EXPRESSION
Auteur(s) : Tanit Halfon
Selon le dernier rapport* du suivi des ventes des antibiotiques en France, l’exposition des chats et des chiens a augmenté de près de 10 % entre 2020 et 2021. Ce constat s’inscrit dans une tendance globale à la hausse depuis 2016, avec pour conséquence un niveau d’exposition aux antibiotiques proche de celui de 2011.
Fanny Bernardin (A 07)
Spécialiste européenne en médecine interne des petits animaux de compagnie (Ecvim-CA-IM, EBVS), présidente du bureau du Gemi de l’Afvac
Renforcer la formation
Malgré ces données, sur le terrain je constate des améliorations. La prescription de quinolones et de céphalosporines de troisième génération me semble moins systématique. Les propriétaires sont plus demandeurs de réponses précises sur la maladie de leur animal avant la mise en place d’un traitement. La pandémie de Covid-19 les a sensibilisés aux termes médicaux de sérologie, PCR et autres recherches étiologiques. Il reste toutefois un vrai enjeu de formation des vétérinaires sur les indications d’une bactériologie suivant le contexte clinique, l’interprétation des résultats et de l’antibiogramme associé, le spectre d’activité des antibiotiques, etc. Je vois encore trop de cas, dans ma pratique de référés, d’animaux avec des prescriptions inutiles sur la base de résultats de bactériologie qui n’avait pas même lieu d’être demandée. Je pense notamment aux coprocultures ou aux écouvillons nasaux. Les laboratoires d’analyses médicales sont partie prenante pour aider à améliorer ces pratiques, et les cliniciens ont tout intérêt à échanger directement avec eux sur leurs cas. On peut malgré tout se questionner sur le niveau de restriction des antibiotiques en pratique canine : doit-on appliquer le même cadre réglementaire aux animaux de compagnie qu’aux troupeaux ?
Nicolas Layachi (Liège 03)
Praticien en médecine féline à Bordeaux (Gironde)
Prendre en compte le facteur humain
On ne pourra pas améliorer le recours aux antibiotiques sans travailler sur le facteur humain. En effet, on a naturellement tendance à prendre des raccourcis intellectuels, nourris par ses biais, pouvant amener à un choix thérapeutique non optimal. Par exemple, une expérience clinique positive (un résultat) sans antibiotique pourra inciter à réduire leur usage ; au contraire, une expérience négative (telle une morbi-mortalité associée à un non-usage des antibiotiques) pourra conduire à en utiliser de manière plus systématique : par peur ou par incertitude, pour se protéger… Dans ces conditions, pour avancer, il faut aller au-delà de la seule logique de contrôle et rendre les vétérinaires responsables devant eux-mêmes, en leur donnant des armes et des outils, des encouragements, des explications et de l’accompagnement. Il n’est pas naturel de tout savoir et de tout connaître à tout moment, et la stigmatisation ne fera qu’aggraver le problème. Cela passe par beaucoup de formation, mais aussi du reformatage pour lutter contre les croyances et les méconnaissances. Tout cela nécessite un travail personnel important et beaucoup de discipline ainsi que la mise en place de garde-fous sous forme de check-lists et de protocoles. Des grilles validées et de consensus, simples et pratiques, permettraient de faire un choix cohérent et raisonnable, au bon moment.
Nicolas Gay (A 78)
Référent AntiBio.ref pour les vétérinaires praticiens
S’inscrire dans le One Health
La réponse est assurément affirmative. Une baisse de la prescription d’antibiotiques avait été observée au cours des premières années qui ont suivi le plan Écoantibio 1. Les moyens financiers accordés à l’époque nous avaient permis une communication efficace. Aujourd’hui, pour retrouver cette tendance initiale, il nous faudra d’abord comprendre les causes de cette régression, qui sont certainement multiples. Les nouvelles générations de cliniciens ont-elles suffisamment été sensibilisées ? La hausse de la médicalisation des animaux de compagnie est-elle partiellement en cause ? L’augmentation des hospitalisations et des soins intensifs favorise-t-elle les maladies nosocomiales, alimentant la surutilisation des antibiotiques ?… La lutte contre l’antibiorésistance nécessite un effort collectif, et les vétérinaires canins ont leur part à prendre. Ils ont à leur disposition des fiches de recommandations rédigées par l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie, récemment mises à jour. Le site Antibio.ref permet au praticien confronté à une antibiorésistance de disposer d’une aide sous forme d’échanges avec un vétérinaire référent ; il reste largement sous-exploité.