Nutrition
FORMATION MIXTE
Auteur(s) : PROPOS RECUEILLIS PAR CHANTAL BÉRAUD Conférencière Pr Véronique Julliand, experte en physiologie de la digestion du cheval (UMR procédés alimentaires et microbiologiques, AgroSup Dijon). Article sur les prébiotiques, synbiotiques et postbiotiques en pratique équine, rédigé d’après la présentation au congrès Lab To Field en novembre 2021 à Dijon.
Il existe des définitions consensuelles de ce que sont les prébiotiques, synbiotiques et postbiotiques, d’après l’Isapp*. Les prébiotiques sont « des substrats utilisés de manière sélective par les micro-organismes de l’hôte et qui confèrent un bénéfice en termes de santé à l’hôte ». Le terme « substrat » a donc été choisi pour désigner une substance qui permet de nourrir un micro-organisme et le verbe « utilisé » renvoie à une notion de croissance par la nutrition. Les agents antimicrobiens sont donc exclus de cette définition. Les synbiotiques, eux, sont définis « comme un mélange comprenant des micro-organismes vivants et des ingrédients alimentaires utilisés de manière sélective par les micro-organismes de l’hôte et qui confère un bénéfice en termes de santé à l’hôte ». D’emblée, je précise que, les concernant, il y a très peu d’études aujourd’hui chez le cheval rapportant l’effet de tels mélanges.
Une définition des postbiotiques
S’agissant des postbiotiques, ce sont « des préparations de micro-organismes inanimés et/ou leurs composants qui confèrent un bénéfice en termes de santé à l’hôte ». Ce sont donc des préparations spécifiques qui doivent décrire les micro-organismes présents, la matrice et la méthode d’inactivation utilisée pour les tuer. Des métabolites purifiés (butyrate, lactate) en absence de la biomasse microbienne ne sont donc pas considérés comme des postbiotiques. Leur utilisation en pratique équine est beaucoup moins connue qu’en médecine humaine. En fait, aujourd’hui, nous n’avons pas de recul concernant leur utilisation pour le cheval. Mais, qui sait, ce seront peut-être demain des produits innovants qui ouvriront de grandes perspectives en équine aussi ?
Focus sur les prébiotiques d’aujourd’hui
Beaucoup de substrats glucidiques fermentescibles ont démontré des effets prébiotiques, mais ceux qui ont fait l’objet du plus grand nombre de travaux de recherche en alimentation animale sont les fructo-oligosaccharides (FOS) et les galacto-oligosaccharides. Quelques études ont été conduites chez le cheval pour évaluer in vivo l’effet d’une distribution de FOS à courte chaîne (scFOS). Il ressort qu’une forte augmentation des streptocoques et des bactéries utilisatrices de lactate est observée dans l’estomac des chevaux recevant des scFOS, ce qui démontre un impact des prébiotiques dans ce compartiment. Par conséquent, comme une fermentation de ces produits commence dès l‘estomac, ils n’arrivent pas entièrement dans le gros intestin. Toutefois, des effets intéressants de l’apport de scFOS pour la santé intestinale des chevaux ont été rapportés lors d’une introduction brusque de céréales riches en amidon. L’apport de scFOS a limité la perturbation qui était observée chez les chevaux contrôle non supplémentés. Ces résultats suggèrent que la distribution de scFOS pourrait permettre une plus grande stabilité et une meilleure résistance du microbiote lorsque le cheval est soumis à un changement alimentaire brusque.
Jusqu’aux prébiotiques de demain…
De nouveaux candidats prébiotiques constitués de fibres solubles ou insolubles commencent à être étudiés chez le cheval : ce sont des substrats qui arrivent intacts et qui fermentent entièrement dans le gros intestin équin. Par exemple, étudier davantage les effets d’une supplémentation en cellobiose est une piste intéressante, de même pour les polyphénols. À ma connaissance, aucune étude in vivo n’a encore été conduite pour étudier l’effet des polyphénols sur le microbiote intestinal et sur la santé du cheval, mais d’intéressants travaux in vitro suggèrent que des extraits de pépins de raisin riches en polyphénols pourraient stimuler l’activité microbienne.
Attention aux dangers du surdosage !
L’utilisation de ces nouveaux produits peut être délicate car si moduler favorablement l’écosystème microbien par l’alimentation est possible, cela nécessite néanmoins de définir « le microbiote optimal » du gros intestin. Or cela est complexe à établir, notamment parce qu’il existe un fort effet individuel. Quand les connaissances et les outils le permettront, cela nécessitera probablement de prescrire des recommandations individualisées, adaptées à chaque cheval !
Pour tous ces produits, la question du calcul du bon dosage est également fondamentale. Par exemple, on entend parfois dire qu’une supplémentation en FOS peut entraîner l’apparition de fourbures. C’est à la fois vrai… et faux ! Il y a longtemps, les inulines ou FOS ont effectivement, par exemple, été utilisés pour générer des fourbures expérimentales. Cependant, les doses qui peuvent être à risque sont environ cent fois supérieures à celles recommandées pour observer un effet prébiotique (soit une dizaine de kilos en une prise unique). Respecter les doses recommandées est donc primordial : à trop haute dose, certains prébiotiques peuvent être à l’origine de trop fortes fermentations dans l’estomac ou dans le gros intestin du cheval, qui peuvent s’avérer dangereuses.
Avec de passionnantes perspectives ?
Pour l’heure, nos connaissances sont encore très éparses pour l’espèce équine. Mais j’espère que, ne serait-ce que d’ici à deux-trois ans, d’autres recherches auront bien avancé et que l’on pourra être en mesure de parler de nouveaux produits, de nouvelles souches utilisables, avec de nouvelles fonctions portées… Je pense également que nous disposerons de meilleures connaissances du microbiome, notamment sa relation à l’ensemble du cheval, pour mieux comprendre ses interactions et son rôle aux niveaux métabolique, immunitaire ou même neurologique.