Hackavet, ou quand la jeune génération hacke le monde vétérinaire de demain - La Semaine Vétérinaire n° 1983 du 31/03/2023
La Semaine Vétérinaire n° 1983 du 31/03/2023

Réflexion sur l’avenir

ANALYSE GENERALE

Auteur(s) : Par Amandine Violé

Un événement inédit et innovant a eu lieu sur le campus de l’école d’Alfort. Une centaine d’étudiants et de vétérinaires « mentors » ont échangé en équipes, le temps d’un week-end, pour apporter des solutions aux enjeux d’avenir de la profession.

C’est un projet un peu fou. Un de ceux qui marquent par son concept novateur et qui pourrait bien bousculer le microcosme vétérinaire pour les années à venir. Un défi de taille que se sont lancé six copains, quatre Alforiens, étudiants en cinquième année, rejoints par une business analyste en affaires européennes et innovation et un matelot de la Marine nationale. Leur idée ? Organiser le premier hackathon du monde vétérinaire !Cette manifestation s’est tenue durant le week-end du 10 au 12 mars dernier sur le site de l’École nationale vétérinaire d’Alfort (ENVA, Val-de-Marne). Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il fallait en être tant l’engouement suscité fut inattendu ! Retour sur ce hackathon qui ouvre des perspectives emplies d’espoir et d’innovation pour le futur de la profession.

Une jeune génération consciente des défis à relever

« Vétérinaire, le grand malaise d’un métier qui fait rêver », ainsi intitule France Inter son émission Interception du 15 janvier dernier1. Une radio nationale en parle. Un sujet d’actualité ? Évidemment. Un constat qui n’est toutefois pas nouveau. La réalité inquiète et les vétérinaires se questionnent : bien-être au travail, désaveu du métier, conditions d’exercice, écoresponsabilité, etc. Comment faire face à ces problématiques dont les enjeux dessineront le paysage vétérinaire de demain ? Ces questionnements, Maxime Lachérade et Louis Petton, cofondateurs d’Hackavet et étudiants à l’ENVA, les connaissent bien. Ils en sont conscients, tout comme les jeunes générations qui les précèdent et les suivent. Mais pas question de se laisser envahir par la morosité ambiante ! Ils veulent agir et, surtout, faire bouger les lignes collectivement. Dès janvier 2022, leur idée germe. Et s’ils organisaient une compétition d’idées dont les étudiants vétérinaires et auxiliaires spécialisés vétérinaires (ASV) seraient les principaux acteurs ? Elle prendra la forme d’un hackathon, concept populaire tout droit sorti des start-up de la Silicon Valley dans les années 1990.

Un hackathon spécifique aux vétérinaires

Hackavet est né. Le projet devient une association loi 1901, portée par ses six équipiers : Maxime Lachérade et Louis Petton, cofondateurs, Marianne Kordes, business manager, Christèle Delattre, event planner, Pauline Lachérade, business developer, et Jules Petton, trésorier. Pétris d’audace et d’une grande maturité, les voilà dans les starting-blocks ! Plus que tout, ils tiennent à leur indépendance mais veulent s’assurer du soutien des institutions phares du milieu. L’Ordre des vétérinaires, le Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral et les instances décisionnaires des différentes écoles vétérinaires se laissent convaincre. Ils assureront un rôle consultatif en plus de renforcer la légitimité de l’événement. Vient ensuite la question du financement. Pour eux, aucun doute, le week-end se doit d’être gratuit pour l’ensemble des étudiants. Un moyen ingénieux de susciter une forte adhésion. Et pour que le hackathon soit encore plus incitatif, ils imaginent une récompense, de 5 000 euros, pour chacune des trois équipes gagnantes. Un coup de pouce en or pour lancer ces entrepreneurs en herbe. Les partenaires suivent, le « marathon d’idées » se précise.

Des équipes constituées d’étudiants et mentors

Hackavet recrute. Par les réseaux sociaux et leur site internet, les équipiers relaient un questionnaire d’inscription, extrêmement détaillé. Car ils veulent coller au plus près des attentes des futurs participants : ce hackathon sera leur terrain d’expression. Alors ils sondent, interrogent, vont même jusqu’à préciser chacun de leurs profils MBTI2 en vue d’apparier au mieux les équipes. « On ne s’attendait pas à un tel emballement ! Tant d’étudiants se sont inscrits, certains étudiants même de Roumanie ! » raconte Marianne Kordes (voir encadré). Ils seront une centaine à être sélectionnés, étudiants vétérinaires et ASV confondus, de plus de dix écoles de France et d’ailleurs. Mais pour que ce hackathon s’inscrive le plus justement dans l’avenir de la profession, ils vont devoir être accompagnés, bénéficier de l’expérience fertile de ceux qui agissent sur le terrain, au quotidien. Alors de la même manière, grâce à un formulaire d’inscription, Hackavet démarche ses mentors. Une cinquantaine répondra présent, résolus à faire partie de ce premier incubateur participatif intergénérationnel. À l’issue d’une année de travail, le projet prend sa forme définitive.

Un succès inespéré

Ceux qui y étaient pourront témoigner, le succès fut au rendez-vous. Au-delà même des espérances les plus folles ! « Le premier soir, nous avions organisé un pot de bienvenue mais, une fois les équipes créées, l’excitation était telle qu’ils se sont immédiatement mis à échanger ! », témoigne Marianne Kordes. Rebelote le samedi soir, lors de la soirée confraternelle. « C’est bien la première fois qu’on ne voyait pas de vétos à une soirée ! Effrénés, ils ont travaillé jusqu’à plus de minuit sur leurs différentes propositions ! » Il faut dire que les jeunes organisateurs avaient tout planifié dans les moindres détails. Puis, la minuterie enclenchée, chaque minute était comptée. « Nous souhaitions piloter les équipes tout au long du week-end et leur fournir des outils technologiques pour œuvrer le plus efficacement possible. » Plateforme de collaboration visuelle (Miro), espace de travail central (Notion), challenges, points mentors, l’organisation étonne tant elle est digne des start-up les plus productives. « Jamais je n’aurais imaginé un tel degré de professionnalisme », témoigne l’un des mentors.

Les résultats bientôt dévoilés

Dimanche, 14 heures : les six finalistes sont annoncés. Cinq minutes de présentation, cinq minutes de questions. Ils ont une heure pour s’entraîner, encadrés par Pauline Lachérade, promulguée coach d’un jour, forte d’un savoir-faire acquis à l’Institut de traducteurs, d’interprètes et de relations internationales et Sciences-Po3 à Strasbourg (Bas-Rhin). Pour les équipes restantes, pas de déception ! Hackavet a, là encore, prévu le coup : un quiz organisé par l’association Écovéto ainsi qu’une conférence axée sur l’intelligence émotionnelle au travail leur sont proposés. De quoi continuer à faire bouillonner des esprits préalablement galvanisés !

Quant à la sélection des équipes gagnantes, malgré un live sur Twitch initialement prévu pour dévoiler les vainqueurs, les organisateurs décident finalement de faire marche arrière. « À l’issue du marathon, nous avons réalisé que chaque équipe était maintenant propriétaire de sa création et devait, de fait, pouvoir la sécuriser avant sa mise en circulation. » Jusqu’au bout, la réflexion sera intelligemment menée. Les lauréats seront dévoilés sous peu.  « Pour le moment, on essaie de redescendre de toute cette effervescence », confie Marianne. Déjà, les retours enjoués fleurissent, les commentaires se déchaînent sur LinkedIn, les sponsors se pressent pour une deuxième édition. L’enthousiasme n’est pas près de retomber. Marthe Dargelos, étudiante en cinquième année à l’ENVA et membre de l’équipe gagnante du prix Relationnel, affirme « attendre la prochaine édition avec impatience » et témoigne d’une « expérience extrêmement enrichissante, aussi bien sur le plan spirituel qu’humain ! ». Même son de cloche du côté des mentors. « Il y aura un avant et un après Hackavet, partage Sylvain Ranson, associé chez Emergence, les urgences vétérinaires. J’ai encore du mal à atterrir après ces trois jours intenses de partage, d’émotions et d’amitié. [] J’étais mentor et c’est moi qui repars chamboulé mais rempli d’une confiance absolue dans notre profession – preuve de la puissance du mentorat et de ses bénéfices réciproques ! » « Il existe encore dans notre profession des gens et des événements qui sont en capacité de donner, témoigne Servane Leaignel, fondatrice de VetoAvenue. Donner de l’émotion. Donner de l’innovation. Donner de la connaissance. Donner simplement la chance de vivre des rapports humains simples et constructifs basés sur le respect et l’écoute, ce qui leur a permis de coconstruire des solutions complètement disruptives ! Des projets qui vont nous faire bouger ! »

La recette d’Hackavet

Les ingrédients de cette recette détonante :

- 1 week-end.

- Une centaine d’étudiants vétérinaires et d’auxiliaires spécialisés vétérinaires de multiples horizons (Alfort, Nantes, Lyon, UniLaSalle, écoles vétérinaires de Belgique et de Roumanie) rassemblés puis appariés en groupes d’étude et de réflexion.

- Plus de 50 mentors pour les encadrer, professionnels du milieu vétérinaire aux domaines d’expertise variés (marketing, communication, énergie, entreprenariat, etc.).

- 3 thématiques d’actualité : technologie, relations humaines, écologie.

- 48 heures intenses de brainstorming pour faire éclore des solutions novatrices et améliorer l’exercice du métier, au cœur des thématiques données.

- 1 jury et 3 projets gagnants.

  • 1. Voir La Semaine Vétérinaire n° 1978 du 24 février 2023, pages 36-41
  • 2. Outil d’évaluation psychologique permettant de définir le type psychologique d’un sujet parmi 16 types de personnalité différents.
  • 3. Cursus franco-allemand en management de clusters et d’expériences entreprenariales menées en Europe depuis.