparation des échantillons de crottes ou de contenu intestinal placés à 26 °C en milieu aéré sur un liquide dense permettant la sporulation des oocystes. Ce n’est que quatre à dix jours plus tard que l’on pourra caractériser l’espèce en cause, par la présence ou l’absence d’un micropyle, d’un ou de plusieurs corps résiduels, et la largeur et la longueur de la coccidie.
En cas de signes cliniques, la présence de plus de 5 000 oocystes de coccidies pathogènes/gramme de contenu intestinal doit être prise en considération pour instaurer un traitement. Cette valeur, qui tient compte également d’une excrétion non constante dans le temps, n’est qu’indicative. Pour les espèces très pathogènes, le seuil peut être abaissé à 2 000. Sur des crottes, le seuil à considérer pour traiter est de 300 oocystes par gramme.
Concernant l’autopsie, les lésions observées sont une inflammation de l’intestin et/ou du cæcum, voire du colon, généralement assez discrète. L’intestin a souvent un aspect de papier mâché. Il n’y a pas de gaz dans les divers segments du tube digestif. L’estomac contient une pâte solide dont la couleur varie avec l’alimentation. L’autopsie permet d’écarter l’EEL du fait de l’absence de gaz dans l’intestin et de l’observation d’un contenu stomacal solide. En absence de typhlite, il est possible d’écarter l’hypothèse de colibacillose ou de clostridiose.