Santé publique
PHARMACIE
Auteur(s) : Michaella Igoho-Moradel
L’Agence américaine des médicaments signale un « problème de santé publique grandissant » concernant la xylazine, substance utilisée en médecine vétérinaire, dont l’usage est détourné. Des effets néfastes pour l’être humain sont constatés lorsque ce médicament est pris en combinaison avec d’autres drogues.
Alerte sur la xylazine ! Cette substance utilisée en médecine vétérinaire en tant que sédatif ou préanesthésique est détournée de son usage et ses effets sont dévastateurs chez l’être humain. Aux États-Unis, le phénomène inquiète les autorités sanitaires, comme la Food and Drug Administration (FDA, l’Agence américaine des médicaments) qui dénombre de nombreux décès. « La xylazine chimique est de plus en plus trouvée dans les drogues illicites, telles que le fentanyl fabriqué illicitement et d’autres drogues, et de plus en plus détectée dans les décès par overdose », signale l’agence américaine*. Face à cette situation préoccupante, l’autorité prend des mesures pour restreindre son importation illégale tout en maintenant la disponibilité de ces produits pour un usage vétérinaire.
Des effets dévastateurs
Surnommée « drogue du zombie », la xylazine a des conséquences dévastatrices chez l’être humain. Selon la FDA, l’utilisation détournée de cette substance expose à des risques d’ulcérations cutanées nécrotiques graves dues à une exposition répétée à la xylazine. Son injection entraîne un ralentissement de la respiration, de la tension artérielle, du rythme cardiaque et de la température corporelle à des niveaux critiques. « Les personnes qui s’injectent des drogues contenant de la xylazine peuvent développer de graves plaies cutanées et des plaques de tissus morts et en décomposition qui s’infectent facilement et, si elles ne sont pas traitées, peuvent entraîner une amputation. Ces plaies peuvent se développer dans des zones du corps éloignées du site d’injection et devenir mortelles », explique la FDA. Cette substance peut donc provoquer des effets secondaires graves et potentiellement mortels qui semblent être similaires à ceux couramment associés à l’utilisation d’opioïdes, « ce qui rend difficile la distinction entre les overdoses liées à ces produits et l’exposition à la xylazine ».
Des contrôles à l’importation
Cependant, la FDA ignore si les effets secondaires de l’exposition à la xylazine peuvent être inversés par la naloxone. « Nous ne savons pas si les agents d’inversion régulièrement utilisés en médecine vétérinaire (par exemple, le chlorhydrate de yohimbine ou le chlorhydrate de tolazoline) sont sûrs ou efficaces chez l’homme. » De même, l’agence investigue afin de savoir si la xylazine utilisée est produite illicitement (non approuvée) ou détournée de l’approvisionnement en médicaments vétérinaires. Face à la recrudescence des trafics autour de cette molécule bon marché, la FDA a pris des mesures afin de garantir que les importations sur le territoire américain de médicaments contenant de la xylazine sont effectivement destinées à l’approvisionnement vétérinaire, y compris les principes actifs en cours de production par une usine approuvée par la FDA et le produit fini. Les contrôles effectués permettent de s’assurer que les médicaments sont « correctement étiquetés, non altérés et pour un usage vétérinaire autorisé ». Après un examen approfondi, l’agence peut décider d’arrêter l’envoi si le produit semble être illicite. Dans le même temps, l’agence se coordonne avec les acteurs de la santé animale pour s’assurer que les médicaments contenant de la xylazine sont disponibles pour les vétérinaires.
La France épargnée
Qu’en est-il dans l’Hexagone ? L’Observatoire français des drogues et des tendances addictives indique ne pas disposer de données sur la xylazine en particulier. Ce sont davantage les mésusages1 d’opiacés qui inquiètent les autorités sanitaires. Entre 2006 et 2017, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a observé2 une forte augmentation de la prescription d’opioïdes forts et du mésusage, ainsi que des intoxications et des décès liés à l’utilisation des antalgiques opioïdes, qu’ils soient faibles (par exemple le tramadol, la codéine et la poudre d’opium) ou forts (par exemple la morphine, l’oxycodone et le fentanyl). Cependant, la situation n’est pas comparable avec celle observée aux États-Unis et au Canada.
1. Opioïdes : usages et mésusages en France et au Québec – État des lieux 14 décembre 2022 : bit.ly/3lCurA4.
2. Antalgiques opioïdes : l’ANSM publie un état des lieux de la consommation en France : bit.ly/3K0iVb7.