Plans Ecoantibio : un bilan en demi-teinte - La Semaine Vétérinaire n° 1976 du 10/02/2023
La Semaine Vétérinaire n° 1976 du 10/02/2023

Expression

EXPRESSION

Auteur(s) : Propos recueillis par Michaella Igoho-Moradel

Si les praticiens s’accordent à dire que les plans Ecoantibio ont permis de grandes avancées, leurs attentes restent fortes en matière d’outils d’autoévaluation et de suivi des consommations d’antibiotiques.

Olivier Fortineau

Membre de la commission médicament de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires et praticien mixte à Châteaugiron (Ille-et-Vilaine)

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Les contraintes réglementaires n’ont pas été suivies par des mesures incitatives

Le rapport du CGAAER [Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux] a ciblé les lacunes du deuxièmeplan Ecoantibio. Contrairement au premier, celui-ci a souffert d’un manque d’organisation et de suivi. Nous n’avions plus d’interlocuteurs ce qui a ralenti sa mise en œuvre… nous démarrons à peine les projets 2022. Lors du premier plan, nous avions des réunions et des échanges réguliers avec la Direction générale de l’alimentation. Une équipe était dédiée à sa mise en œuvre. Outre ce problème de gouvernance, les efforts des vétérinaires et des éleveurs n’ont pas été reconnus à leur juste valeur. Les contraintes réglementaires n’ont pas été suivies par des mesures incitatives. Il nous manque des outils techniques et innovants pour améliorer nos prescriptions. Il nous est, par exemple, demandé d’utiliser les antibiotiques selon les recommandations de l’AMM [autorisation de mise sur le marché] mais les posologies des anciennes AMM ne sont pas à jour. Il nous faut des AMM plus précises, des antibiotiques pour des espèces mineures, et des outils d’autoévaluation. 

Laurent Mangold

Référent antibiotique équin, praticien à Argonay (Haute-Savoie)

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Nous aimerions connaître l’impact de ces plans sur la santé humaine 

Sur le terrain, les comportements des prescripteurs ont changé. Le débat a davantage été centré sur le choix des molécules pour une prescription dans une spirale vertueuse. Mais le manque d’informations scientifiques à la disposition du prescripteur a été pointé du doigt. Ce dernier se rend compte qu’il y a des situations cliniques pour lesquelles il n’y a pas de réponse permettant d’ajuster sa prescription. Il se retrouve dans une ambivalence de la législation de l’AMM [autorisation de mise sur le marché] et la donnée scientifique. Il y a des anciennes AMM dont les schémas posologiques ne sont plus à jour. Les prescripteurs sortent de l’AMM et engagent leur responsabilité. Nous sommes à l’aube de nous retrouver face à des échecs thérapeutiques non pas en raison de l’antibiorésistance mais parce que nous n’avons pas la bonne donnée. Il est nécessaire que les industriels communiquent les informations en leur possession afin de faire évoluer les schémas thérapeutiques. Pour certaines pathologies, nous nous appuyons aujourd’hui sur des publications émanant d’organismes privés, mais il manque des données consolidées. Nous aimerions aussi connaître l’impact de ces plans et l’amélioration des pratiques de prescriptions antibiotiques sur la santé humaine et son problème de bactéries multirésistantes. Cette considération doit être prise en compte dans le quatrième volet du plan. Enfin, les deux plans ont mis l’accent sur les méthodes alternatives dont l’hygiène. Le groupe de travail “Hygiène” de Qualitévet a saisi cette opportunité pour lancer en 2021 un guide d’hygiène destiné aux établissements de soins vétérinaires. 

Sylvain Larrat

Référent antibiotique NAC, praticien à Brech (Morbihan)

Nous sommes obligés de faire une entorse à la réglementation 

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Chez les NAC [nouveaux animaux de compagnie], la sensibilisation de la profession a permis de s’éloigner de l’utilisation systématique des quinolones. Mais dans notre “filière”, les défis à relever restent nombreux. La réglementation n’est pas adaptée aux soins des NAC. Par exemple, la “cascade” impose aux praticiens de recourir en priorité à des médicaments disposant d’une AMM [autorisation de mise sur le marché] pour l’espèce cible (articles 112 et 113 du règlement (UE) 2019/6). En parallèle, le décret de 2016 sur les antibiotiques critiques nous dit qu’il faut éviter les quinolones en première intention, mais, pour certaines espèces, toutes les AMM disponibles concernent des quinolones. Nous n’avons pas d’AMM avec des antibiotiques non critiques. Nous sommes donc obligés de faire une entorse à la réglementation. Cette incohérence nuit à l’effort global de réduction de l’usage des antibiotiques critiques. Le plan Ecoantibio 3 devrait encourager la mise sur le marché de traitements adaptés, issus de la recherche publique, car les industriels n’ont aucun intérêt financier à se lancer dans ce domaine. Nous avons également un déficit d’études pharmacologiques sur les NAC, et un certain nombre de doses utilisées ne sont pas fondées scientifiquement. En outre, en clientèle de ville, nous faisons face à des propriétaires insistants pour avoir une prescription. Il est nécessaire de les sensibiliser à l’utilisation raisonnée des antibiotiques. Une campagne nationale de sensibilisation permettrait de soutenir la parole du vétérinaire.