Gériatrie canine, accompagnement des clients et neurodiversité au programme de la BSAVA - La Semaine Vétérinaire n° 1984 du 07/04/2023
La Semaine Vétérinaire n° 1984 du 07/04/2023

Congrès

ANALYSE CANINE

Auteur(s) : Par Anne-Claire Gagnon

Médecine gériatrique, neurodiversité vétérinaire, bien-être des patients et des soignants, urolithiases étaient quelques-uns des thèmes abordés au congrès de la British Small Animal Veterinary Association.

La résilience des organisations vétérinaires britanniques n’est pas la moindre de leurs vertus. Malgré l’absence d’acteurs incontournables de l’industrie pharmaceutique vétérinaire (dont les stands à Birmingham [Royaume-Uni], lieu des précedentes éditions,  étaient souvent de véritables monuments architecturaux), le congrès de la British Small Animal Veterinary Association (Bsava) a réuni, du 23 au 25 mars 2023 à Manchester, plus de 3 800 congressistes et 70 conférenciers pour aborder 33 sujets. Pour ce nouveau lieu, un hall de gare de 1880 a été entièrement réhabilité en centre de congrès moderne. Vétérinaires et infirmières vétérinaires ont toutes et tous accès à l’ensemble des conférences, sans distinction de diplôme. Les conférences à horaires décalés et des pauses ont régulé le flux des congressistes dans les stands, ce qui a permis d’avoir de vrais échanges. Le plus grand succès du congrès depuis deux ans est l’organisation en trois villages attenant à l’exposition commerciale (l’isolation phonique était un confort appréciable) : celui du bien-être, celui des pratiques et un théâtre. Au détour des stands, la sobriété était de mise, avec la disparition des nombreux cadeaux et objets promotionnels – le Brexit et le Covid ayant fait leur œuvre –, sans pour autant atteindre l’essence même du congrès, toujours à la pointe de l’innovation et des sujets : neurodiversité, fin de vie, prise en charge des animaux âgés, savoir gérer ses salariés et ses finances, améliorer son autocompassion, prendre en charge le chat dyspnéique, les urolithiases hautes et basses… La formule A day in the life… of drama conviait le théâtre pour des présentations plus magistrales – des comédiens jouaient des situations vécues par les propriétaires d’animaux et les vétérinaires – sur des sujets pour lesquels la psychologie et le sens de la communication sont aussi importants que les compétences médicales, notamment lors de la prise en charge de l’obésité ou des soins de fin de vie.

Accompagner les propriétaires de chiens âgés

La Bsava PetSavers est une fondation unique en son genre qui, depuis cinquante ans, finance des projets de recherche médicale pour améliorer la santé des animaux de compagnie (sans avoir recours à l’expérimentation animale). Cette fondation est uniquement soutenue par des dons et les legs. Elle a lancé cette année la check-list du chien âgé, basée sur des travaux menés à l’université de Liverpool, en collaboration avec des propriétaires de chiens et des praticiens vétérinaires. Ce document1, destiné aux propriétaires de chiens de plus de 6 ans, présente au fil de ses 40 pages les points à surveiller, tous clairement expliqués : les changements de mobilité, les affections dentaires, les changements de poids, de comportement (notamment la confusion), les fonctions de toilettage et d’abreuvement, la survenue de masses et d’autres signes de maladie. L’importance de l’évaluation de la qualité de vie est expliquée, donnant quelques points clés à surveiller et renvoyant vers le vétérinaire traitant pour une évaluation complète, et en abordant la délicate question de la fin de vie. Le cahier se termine par six grilles préimprimées (avec une notation simple vert, orange, rouge) permettant aux propriétaires de vérifier tous les items, cette démarche étant recommandée deux fois par an. 

Utiliser une grille d’évaluation pour cheminer vers l’euthanasie

La décision d’euthanasie est souvent un long cheminement du propriétaire, qui a besoin d’être aidé pour comprendre le niveau de qualité de vie de son animal. Kelly Eyre (infirmière vétérinaire qui exerce dans un service consacré au chat âgé à l’université de Liverpool, Royaume-Uni) a passé en revue l’ensemble des outils validés dont nous disposons (respectivement 32 pour les chats et 52 pour les chiens, validés pour moins de 30 %), avec une nette préférence pour la grille Vetmetrica2. Encourager le propriétaire dans une démarche d’évaluation régulière permet de le préparer, et donc d’anticiper le deuil. La disponibilité de l’équipe lors de la prise de décision puis de la réalisation de l’euthanasie doit être irréprochable, notamment pour répondre à toutes les questions et préciser toutes les étapes. La supervision pour les clients et les équipes vétérinaires est recommandée.

Faire de sa sonde échographique un stéthoscope visuel

La popularité des sujets se traduit toujours par une salle comble, comme ce fut le cas le 23 mars dès la première heure du congrès, rassemblant toutes celles et tous ceux voulant sauver plus de chats arrivés à bout de souffle. Avec le chat dyspnéique, le moindre geste brutal, pendant le transport jusqu’à la clinique ou lors de l’examen, peut le faire décompenser dramatiquement. Toute mise en position latérale peut lui être fatale, donc c’est l’équipe et le matériel d’imagerie qui viennent au chevet du chat dyspnéique, qui reste dans la position (souvent sternale, parfois assise) qui lui est la moins inconfortable. Kieran Borgeat (spécialiste en cardiologie, praticien à Langford Vets, Royaume-Uni) a été radical : ne jamais faire de radiographie avant la stabilisation complète du patient félin. Celle-ci s’effectue en position sternale avec de l’oxygène. Toute hypoxémie objectivée (SpO2 < 93 %, PaO2 < 70 mmHg) ou probable sera prise en charge avec un flexible, une cage à oxygène (grande de préférence). En auscultant au bon endroit (entre le 7e et le 9e espace intercostal), puis en réalisant son T-Fast avec le stéthoscope visuel qu’est devenue la sonde d’échographie, le clinicien pourra orienter son diagnostic et effectuer directement une thoracocentèse si nécessaire. S’il soupçonne une défaillance cardiaque, l’injection (en aveugle) de furosémide peut être salutaire sans dépasser la dose de 12 à 15 mg/kg/j.

Après le cat friendly, le dog friendly

Plus de quinze ans après le cat friendly, l’association caritative Dog Trust, lance, en collaboration avec la British Veterinary Behaviour Association (Association britannique des vétérinaires comportementalistes, BVBA) le programme dog friendly. Rachel Casey, professeur à Bristol et membre du bureau de Dog Trust (association de protection animale), a précisé que le programme a été préalablement testé auprès de cliniques pilotes pour le valider avant la généralisation à tout le Royaume-Uni. Actuellement, 12 cliniques ont reçu leur certificat et mettent en pratique les enseignements ; 58 autres se sont inscrites. À terme, l’ambition est que tous les vétérinaires britanniques soient dog friendly a indiqué Chris Lawrence, membre de la BVBA.

La Grande-Bretagne a la particularité d’avoir une pratique et culture des puppy schools dans les cliniques, réalisées par les infirmières, auxquelles la profession vétérinaire a délégué de nombreux actes, notamment précliniques (comme les assistants des ophtalmologues en France). Avant le Covid, les chiots avaient l’habitude de venir dans des circonstances joyeuses et non médicales chez les vétérinaires, pour parfaire leur éducation (et celle de leurs maîtres). Le Covid a généré non seulement une demande pour des propriétaires sans expérience mais aussi une véritable épidémie d’anxiété, de socialisation défaillante, de peur chez des chiots privés de rencontres, de balades… Avec le dog friendly, l’ensemble de l’équipe vétérinaire se forme au comportement du chien pour reconnaître les signes avant-coureurs d’agression potentielle et aux bonnes pratiques de manipulation (très similaires à celles des chats), les mauvaises manipulations pouvant être à l’origine d’accidents pour l’équipe, le propriétaire et créer de mauvais souvenirs pour le chien. Selon la façon dont il est manipulé et accueilli, le chiot puis le chien adulte qu’il deviendra va apprendre à aimer (ou à détester) la structure vétérinaire. Le dog friendly est donc un programme gagnant pour tous. Sur le site internet du programme3, l’équipe vétérinaire comme les propriétaires retrouvent les bons conseils à mettre en pratique. L’inscription annuelle au programme coûte 35 livres sterling pour un vétérinaire individuel et 150 livres sterling pour une clinique de dix employés.

  • 1. Ageing Canine Toolkit. Bsava PetSavers Act : bit.ly/42Y4XhD.
  • 2. Davies V., Reid J., Marian Scott E. Optimisation of scores generated by an online feline health–related quality of life (HRQL) instrument to assist the veterinary user interpret Its results. Sec Anim Behav Welfare. 2020;7. bit.ly/40XemUD.
  • 3. Dog Friendly Vet Clinics : bit.ly/3GgsP6t.