Argent
ENTREPRISE
Auteur(s) : Par Françoise Sigot
Dans un contexte économique tendu, les négociations salariales prennent une nouvelle tournure cette année. Candidats et salariés affûtent leurs prétentions alors que les employeurs doivent composer avec de nouvelles contraintes.
Comme tous les ans, les négociations de salaires s’invitent à la table des employeurs et des salariés. Une sorte de routine qui, cette année, s’inscrit dans un contexte nouveau : celui de l’inflation. Dès lors, chaque partie doit revoir ses positions. D’autant que le marché de l’emploi se tend. Même si les vétérinaires sont habitués depuis longtemps à composer avec le manque de forces vives. Cela entretient des prétentions salariales plutôt élevées de la part des candidats à l’embauche comme des collaborateurs en place. Paradoxalement, depuis quelques années, les exigences salariales avaient plutôt été supplantées par d’autres préoccupations en lien avec la qualité de vie au travail. La hausse des coûts de la vie vient chambouler le paysage.
Des augmentations au programme
La dernière enquête HelloWork, réalisée fin novembre 2022, révèle que « deux tiers des collaborateurs envisagent de demander une augmentation, à la fois en récompense de leurs réussites professionnelles et comme coup de pouce face à l’inflation ». En moyenne, le panel interrogé compte demander une revalorisation de 1 % à 22 %, mais plus de 10 % des salariés souhaitent une augmentation de 15 %. Les employeurs ont d’ores et déjà bien assimilé cette nouvelle donne. L’enquête d’HelloWork note ainsi que 88 % d’entre eux sont prêts à augmenter les salaires cette année. Ils sont même près de la moitié à affirmer qu’ils ont prévu une enveloppe globale plus élevée que d’habitude en raison de l’inflation. « L’augmentation moyenne prévue par les recruteurs oscille entre 1 %, pour plus de 10 % des recruteurs, et 26 %, pour 3 % d’entre eux », conclut cette étude. Les deux parties semblent donc en phase sur leurs attentes mutuelles. Mais qu’en est-il sur les résultats des négociations ? Pour l’heure, la plupart des négociations n’en sont qu’à leur début, mais, pour les cliniques vétérinaires comme pour les autres entreprises, l’inflation réduit les marges de manœuvre. La hausse des prix de l’énergie pèse grandement sur les charges et beaucoup d’associés de cliniques pensent qu’ils auront du mal à satisfaire les exigences de leurs équipes. « La hausse du coût de l’électricité et des carburants entraînera au bas mot une progression de nos charges de l’ordre de 30 %, alors même que nous avons revu un certain nombre de procédures au niveau de l’organisation du travail nous permettant de réaliser des économies. Ce contexte dont nous peinons à voir l’évolution nous conduit à être prudents sur les rémunérations », avoue un associé d’une clinique d’une dizaine de collaborateurs exerçant en pratique canine et rurale. Un raisonnement partagé mezza voce par beaucoup de ses confrères.
Mobiliser des outils nouveaux
Le manque de visibilité sur l’évolution des coûts plaide en faveur de la mise en place d’outils nouveaux pour améliorer la rémunération des collaborateurs. Certes, les augmentations de salaires ne doivent pas être rayées du champ des possibles, mais les spécialistes des négociations salariales estiment que la période est favorable à l’innovation. « Si la hausse du coût de la vie va nécessiter pour beaucoup d’entreprises une revalorisation de leur politique salariale afin de conserver leurs salariés dans un marché de l’emploi tendu, il reste des incertitudes économiques importantes avec la crise énergétique, les risques de nouvelles vagues de Covid et la guerre en Ukraine. L’employeur aura donc intérêt de privilégier des outils dont la durée de vie sera limitée ou dont la suppression sera facilitée », indique Olivier Castel, expert en droit du travail et relations sociales. À cet effet, la prime de partage de la valeur mise en place l’été dernier (voir encadré) peut être un moyen nouveau de redistribuer du pouvoir d’achat. C’est peut-être également le moment de mobiliser des dispositifs plus classiques, à l’image des titres-restaurants avec une hausse de la participation patronale sur les titres remis aux salariés. Le plafond maximal est fixé à 5,92 euros depuis le 1er septembre 2022, au lieu de 5,69 euros. Pour les cliniques qui ne l’ont pas encore appliqué, le forfait mobilités durables permet à l’employeur de prendre en charge jusqu’à 700 euros par an par bénéficiaire, voire 800 euros si le bénéficiaire cumule avec la prise en charge obligatoire de 50 % du coût d’un abonnement aux transports publics. Ce forfait ne peut être attribué qu’aux salariés qui pratiquent le vélo, le covoiturage et autres mobilités douces pour leur trajet domicile-travail. Enfin, d’autres dispositifs comme les comités d’entreprise externalisés peuvent permettre d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés.
Engager les discussions
Avant de définir la politique d’augmentation salariale, cette année plus que les autres, le temps est à la négociation. Individuelle lors des entretiens d’évaluation bien évidemment lorsqu’il s’agit des augmentations de salaires, même si une partie de la hausse peut provenir d’une majoration collective. Mais en amont rien n’interdit d’interroger plus globalement les collaborateurs sur leurs attentes en matière de rémunération. De ces temps d’échange naîtront probablement des idées sur les moyens de satisfaire ces attentes, mais également sur la façon dont ces avantages et augmentations pourront être organisés dans le temps. Pour plus d’efficacité, il est préférable de porter à la connaissance des salariés les différents outils que l’on peut envisager de mobiliser en présentant leurs atouts et leurs inconvénients pour les collaborateurs mais aussi pour la clinique. Chacun pourra ainsi peser le pour et le contre avant de se prononcer. En outre, ces discussions permettront très certainement de dégager des solutions plus consensuelles. Dans un secteur où attirer et retenir des talents était déjà très difficile, les dirigeants de clinique vétérinaire ne peuvent pas faire l’impasse sur les revendications de leurs collaborateurs, mais l’inflation les oblige eux aussi à jouer la carte de la prudence, sous peine de mettre leurs structures en danger.
La prime de partage de la valeur
Mise en place en fin d’année dernière, la prime de partage de la valeur, anciennement dite prime Macron, permet de verser jusqu’à 3 000 euros par année civile par bénéficiaire et même jusqu’à 6 000 euros dans le cas notamment où l’entreprise dispose d’un accord d’intéressement. Sa mise en place doit faire l’objet d’un accord d’entreprise conclu par une convention ou un accord collectif, par un accord entre l’employeur et les représentants des organisations syndicales représentatives dans l’entreprise, par un accord conclu au sein du comité social et économique ou par ratification, à la majorité des deux tiers du personnel, d’un projet d’accord proposé par l’employeur. L’employeur peut également la décider de façon unilatérale. Cette prime peut être versée en une ou plusieurs fois de manière uniforme à tous les salariés, ou être modulée en fonction de critères tels que l’ancienneté ou le niveau de rémunération. Enfin, cette prime est exonérée de cotisations sociales, et les salariés gagnant jusqu’à trois fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance bénéficient en plus d’une exonération d’impôt sur les revenus.