Parasitologie
FORMATION MIXTE
Auteur(s) : Clothilde Barde Article rédigé d’après la conférence « Cryptosporidiose chez les jeunes veaux en France : aspects scientifiques et pratiques du risque sanitaire »1, donnée par Damien Costa (chercheur, équipe « EpidémioSurveillance et CirculAtion de Parasites dans les Environnements », Université de Rouen) lors des journées 3R, qui se sont tenues à Paris le 7 et 8 décembre 2022.
Les parasites du genre Cryptosporidium sont des parasites entériques cosmopolites pouvant infecter une grande variété d’hôtes. Il s’agit de l’un des genres d’entéropathogènes le plus fréquemment retrouvés chez les veaux de moins de 2 semaines de vie2. L’infection parasitaire se traduit cliniquement par la présence d’une diarrhée non spécifique, souvent accompagnée de déshydratation, d’anorexie et de douleurs abdominales. La transmission entre veaux se fait par voie féco-orale par ingestion d’oocystes émis dans les selles des animaux infectés, généralement en forte quantité lors des épisodes de diarrhée3. Pour cette maladie zoonotique (transmission par contact direct ou indirect avec les individus infectés ou par exposition aux aliments contaminés), le seul traitement autorisé en Europe chez les veaux est le lactate d’halofuginone, d’efficacité partielle, notamment sur l’excrétion parasitaire4. L’objectif du travail de recherche présenté ici était d’obtenir des données sur la prévalence des infections à Cryptosporidium spp. dans des élevages laitiers français, sur les outils diagnostiques disponibles, d’évaluer la prévalence simultanée d’autres entéropathogènes (E. coli, rotavirus…) ainsi que les voies de transmission possibles et d’établir l’intérêt de la vaccination.
Une étude de grande ampleur
Dans cette étude prospective, réalisée sur quatre ans (de septembre 2017 à décembre 2021), les élevages sélectionnés étaient de races Holstein et Charolaise, avec un potentiel de 40 vêlages durant la période d’étude et situés à 50 kilomètres autour de Carhaix (Finistère). Les éleveurs s’engageaient à signaler les cas cliniques (veaux de 0 à 15 jours d’âge avec une diarrhée d’apparition brutale). Dès l’inclusion d’un premier cas clinique, un questionnaire était remis à l’éleveur pour caractériser ses pratiques d’élevage, et les infections entéropathogènes d’intérêt (Cryptosporidium, rotavirus, coronavirus, E. coli) ont été recherchées dans les échantillons de selles prélevées grâce au test antigénique Speed V-Diar 4. L’ADN a ensuite été extrait, puis une PCR triplex visant à détecter Cryptosporidium spp., C. parvum et C. hominis a été réalisée (séquençage du gène gp60 pour identifier les sous-types). Les vaccins utilisés par les éleveurs pour prévenir le coronavirus, le rotavirus et E. coli étaient soit le Trivacton, soit le Rotavec, soit le Bovigen.
Des portages asymptomatiques
En ce qui concerne les résultats, chez les veaux de moins de 2 semaines de vie, la prévalence moyenne observée de la diarrhée était de 39 % et celle de Cryptosporidium spp. (détectée par PCR) de 67 %. Par ailleurs, la PCR a permis de révéler le parasite chez 77 % des veaux symptomatiques et 53 % des veaux asymptomatiques. De plus, pour les veaux symptomatiques, l’ADN de Cryptosporidium spp. a été décelé par PCR dans 77 % des cas, contre 53 % des cas chez les veaux asymptomatiques et, chez les veaux porteurs de Cryptosporidium spp. (détecté par PCR), 43 % étaient symptomatiques. En ce qui concerne les autres agents pathogènes, la prévalence des entéropathogènes a révélé également une prépondérance d’animaux infectés à rotavirus. Le test antigénique était positif à Cryptosporidium spp. dans 64 % des cas chez les veaux symptomatiques (vs 77 % pour la PCR) et dans 17 % (vs 53 % pour la PCR) des cas chez les veaux asymptomatiques. En outre, chez les vaches et les veaux, C. parvum était l’espèce largement majoritaire (90 % des cas), puis C. bovis, C. andersoni, C. hominis, C. ryanae et C. meleagridis ont été observées en faible proportion (< 6 %). Enfin, un effet bénéfique de la vaccination a été constaté sur les troubles digestifs des veaux (20 % des veaux ont souffert de troubles digestifs si la mère était vaccinée contre 41 % si elle ne l’était pas). Quant au rotavirus, il a été détecté dans 25 % des cas chez les veaux dont la mère n’était pas vaccinée contre 11 % des cas lorsqu’elle n’était pas vaccinée et, pour le coronavirus, E. coli F5 et E. coli CS31A, les prévalences étaient plus élevées (mais non significatives) chez les veaux dont les mères avaient été vaccinées.
Des tests aux résultats variables
Selon les chercheurs, il semblerait donc que, pour révéler Cryptosporidium spp., responsable de la première étiologie infectieuse retrouvée chez les veaux parmi celles investiguées5 (conformément à la littérature), les tests antigéniques ont été moins sensibles mais plus rapides que la PCR (15 minutes vs 2 à 3 heures). De plus, si les limites de détection des tests antigéniques sont relativement élevées (10 000 oocystes pour C. parvum)6, leur performance semble acceptable chez les animaux symptomatiques car un écart de sensibilité de 13 % a été observé entre la détection de Cryptosporidium spp. par test antigénique et celle par PCR. En termes de diagnostic de terrain, le test antigénique chez les veaux symptomatiques permet donc d’avoir une réponse rapide vis-à-vis de la cryptosporidiose sans pour autant perdre grandement en sensibilité par rapport à la PCR. Par ailleurs, les résultats de ce travail de recherche ont infirmé les données de la littérature selon lesquelles la transmission des oocystes est verticale entre veaux et mères7. Enfin, les données sur la vaccination suggèrent un effet bénéfique sur la symptomatologie digestive et les infections à rotavirus.