Nutrition
FORMATION MIXTE
Auteur(s) : Victoria Auffray Cet article est le deuxième1 d’une série de trois articles sur la nutrition des abeilles. Le prochain article s’intéressera aux outils disponibles pour pallier le manque de nutriments.
Les changements du paysage de la main de l’Homme associés au réchauffement climatique modifient l’échelle de temps sur laquelle les espèces végétales sont disponibles pour les abeilles, mais aussi leur nature. Les abeilles trouvent ainsi moins de diversité florale et sur une période restreinte.
Ces changements sont à l’origine d’un stress alimentaire pour les abeilles. Ce stress affecte directement la santé et la productivité d’une colonie, mais aussi la santé et la physiologie de ses individus. On peut distinguer deux catégories de stress alimentaire, associées ou non : la sous-nutrition (manque de nourriture) et la malnutrition (nourriture de qualité insuffisante).
Des conséquences sur les individus
La physionomie des abeilles est directement modifiée par un stress alimentaire. Les abeilles ouvrières sont de plus petite taille, les ailes et la longueur de leur corps sont réduites. Elles ont moins de réserves corporelles et donc une durée de vite plus courte.
Leurs glandes hypopharyngiennes, qui servent à nourrir le couvain et à la fabrication du miel, sont plus petites, et leurs sécrétions de moins bonne qualité. Cela entraîne un défaut de nourrissage de la reine et du couvain, pouvant engendrer un défaut de ponte et de la mortalité larvaire.
Le stress alimentaire infligé au couvain se traduit par des abeilles adultes avec des déficiences comportementales. De moins bonnes capacités cognitives altèrent leur navigation et leur butinage. La qualité de la danse des abeilles, indispensable pour communiquer sur la localisation des ressources, est également affectée. L’harmonie entre les individus est moins bonne : on observe plus d’impulsivité et d’agressivité entre les abeilles.
Les abeilles ont aussi moins d’énergie pour effectuer les tâches indispensables à la survie de la colonie. Les voyages de butinage nécessitent jusqu’à 30 % de temps supplémentaire, leur temps de repos est aussi allongé. La décision de collecte des butineuses se base sur leur besoin individuel, les orientant vers la collecte de nectar, moins énergivore que celle de pollen.
Des conséquences sur le couvain
Par manque de nectar et donc d’énergie, les soins au couvain sont négligés. En cas de manque avéré de pollen et donc de protéines, les nourrices peuvent aller jusqu’à sacrifier les jeunes larves et les œufs, et les utiliser pour nourrir les larves plus âgées ou les ouvrières. Les larves mâles sont les premières sacrifiées.
La mort des larves mâles, pouvant être associée à l’éjection des mâles adultes, menace la reproduction de la colonie. Les mâles survivants présentent un volume d’éjaculat inférieur à la normale, et des capacités de vol moins bonnes. À la suite de son vol d’accouplement, la spermathèque de la reine n’est pas optimale, et sa ponte moins régulière voire inexistante. Il n’y aura donc pas ou peu d’ouvrières à naître pour prendre soin de la reine et de la ruche.
Les infections sont favorisées par une baisse de l’expression d’enzymes de l’immunité associée au manque de nettoyage dans la ruche. Comme la fréquence du partage de nourriture par trophallaxie augmente, les maladies se transmettent plus rapidement.
Des conséquences sur la colonie
Les nombreuses répercussions de la malnutrition ou sous-nutrition des individus enclenchent un cercle vicieux mettant rapidement en péril la survie des générations futures et par conséquent de la colonie. Cela entraîne une consommation des réserves, en premier lieu du pollen puis du miel. Le stock ne peut être remplacé en raison de l’insuffisance de butineuses et de la baisse d’énergie de ces dernières. La colonie meurt de faim.
L’aspect de la ruche est caractéristique. Les cadres sont vides de pollen et de miel, on trouve des abeilles mortes sur le plancher de la ruche, et certaines abeilles meurent de faim la tête orientée dans les alvéoles en quête désespérée de nourriture.
Pour éviter ces conséquences désastreuses et la mort de son cheptel, il apparaît indispensable de surveiller régulièrement les stocks de ses ruches et ses individus. Cela permet d’intervenir rapidement en cas de nutrition inadaptée par manque de ressources ou qualité insuffisante de celles-ci.