E-santé
ANALYSE CANINE
Auteur(s) : PAR Tanit Halfon
Un modèle d’apprentissage automatique, élaboré par une équipe de l’université vétérinaire UC Davis de Californie (États-Unis), a montré sa capacité à prédire la maladie d’Addison dans une population canine tout-venant. Cet outil prédictif pourra appuyer la prise de décision du vétérinaire praticien.
En 2020, une équipe de l’université vétérinaire UC Davis, en Californie (États-Unis), annonçait avoir fait la preuve de concept1 qu’un modèle mathématique d’apprentissage automatique pouvait détecter des chiens touchés par la maladie d’Addison, indépendamment du type de déficit hormonal. La sensibilité du modèle était évaluée à 96,3 % et sa spécificité à 97,2 %, ce qui en faisait un outil de dépistage plus performant que les autres. En 2022, une nouvelle étape a été franchie avec un modèle qui a montré qu’il pouvait prédire la maladie, de manière robuste, au sein d’une large population canine tout-venant, indépendamment du tableau clinique ou de la suspicion d’hypoadrénocorticisme, a-t-il été présenté dans une étude prospective2 publiée dans le Journal of veterinary internal medicine en 2022. Le modèle a été testé sur 1 025 chiens reçus à l’hôpital entre fin mars et mi-juin 2019, sur la base de leurs résultats combinés d’hémogramme et de biochimie sanguine. Quatorze chiens ont été classés comme positifs par le modèle, et 1 011 chiens négatifs.
Une bonne concordance avec le clinicien
Dans la population des chiens positifs, cinq ont effectivement été confirmés positifs par le clinicien après un test de stimulation à l’ACTH (hormone adrénocorticotrophe). Trois chiens avaient un taux basal de cortisol compatible avec Addison, mais aucun test de confirmation n’a pu être réalisé (euthanasie ou traitement directement administré de glucocorticoïdes – chiens « suspects »). Quatre chiens se sont révélés des faux positifs3. Deux ont été euthanasiés avant même une mesure de cortisol sérique. Tous les chiens diagnostiqués positifs par le clinicien se sont donc avérés catégorisés positifs par le modèle. Du côté de la population des négatifs, pour 940 chiens, il n’y a pas eu de suspicion clinique de la part du praticien, donc pas d’examens complémentaires spécifiques supplémentaires. Trois chiens avaient déjà été diagnostiqués avant la consultation et étaient en cours de traitement pour la maladie. Les 68 chiens restants ont subi des tests biologiques supplémentaires à la NFS et biochimie : pour 64, la maladie a été exclue4 ; le statut n’a pas pu être confirmé pour les quatre chiens restants à l’hôpital, mais la maladie a été exclue par la suite par le vétérinaire traitant (mais cortisol sérique de base compatible, dosé à l’hôpital). La maladie d’Addison n’a donc été diagnostiquée par le clinicien pour aucun des chiens catégorisés comme négatifs par le modèle mathématique.
Au final, la comparaison de cet outil avec la capacité diagnostique du clinicien révèle un taux de concordance positive de 100 % (5 / [5 + 0]) et un taux de concordance négative5 de 99,3 % (1007 / [1007 + 4 + 3]).
« Rationaliser le processus de diagnostic »
Pour l’équipe de recherche, cette étude montre qu’ « en utilisant les résultats d’analyses sanguines de biochimie et d’hémogramme, le modèle d’apprentissage automatique est aussi efficace pour le dépistage de la maladie d’Addison que des cliniciens, même si ces derniers ont accès à des données supplémentaires ». Le modèle est robuste pour détecter de manière précoce un chien à risque au sein d’une population canine tout-venant, caractérisée par une faible prévalence de la maladie (ici, 0,06 %). Étant donné que la maladie est, de manière générale, difficile à diagnostiquer avec de nombreux cas ayant des paramètres biologiques (ionogramme, biochimie, cortisol) dans les valeurs de référence, cet outil apparaît d’une grande aide pour orienter le diagnostic. Par ailleurs, ce genre d’outil présente également l’avantage d’éviter de recourir à des analyses complémentaires inutiles : on « rationalise le processus de diagnostic » en identifiant les patients à risque qui nécessite un test de confirmation, permettant de réduire les coûts pour les propriétaires. Dans ce cadre, pour les auteurs, la possibilité d’avoir des faux positifs est totalement acceptable dans une population à faible prévalence d’Addison, étant donné que « le test de confirmation est non invasif et rentable ». Les recherches doivent se poursuivre en s’attachant à disposer d’un dosage de cortisol de référence pour chaque chien, afin de définir la sensibilité et la spécificité du modèle en condition réelle, et pas la seule concordance par rapport à un jugement d’un clinicien.
Il est prévu de commercialiser cet outil, et un brevet est actuellement en instance. L’équipe de recherche développe également d’autres modèles prédictifs de maladie, donc un pour la leptospirose6.