COMMUNAUTE VETO
Auteur(s) : Philippe Labbé (T 93), praticien à Plaisance-du-Touch (Haute-Garonne)
Notre structure vétérinaire a eu l’opportunité de s’équiper en colonne vidéo cœlioscopique 3D (Tipcam, société Storz) depuis quatre ans. Nous étions les premiers en Europe à cette époque. L’acquisition d’images de très haute qualité nécessite en parallèle une meilleure stabilisation de l’image. Nous avons donc complété cet équipement par un bras articulé statique puis dynamique (deux systèmes différents Free Hand, société FreeHand Surgeon Robotic, et Viky, société Endocontrol Medical), ce qui permet une navigation visuelle dans le corps du patient sur ordre du chirurgien. Enfin, pour joindre une meilleure précision à nos gestes chirurgicaux, nous nous sommes équipés du porte-aiguille de la société Flex Dex Surgical, pour la réalisation de sutures complexes dans un espace confiné. L’utilisation combinée de ces trois équipements permet de se rapprocher de la chirurgie robotique, mais à moindre coût. Nous vous exposons ici l’expérience que nous avons de l’utilisation combinée de ces équipements.
Définition
La robotique collaborative ou cobotique repose sur l’utilisation de robot pour aider l’homme à réaliser certaines tâches. La chirurgie robotique collaborative en laparoscopie consiste donc à utiliser un bras robotisé pour aider le chirurgien. Ce bras va guider le laparoscope en obéissant soit aux mouvements de la tête (robot Free Hand), soit par commande vocale ou podale (robot Viky). Le chirurgien pourra alors réaliser ses gestes sur un champ opératoire qu’il aura choisi sans assistance, il tiendra cependant en mains propres ses instruments de chirurgie. La chirurgie cobotique est différente de la chirurgie robotique pure. Dans ce cas, le chirurgien travaille à distance du patient et ses instruments sont guidés par commandes robotisées, sorte de joysticks que le chirurgien prend en main. Il a ainsi été possible avec le robot Da Vinci d’opérer des patients localisés en France par un chirurgien situé aux États-Unis au début des années 2000.
Présentation du matériel
La colonne vidéo 3D
Le principe de la 3D consiste en l’acquisition de deux images sous deux incidences différentes saisies par deux lentilles au bout du laparoscope. Les deux images capturées sont alors traitées informatiquement et projetées sous une forme polarisée sur un écran. Le chirurgien portant des lunettes polarisantes va alors percevoir une image polarisée avec son œil gauche, saisie par la lentille gauche, et une image différemment polarisée avec son œil droit, saisie par la lentille droite. Le chirurgien percevra donc une image en trois dimensions avec une notion de profondeur de champ. Le principe est exactement le même qu’au cinéma. L’acquisition d’image 3D en laparoscopie versus 2D permet de diminuer par deux la courbe d’apprentissage de cette technique chirurgicale grâce à une meilleure appréhension de profondeur de champ. Cette appréhension de l’espace permet en outre de diminuer de 30 % les durées d’intervention chirurgicale1.
Le porte-aiguille Flex Dex
C’est un porte-aiguille dont la particularité est que son extrémité peut se mouvoir dans tous les plans de l’espace. Un mécanisme de balancier est relié au poignet du chirurgien par un bracelet, qui permet de faire tourner l’embout du porte-aiguille à 360° et de l’incliner dans toutes les directions. La préhension de l’aiguille de suture est alors aisée pour réaliser nœuds et sutures beaucoup plus facilement qu’avec un porte-aiguille classique.
Le robot Viky
Le robot Viky est un bras robotisé qui obéit à une commande vocale ou podale en fonction de sa configuration en début de chirurgie. La commande vocale se programme par reconnaissance informatique connectée à l’appareil. Il existe trois tailles de bras robotisé (XL, X, XS), il se fixe par un bras d’acier articulé lui-même accroché à la table de chirurgie. La vitesse de déplacement du bras est réglable selon six niveaux. Le laparoscope se fixe dans une glissière qui peut se mouvoir dans une crémaillère circulaire à pratiquement 360° et dans une crémaillère linéaire qui permet à l’endoscope de reculer ou d’avancer et s’incliner sur un plan sagittal.
Six mouvements sont alors possibles sur les ordres vocaux suivants :
- « Viky I move in » : le scope avance dans le patient, le chirurgien se rapproche de son champ ;
- « Viky move back » : le scope sort du patient, le chirurgien s’éloigne de son champ ;
- « Viky move down » : le scope angule sur le plan sagittal en descendant, la vision du chirurgien se décale vers le bas ;
- « Viky move up » : le scope angule toujours sur le même plan en remontant le champ opératoire ;
- « Viky move right » : le scope se déplace sur la crémaillère circulaire à droite ;
- « Viky move left » : le scope se déplace vers la gauche.
De nombreux avantages découlent de l’utilisation de Viky :
- une image stable (ce qui est indispensable sur des images de très haute qualité) ;
- moins de personnel autour de la table de chirurgie ;
- un déplacement instantané et précis du laparoscope ;
- l’utilisation facile et intuitive de ce bras.
Un inconvénient cependant est l’encombrement de l’appareil sur un petit patient.
Nous n’exposerons pas les modalités de fonctionnement du Free Hand ici.
Utilisation du matériel dans notre structure
Nous réalisons régulièrement des ovariectomies de chiennes au sein de notre structure. Nous déployons seulement la colonne 3D pour ces chirurgies dont la durée est courte. Nous stabilisons notre colonne 3D sur un bras articulé statique ou Viky pour réaliser nos chirurgies ophtalmiques (entropion, glande de Harder), chirurgie du voile du palais. Il faut reconnaître que peu de chirurgies laparoscopiques sont éligibles à l’utilisation combinée de ces outils. L’utilisation de l’ensemble du matériel s’est donc faite en réalisant des exercices dans un pelvi trainer (cloche en fibre de verre opaque masquant la vision directe du chirurgien).
Les différents exercices effectués ont été la réalisation de nœuds autobloquants, de surjets simples, à points passés, de sutures anastomosantes, etc.
Grâce à ses outils, notre perception du champ d’exercice et la vitesse d’exécution de ces exercices sont devenues de plus en plus grandes. À titre d’exemple et de comparaison, un chirurgien spécialisé en cœlioscopie humaine réalise une suture urétéro-vésicale en vingt minutes sur simulateur au bout de deux semaines d’entraînement, ce que nous arrivons à égaler par des sutures de ballons de baudruche.
Perspectives en chirurgie vétérinaire
Pour l’instant, peu de chirurgies vétérinaires sont éligibles à la cœlioscopie cobotique et la première difficulté que nous rencontrons est la petite taille de nos patients. Un confrère en Grande-Bretagne utilise la cobotique sur des animaux de zoo. De plus, certaines chirurgies, comme les ovariectomies ou testicules ectopiques, ne sont pas assez longues pour déployer de tels moyens, bien que la 3D facilite grandement les opérations. Cependant, la chirurgie robotique commence à être étudiée par des chirurgiens vétérinaires hautement spécialisés2 et il faut souligner que, même si nous ne sommes qu’au début de l’utilisation de ces outils, le coût de tels instruments les rend inaccessibles en utilisation clinique (le prix d’un robot Da Vinci est de l’ordre de 2 millions d’euros). L’investissement nécessaire pour la cobotique est vingt fois moins important pour un résultat approximativement semblable. Reste à savoir si certaines chirurgies, telles les prostatectomies totales sur des chiens qui ont déjà été réalisées par des confrères en robotique (Jérôme Maire (L 89), praticien à Vandœuvre-lès-Nancy [Meurthe-et-Moselle]), pourront être réalisées aussi facilement en cobotique et à moindre coût. Et si d’autres chirurgies, comme les hernies périnéales, diaphragmatiques, oncologiques, etc. ne pourront pas être standardisées grâce à l’utilisation de tels outils.
Pour en savoir plus, Philippe Labbé a mis en ligne sur la page Facebook de sa clinique une démonstration du matériel : bit.ly/3SDuV5j.