Un observatoire des anomalies génétiques des petits ruminants en projet - La Semaine Vétérinaire n° 1976 du 10/02/2023
La Semaine Vétérinaire n° 1976 du 10/02/2023

ANALYSE MIXTE

Auteur(s) : PAR Clothilde Barde

À l’instar de l’Observatoire national des anomalies bovines1, un observatoire des anomalies génétiques en petits ruminants devrait voir prochainement le jour. Pour présenter les caractéristiques et les spécificités du projet, des chercheurs de l’unité mixte technologique Sélection génétique pour la transition agroécologique des petits ruminants ont proposé un webinaire le 19 janvier 2023.

« L’apparition de mutations est un phénomène normal et fréquent, à l’origine de la diversité génétique et de l’évolution des espèces. Cependant, parfois, ces mutations peuvent être responsables d’anomalies génétiques qui sont alors délétères pour les animaux porteurs », a indiqué Diane Buisson (Institut de l’élevage, Idele) pour introduire le webinaire de l’unité mixte technologique Sélection génétique pour la transition agroécologique des petits ruminants (UMT Star) du 19 janvier 2023. Pour mieux connaître ces anomalies chez les petits ruminants (PR) et pouvoir les prendre en compte dans les schémas de sélection, les experts de l’unité de recherche ont présenté leur projet d’observatoire, Presage2, qui suit le modèle de ceux déjà existants dans les filières bovine, équine et canine. Selon Diane Buisson, « le projet Presage avance bien. Une application mobile, permettant la déclaration des anomalies ainsi que leur description, est d’ailleurs en cours d’expérimentation. Tous les acteurs auront un rôle à jouer dont les vétérinaires ». Selon une définition de 2016 des experts de l’Institut national de la recherche agronomique et de l’environnement, ces anomalies sont des « phénotypes déviant par rapport à la population qui résultent d’une mutation aléatoire de l’ADN (le plus souvent rare, monogénique et délétère) qui se transmet d’une génération à une autre ». Comme l’a ajouté Diane Buisson, « on connaît actuellement 5 900 maladies de ce type dans l’espèce humaine contre seulement 265 en filière PR (et 166 en bovins) car ces anomalies sont moins référencées dans les élevages »

Les anomalies génétiques à l’étude

Au vu de leurs conséquences souvent lourdes (psychologiques, économiques, en termes de bien-être animal et de santé, pertes de fertilité, de niveau et de diversité génétique), la création de l’observatoire devrait permettre aux chercheurs d’avoir une meilleure connaissance du génome des PR, et, par extension, des anomalies génétiques humaines (par exemple, le bovin est actuellement un animal modèle pour le syndrome Charge3 humain), a indiqué la conférencière. De plus, selon cette dernière, grâce aux données terrain obtenues, les chercheurs devraient pouvoir collecter plus d’informations sur la maladie et, notamment, déterminer si une mutation est dominante ou récessive. Ainsi, lors de maladies génétiques récessives, « si les animaux sont porteurs sains (un seul allèle), ils ne doivent pas être sélectionnés pour la reproduction. Plus on connaît et plus on détecte les animaux porteurs d’anomalies, plus on peut réagir vite pour les gérer », a-t-elle indiqué. Pour détecter la présence d’anomalies génétiques, les chercheurs utilisent soit la technique de « génétique classique » (du phénotype au génotype), soit celle de « génétique inverse » (du génotype au phénotype), grâce aux nouveaux outils génomiques disponibles (Cf. Formation rurale SV 1977).

La gestion des anomalies

Une fois l’anomalie génétique mise en évidence, comme l’ont indiqué Jérôme Raoul et Isabelle Palhière (Idele), « la gestion peut se faire à l’échelle de l’élevage ou de la population ». Pour cela, selon eux, il convient dans un premier temps d’étudier le déterminisme génétique des anomalies (létalité, signes cliniques tardifs ou non, période d’apparition de la maladie et fréquence initiale dans la population). Puis, dans un second temps, « gérer une maladie au niveau de la population, en général on élimine les porteurs, c’est-à-dire les hétérozygotes. Pour les maladies non létales, il faut éliminer les porteurs hétérozygotes et homozygotes, ce qui n’est pas toujours possible lorsque la fréquence de porteurs dans la population est élevée ou que cela affecte les performances technico-économiques de la sélection (coût, anomalie génétique sur le caractères de la sélection ou consanguinité) », a conclu Jérôme Raoul (Cf. Formation rurale SV 1977)..

  • 2. Projet Casdar Presage mis en place de 2021 à 2024 par des chercheurs de l’Institut national de la recherche agronomique et de l’environnement et l’Institut de l’élevage.
  • 3. Coloboma (colobome), Heart defects (malformation cardiaque), Atresia choanae (atrésie des choanes), Retardation of growth and development (retard de croissance et du développement psychomoteur), Genitourinary problems (problèmes génito-urinaires), Ear abnormalities (anomalie de l’oreille).