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ANALYSE MIXTE
Dans une publication du 16 janvier 2023, Pauline Martin (Institut national de la recherche agronomique et de l’environnement) a présenté de nouvelles données révélant l’intérêt d’une technique de dosage des cytokines chez les bovins pour prédire la résistance ou la sensibilité à certaines maladies.
« La période néonatale est critique pour la santé des veaux car, suivant la race, entre 10 % et 20 % des veaux n’atteignent pas l’âge de 6 mois », a indiqué Pauline Martin le 16 janvier 2023 dans un communiqué1 de l’unité mixte technologique (UMT) eBIS, pilotée conjointement par l’Institut national de la recherche agronomique et de l’environnement, l’Institut de l’élevage (département génétique et gestion des populations animales) et Allice (fédération nationale de sélection et de reproduction animale) pour développer des approches et des outils pour une sélection génomique des bovins adaptée à la diversité des populations et des caractères, et pour une gestion optimale du patrimoine génétique. Ainsi, comme l’indique Pauline Martin, la santé des veaux est un enjeu majeur pour l’élevage car, pour faire face aux agents pathogènes de leur environnement (responsables de diarrhées – coronavirus, rotavirus, Cryptosporidium parvum, Escherichia coli [K99, CS31A]) et d’affections respiratoires (coronavirus, Histophilus somni, Mycobacterium bovis, Mannheimia haemolytica, Pasteurella multocida, PI3, VRS), les jeunes veaux ne disposent que d’une immunité innée (précoce et aspécifique).
Une technique nouvelle de dosage des protéines de l’immunité
Or, récemment, une nouvelle méthode de dosage in vitro des protéines solubles, telles les protéines de l’immunité innée (cytokines), a été développée2. Chez les bovins, cette technologie multiplex (Luminex dosage 15-plex), qui peut doser jusqu’à 100 analytes (cytokines) différents dans un seul et même échantillon sanguin, permet également l’établissement de profils de sécrétion des cytokines pour une description plus précise des conditions liées aux maladies infectieuses ou à la vaccination. De plus, comme le note la chercheuse, une étude2 évaluant, indépendamment du fabricant, le test multiplex de cytokines/chimiokines bovines pour les limites de détection, le taux de récupération et la reproductibilité a révélé que le profil des 15 cytokines analysées est différent en cas d’infections à Escherichia coli, à Staphylococcus aureus ou à Streptococcus uberis, et que l’interféron gamma (IFN-γ), l’interleukine 1 bêta (IL-1β) et la nécrose tumorale alpha (TNF-α) contribuent le plus à différencier ces conditions. Le lipopolysaccharide (LPS) et E. coli ont ainsi induit des réponses biologiques qui se chevauchent largement, mais S. aureus et S. uberis étaient associés à des profils de cytokines distincts de ceux de leurs ligands toll-like receptors (TLR) respectifs.
Un projet de sélection génétique des veaux
C’est pourquoi, dans le cadre du projet collaboratif (chercheurs, vétérinaires, Groupement de défense sanitaire Bretagne, des généticiens de l’UMT eBIS et de l’unité expérimentale du Pin) HealthyCalf 3, mis en place entre 2017 et 2020, une équipe de chercheurs a tenté de développer une méthode de phénotypage de la réponse immunitaire innée des veaux basée sur ces tests sanguins. Selon Pauline Martin, l’objectif était d’améliorer la robustesse des veaux en écartant, par sélection génétique, les plus sensibles à un large spectre d’agents pathogènes. Le dispositif expérimental consistait à réaliser une prise de sang pour rechercher la présence de 15 types de cytokines dans le sang sur 623 veaux Holstein âgés de 1 à 2 semaines. Le sang était réparti dans quatre tubes, dont trois contenaient des molécules mimant la présence d’un pathogène afin de stimuler la réponse immunitaire (LPS, composant majeur de la membrane externe des bactéries Gram négatives), NOD2L (ligand de NOD2, un récepteur de l’hôte impliqué dans la reconnaissance du peptidoglycane de la paroi bactérienne) et R848 (pour Resiquimod, un ligand synthétique mimant les ARN simple brin de certains virus) et le quatrième tube était le témoin. Après vingt-quatre heures d’incubation, les concentrations des 15 cytokines pouvaient être dosées via le kit multiplex (Milliplex).
Des recherches à poursuivre
Par ailleurs, « les analyses ont montré, à partir du génotype des 573 veaux, que 40 régions du génome sont associées à ces caractères, plus de la moitié de ces régions sont associées à au moins deux caractères et quatre à au moins cinq cytokines différentes dont une à neuf cytokines différentes », précise Pauline Martin. Selon elle, ces premiers travaux, qui ont permis notamment de dégager de grands principes quant à la variabilité du phénotype entre individus, devront se poursuivre par une confrontation des profils cytokiniques des individus avec leur statut clinique afin de déterminer si certains éléments du profil cytokinique pourraient servir de prédicteurs de la résistance ou sensibilité aux maladies chez le jeune veau. « Ces premiers résultats prometteurs pourraient donc représenter à terme une opportunité d’améliorer la santé des veaux en les appliquant à la sélection », conclut-elle.