Nutrition
FORMATION CANINE
Auteur(s) : Audrey Chevassu Conférencières Géraldine Blanchard, spécialiste en nutrition clinique Christelle Maurey, dipl. ECVIM, service de médecine interne de l’ENVA Article rédigé d’après la conférence « Rénal, mais pas que… Que faire lorsqu’il y a plusieurs maladies », organisée par Osalia le 6 octobre 2022 à Paris et en distanciel.
Maladie rénale chronique et calculs urinaires
Certains animaux peuvent présenter une crise d’insuffisance rénale aiguë sur fond de maladie rénale chronique (MRC). Dans ces cas-là, les différentes causes possibles sont recherchées : prérénales (déshydratation), rénales (pyélonéphrite) et postrénales (obstruction urétérale). Entre la pyélonéphrite et les obstructions, le diagnostic différentiel n’est pas toujours évident. La numération formule n’est pas toujours augmentée, des signes de leucocytose ou monocytose sont recherchés. L’urine vésicale (voire obtenue par pyélocentèse dans l’idéal) peut être mise en culture à la recherche d’un germe. La protéine sérique amyloïde A est souvent augmentée en cas de pyélonéphrite (attention toutefois, les atteintes du foie ou de la vésicule biliaire peuvent produire le même effet).
L’échographie peut aider à trancher, en particulier dans le cas de cavité pyélique modérément dilatée, davantage en faveur d’un calcul, d’une sténose ou d’une subobstruction. Dans le cas de calculs et en particulier d’oxalate, le traitement doit être adapté s’il n’y a pas de réponse à la fluidothérapie et à l’antibiothérapie en proposant, par exemple, une chirurgie et la pose d’un système de dérivation pyélovésicale extra-urétérale (ou subcutaneous ureteral bypass). Une hypercalcémie est recherchée par la suite en mesurant le calcium ionisé une fois l’obstruction passée, deux à trois mois après, voire en ajoutant un dosage de parathormone. Dans le cas d’une hypercalcémie idiopathique, l’ajustement de l’alimentation et l’ajout de citrate de potassium peuvent aider.
>Gestion nutritionnelle
Pour les chats ayant à la fois une MRC et des cristaux, ou calculs, d’oxalate de calcium, la première mesure est de proposer une alimentation exclusivement humide. Des courgettes peuvent être insérées pour limiter le risque de lithiase, en diminuant la saturation urinaire en oxalates de calcium. L’aliment rénal sec seul ne permet pas une bonne gestion des récidives d’oxalate en raison d’un apport en calcium trop élevé, et l’aliment à visée préventive des oxalates est déconseillé dans la gestion de MRC s’il apporte plus de 5 g de protéines par kilogramme de poids du chat. De même, le simple mélange des deux n’est pas satisfaisant dans la gestion globale de ces deux affections. En cas d’hypercalcémie associée, une ration ménagère est de loin la meilleure option. L’apport de légumes est restreint aux courges ou à la courgette pour limiter le risque de calculs d’oxalate. Cela peut consister en du poulet ou de la dinde, un complément minéro-vitaminé tel que Vit’i5 Bleu, du potiron ou de la courgette, des flocons d’avoine voire une friandise (par exemple, une olive). Un apport d’acide eicosapentaénoïque (EPA) et d’acide docosahexaénoïque (DHA) en capsules sera ajouté pour aider à la gestion de la MRC.
Maladie rénale chronique et Mici
Des animaux atteints de MRC peuvent également être suivis pour des symptômes de maladie inflammatoire chronique intestinale (Mici). Il convient d’ailleurs de se méfier des animaux surveillés pour des vomissements chroniques dont les causes peuvent être multiples. L’échographie peut, dans ces cas-là, permettre de rechercher les autres causes et en particulier des signes de Mici ou de lymphomes tout en confirmant au passage l’éventuelle néphropathie chronique. La maladie rénale est traitée selon les protocoles habituels (voir encadré), en les adaptant selon le stade et les complications présentes.
>Gestion nutritionnelle
Pour la Mici, il est possible de chercher un moyen d’en limiter les symptômes grâce à l’alimentation. Il est alors conseillé de supprimer les glucides au moins deux mois afin de faire un essai alimentaire (ration ménagère adaptée à la MRC, mais formulée sans féculents) et de voir si les symptômes de Mici s’atténuent ou disparaissent. En effet, les glucides peuvent avoir un impact sur la flore digestive et participer aux symptômes. Deux solutions sont possibles : soit un aliment humide à visée rénale sans féculents, soit un régime ménager adapté, avec peu de phosphore, comme pour les insuffisants rénaux, mais sans féculents et toujours avec ajout d’EPA et de DHA. Si l’animal est habitué aux croquettes, la transition avec l’aliment humide peut se faire petit à petit sur trois semaines si nécessaire.
Maladie rénale chronique chez le jeune
Les chiots ou chatons ayant une polyuro-polydipsie (PUPD) doivent être suivis de la même manière que les adultes avec les mêmes symptômes en suivant une démarche rigoureuse et en faisant attention à quelques particularités des animaux en croissance. Pour les jeunes animaux, les causes de PUPD sont multiples. Il convient de distinguer les causes de polyurie primaire osmotique (diabète sucré juvénile, insuffisance rénale, glucosurie rénale, levée d’obstruction, utilisation de diurétiques), les causes d’hypotonie médullaire (telles que l’hypo-urémie en cas de shunt, l’hyperparathyroïdie, l’hyponatrémie) et le diabète insipide (central ou néphrogénique, en cas de pyélonéphrite congénitale par exemple). Les causes de polydipsie primaire sont également recherchées, soit principalement les causes psychogéniques (potomanie) et les lésions hypothalamiques.
Une biochimie sanguine complète, un ionogramme ainsi qu’une analyse d’urine permettent de faire le tri parmi les hypothèses de base. En croissance, il faut retenir que la phosphorémie est fréquemment supérieure aux valeurs usuelles fournies par les analyseurs pour les adultes, de même le marqueur diméthylarginine symétrique est considéré comme normal pour des valeurs jusqu’à 16 dans ce cas. Les acides biliaires sont dosés en cas de suspicion de shunt hépatique.
Une échographie abdominale peut compléter ces examens afin de visualiser les reins. Chez le chien jeune, la PUPD est parfois le seul symptôme de MRC et les prises de sang peuvent être peu ou pas modifiées.
En cas d’anomalie rénale échographique et dans un contexte évocateur, les causes infectieuses sont recherchées (ehrlichiose, dirofilariose, leptospirose). Pour un animal en pleine période vaccinale, en cas de résultat positif pour la leptospirose, il faut vérifier que tous les sérovars vaccinaux sont effectivement augmentés. Dans le cas contraire, se méfier des formes subcliniques de leptospirose, plus fréquentes chez les animaux atteints de MRC. Pour le traitement médical d’une leptospirose subclinique avec MRC, l’animal est mis sous perfusion et sous antibiotique (doxycycline 15 jours) avec contrôle PCR sur les urines.
>Gestion nutritionnelle
Concernant l’alimentation, il s’agit de savoir si l’animal a atteint son pic de croissance ou non. En effet, le tissu squelettique se développe le plus vite et le plus tôt, au contraire du dépôt de muscle dont l’évolution est plus tardive. Le but, dans ce cas, est de permettre une croissance normale tout en essayant ensuite de préserver la fonction rénale.
Dans le cas où l’animal est avant le pic ou en plein pic de croissance (jusqu’à 5 à 9 mois selon le format du chien), l’aliment pour chiots en croissance est maintenu (le choisir avec des protéines de bonne qualité, un taux d’EPA et de DHA suffisant et un Ca/P entre 1 et 2).
Dans le cas où l’animal a dépassé ce pic de croissance, y compris s’il a été stérilisé, une ration bien adaptée doit être proposée, soit une ration mixte avec un aliment rénal et une partie ménagère qui sera ajustée selon les besoins du chiot. Cela permet d’augmenter les protéines sans ajouter trop de phosphore en choisissant des sources de protéines de bonne qualité. Par exemple, bœuf haché, un complément minéralo-vitaminé tel que Vit’i5 Rouge, de l’huile de colza, du riz et un légume telle la courgette.
Gestion nutritionnelle de la MRC seule
En cas de maladie rénale chronique (MRC), l’alimentation permet de ralentir la progression de la maladie en préservant au maximum la fonction rénale tout en essayant d’améliorer le bien-être de l’animal. Cela nécessite d’évaluer son poids optimal et de calculer son besoin énergétique. L’aliment idéal couvre le besoin protéique (5 g/kg de poids optimal du chat) tout en apportant moins de phosphore (1 g P/McalEM) mais plus de calcium pour obtenir un rapport Ca/P entre 2 et 2,5. Il est important, si l’aliment n’en contient pas ou pas assez, d’ajouter des acides eicosapentaénoïque (EPA) et docosahexaénoïque (DHA) contenu dans l’huile de poisson des mers froides à raison de 2 g/Mcal d’énergie métabolisable, plutôt sous la forme de capsules à déposer sur l’aliment pour en limiter l’oxydation. Enfin, il est préférable de fractionner les apports afin de répartir la charge sur les reins. Il y a alors trois possibilités : un aliment industriel à visée rénale de gamme vétérinaire, une ration ménagère ou une ration mixte avec un aliment industriel pour MRC, et une partie ménagère sans féculents à ajuster selon les besoins spécifiques et l’aliment industriel de base.