Parasitologie
ANALYSE CANINE
Auteur(s) : Patrick BOURDEAU*
Des enquêtes épidémiologiques menées en France montrent que la maladie concerne aujourd’hui de nombreux territoires, bien au-delà de la zone historique du Sud-Ouest.
Angiostrongylus vasorum, encore appelé « French heartworm » ou « lungworm », est un strongle respiratoire parasite du cœur droit et des vaisseaux artériels pulmonaires. Il est adapté aux canidés mais peut également se développer chez d’autres groupes, comme des mustélidés. Si le renard roux en est clairement le réservoir sauvage majeur en Europe (on cite dans les enquêtes des prévalences de 50 % voire plus), le chien est un hôte domestique à la fois réceptif au parasite et très sensible aux effets de l’infestation. Le parasite est détecté dans tous les pays d’Europe (chez le chien et ou le renard). Il peut survivre plusieurs années (période patente) chez son hôte définitif, durant lesquelles, par l’intermédiaire des gastéropodes qui s’infestent sur ses matières fécales, il constitue une source potentiellement à l’origine de l’infestation d’autres chiens. À la différence d’autres espèces du genre Angiostrongylus, ce parasite n’est pas agent de zoonose.
En France, trois enquêtes nationales ont permis d’apporter des éléments de compréhension sur l’évolution de la maladie canine sur le territoire. Ces enquêtes étaient fondées sur un même principe de questionnaires envoyés à l’ensemble des établissements de soins vétérinaires (ESV), chacune explorant rétrospectivement la période précédente (respectivement dix, dix et cinq ans). Un grand nombre d’ESV ont contribué, soit 220 pour la première enquête (1999), 684 pour la deuxième (2008) et 620 pour la troisième (2017). Elles ont couvert chacune l’essentiel du territoire, avec un taux de participation avoisinant les 10 % des ESV pour les deux dernières, leur assurant ainsi une bonne représentativité.
Une distribution très large mais hétérogène
L’analyse des données de la dernière enquête montre que les cas sont diagnostiqués dans une grande partie du pays mais quatre grandes zones sont plus manifestement concernées. Le Sud-Ouest, qui représente l’ancienne zone « historique » de description et d’étude de la maladie, en particulier autour de la région toulousaine, le Pays basque et le sud de la Nouvelle-Aquitaine. Le Sud-Est avec la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et le sud de l’Auvergne – Rhône-Alpes. La moitié est des régions Bourgogne – Franche-Comté et Grand Est. Et l’Île-de-France, une partie de la Normandie et du sud du Centre-Val de Loire. À l’opposé, les données obtenues suggèrent que le parasite semble moins implanté dans une partie de l’Auvergne, le Centre, le Poitou-Charentes, la Picardie et le Val de Loire. Le cas de la Bretagne est un peu à part puisque, à l’opposé des enquêtes précédentes, le parasitisme n’y a pas été détecté, du moins par les ESV qui ont contribué à cette enquête.
Une extension probable
Dans la dernière enquête, l’angiostrongylose a été diagnostiquée dans 51 départements (23 et 49 au cours des deux enquêtes précédentes), et par 19,5 % clientèles ayant participé (11,8 % et 11,3 % dans les enquêtes précédentes). L’infestation est jugée autochtone dans 41 départements. Elle montre également la présence du parasite dans 19 nouveaux départements (aucun cas rapporté précédemment dans les enquêtes), comme le montre la figure 1 (couleur rose saumon sur la carte).
Dans 40 départements, aucun cas n’est mentionné. Néanmoins, pour 27 d’entre eux (soit 19 avec des cas dans les études antérieures et 8 sans aucun cas), il existe des zones d’empiètement des clientèles d’ESV de territoires limitrophes ayant décrit des cas. Il n’est donc pas impossible que certains de ces cas proviennent en fait de ces départements. La distribution d’une maladie parasitaire ne suit bien évidemment pas les contours administratifs. Dès lors, cela porterait potentiellement à 70 le nombre de départements ayant des zones où le risque d’infestation pourrait être présent.
La figure 2 indique les aires de recrutement des clientèles des ESV de l’étude, les zones couvertes par l’enquête et d’où peuvent provenir les cas (autochtones ou non). Elles ne couvrent pas totalement les départements correspondants. Cette cartographie est bien plus représentative de la répartition du parasite et du risque.
Une tendance à l’augmentation des cas diagnostiqués
Selon cette dernière enquête, 72,8 % des ESV considèrent la prévalence comme stable, 23,8 % indiquent une augmentation des cas tandis que seulement 3,3 % considèrent plutôt qu’elle diminue (respectivement de 55,4 %, 22,6 % et 22,6 % en 2008). Sur 49 départements, l’opinion globale dominante est une augmentation dans 19 d’entre eux, une stabilité dans 29 et une régression dans un seul.
Au cours de la dernière enquête, pour les 117 clientèles concernées, un total d’environ 450 cas ont été diagnostiqués, soit une moyenne de quatre cas par clientèle (le nombre de cas rapportés par département varie de 1 à 56). Dans huit départements, on trouve des ESV ayant identifié au moins deux nouveaux cas par an en moyenne. Sur le plan épidémiologique, il est intéressant de constater que la maladie a été associée à des effectifs de chenils dans 19 départements.
Une prévalence peut être estimée pour chaque ESV en prenant en compte le nombre de cas diagnostiqués par rapport à la taille numérique de sa clientèle. Comme cette dernière a été estimée sur des intervalles dans les questionnaires, il en découle des calculs de prévalence minimale et maximale, la prévalence réelle se situant raisonnablement entre ces deux bornes (valeur moyenne). Ces valeurs peuvent être ensuite rapportées au département puis au plan national. Au cours la dernière enquête, les prévalences minimales par département ont été estimées entre 0,025 ‰ et 1,83 ‰. Des prévalences moyennes élevées (proches de 1 ‰ et au-delà) concernent l’Ardèche, la Drôme, l’Isère, les Pyrénées-Atlantiques et les Vosges.
Pour l’ensemble de la population canine médicalisée, la prévalence moyenne à l’échelon national de l’angiostrongylose détectée chez le chien est d’environ de 0,26 ‰, mais elle passe à 0,49 ‰ si on ne considère que les 51 départements avec des cas diagnostiqués. À titre de comparaison, au cours de la précédente enquête, la prévalence moyenne n’était que de 0,02 ‰ (mais sur une période double car couvrant dix années). Ces chiffres suggèrent donc clairement une augmentation du nombre de cas diagnostiqués avec les années.
Toutefois, il ne faut pas trop hâtivement conclure à l’ampleur de la dynamique du parasite en France. En effet, il convient de ne pas sous-estimer l’amélioration des outils diagnostiques disponibles et la sensibilisation de la profession (en 2008, 74 % des ESV indiquaient mal connaître cette maladie et 41 % ne savaient rien sur son mode de transmission). Cette situation a changé et conduit sans doute à diagnostiquer aujourd’hui des cas qui ne l’auraient peut-être pas été avant. La meilleure connaissance de la distribution permet d’attirer l’attention sur les régions dans lesquelles son diagnostic différentiel avec d’autres affections cardio-respiratoires canines est plus particulièrement important et notamment là où la prévention est réellement justifiée.