Spécificités de la stérilisation des petits mammifères - La Semaine Vétérinaire n° 1984 du 07/04/2023
La Semaine Vétérinaire n° 1984 du 07/04/2023

NAC

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Mylène Panizo

Conférencier

Minh Huynh, diplômé de l’European College of Zoological Medicine et de l’American Veterinary Medical Association, spécialiste en médecine des nouveaux animaux de compagnie, médecine aviaire et médecine zoologique.

Article rédigé d’après une webconférence organisée par le centre hospitalier vétérinaire Frégis à Arcueil (Val-de-Marne) le 24 janvier 2023.

Chez les nouveaux animaux de compagnie (NAC), la stérilisation peut être indiquée pour prévenir l’apparition de maladies (tumeur utérine chez la lapine, tumeur mammaire chez la ratte), pour éviter la reproduction en cas de cohabitation entre mâles et femelles (espèces généralement prolifiques et grégaires) ou pour limiter certains comportements indésirables (marquage urinaire, agressivité).

Cet article traitera uniquement des lapins, cobayes, rats et furets. Il importe d’être informé sur les particularités de ces petits mammifères pour bien conseiller les propriétaires et minimiser les complications potentielles liées à la stérilisation.

Particularités physiologiques des petits mammifères

Chez le lapin, la maturité sexuelle peut être atteinte dès l’âge de 3 mois. La lapine est en chaleurs pendant quatorze jours, environ tous les deux mois. La gestation dure un mois, et une femelle peut donner naissance à quatre à douze petits. Le retour en chaleurs s’effectue douze heures après la mise bas, il faut donc impérativement isoler la lapine du mâle dès l’arrivée des lapereaux afin d’éviter une nouvelle gestation. Il est conseillé de stériliser les femelles avant l’âge de 2 ans, car 75 % d’entre elles présentent une tumeur utérine après l’âge de 3 ans. La stérilisation permet également de prévenir l’apparition de tumeurs mammaires et de pseudo-gestations, et limite le caractère territorial en cas de cohabitation avec d’autres lapins.

Le cobaye a une durée de gestation variable (entre 59 et 72 jours), la femelle donne naissance entre un et dix petits. Comme la symphyse pubienne s’ossifie avec l’âge, la reproduction est recommandée avant l’âge de 8 mois. La castration des mâles est indiquée en cas de cohabitation avec des femelles ou chez des cobayes âgés en cas d’impaction ou d’infection du cloaque. Chez les femelles, la stérilisation avant l’âge d’un an permet de prévenir l’apparition de kystes ovariens et de tumeurs utérines.

Le furet acquiert sa maturité sexuelle entre 4 et 8 mois. Il se reproduit au printemps et à l’été. C’est une espèce prolifique (quatre à dix-huit furetons, deux portées par an), la gestation et la lactation durent quarante-deux jours. Puisque l’ovulation est provoquée par le coït, la furette est en chaleurs de façon permanente si elle n’est pas en contact avec un mâle. Cet hyperœstrogénisme devient toxique pour la moelle osseuse au fil des mois, entraînant une anémie qui peut être mortelle. Il est donc conseillé de stériliser la furette avant les premières chaleurs.

Chez le rat, la maturité sexuelle est atteinte entre l’âge de 6 semaines et de 5 mois. La durée de gestation est de vingt-trois jours. La ratte peut avoir entre un et dix petits, et de trois à six portées par an. La castration est indiquée en cas de cohabitation avec des femelles, pour diminuer le marquage urinaire et pour limiter des comportements agressifs. Chez la femelle, la stérilisation précoce est recommandée pour prévenir l’apparition de tumeurs mammaires.

Conseils préopératoires

Il faut toujours avertir les propriétaires que l’anesthésie d’un NAC est toujours risquée. Le risque de mortalité chez le lapin est évalué entre 1 et 4 % selon les études. Chez le cobaye, il est élevé (proche de 4 %). Chez le rat, il est estimé à 2 %. Le furet présente un risque anesthésique proche de celui évalué chez le chat (0,25 %), soit près de 0,3 %*.

En cas de cohabitation, il est utile de recommander au propriétaire d’amener les deux animaux. Cela réduit le stress du patient, et évite qu’au retour de la clinique il ne soit plus reconnu (en raison des odeurs différentes) par son congénère (et donc agressé). À défaut, il est judicieux d’apporter un linge imbibé de l’odeur du congénère. Il est important de laisser les NAC dans une pièce à part, calme et éloignée de celles des chiens et des chats pour limiter leur stress.

Il ne faut jamais mettre à jeun un NAC. En effet, le transit digestif des lapins doit être actif en permanence. Les furets sont sujets à l’hypoglycémie. Il est conseillé de bien nettoyer la bouche des cobayes (qui présentent souvent de la nourriture au fond de la cavité buccale, cela afin d’éviter les inhalations de nourriture), ou bien d’effectuer une mise à jeun d’une heure au plus.

Choix de la technique de stérilisation

Chez les furets et les rats (mâles et femelles), la pose d’un implant de desloréline est recommandée. En effet, chez la furette, la stérilisation chirurgicale favorise l’apparition de tumeurs surrénaliennes. Chez cette espèce, la durée d’efficacité de l’implant de 4,7 mg est d’un à quatre ans, celui de 9,4 mg (le seul qui a une autorisation de mise sur le marché pour les furets) dure généralement de deux à quatre ans.

Chez les rats, l’implant dure environ deux ans (soit la durée de vie du rat), il est posé sous anesthésie flash. Il permet d’éviter les complications chirurgicales (essentiellement liées à l’automutilation de la cicatrice). Si une chirurgie est envisagée, la castration est réalisée par voie scrotale et l’ovariectomie effectuée en positionnant la ratte en décubitus dorsal (deux incisions à l’arrière des côtes). Le conférencier préfère utiliser de la colle chirurgicale pour la fermeture cutanée plutôt que des fils.

L’implant de desloréline est peu efficace chez les lapins et les cobayes.

La castration du lapin peut s’effectuer par technique scrotale, à testicules couverts ou découverts. Les testicules remontent dans l’abdomen, il faut donc veiller à bien tondre le scrotum crânialement et latéralement. Le conférencier conseille d’appliquer de la colle chirurgicale plutôt que des fils sur le scrotum. Chez la femelle, une ovariohystérectomie est systématiquement pratiquée, en raison des risques élevés de rémanence ovarienne si seule une ovariectomie est réalisée. La technique est similaire à celle sur la chatte, mais il faut faire très attention au cæcum à l’ouverture de la cavité abdominale.

La castration du cochon d’inde est l’une des chirurgies de convenance chez les NAC présentant le plus de complications, notamment des surinfections, en raison du frottement du scrotum sur le sol et de la présence d’un cloaque chez ces animaux. La technique peut être scrotale (comme chez les lapins), ou abdominale qui est préférable car il a été démontré qu’elle est plus rapide et associée à moins de complications. L’ovariectomie du cochon d’inde présente une difficulté technique, liée à la présence de la masse digestive et par le fait que le ligament suspenseur de l’ovaire est très court. L’ovariectomie par les flancs est recommandée, en plaçant l’animal en décubitus ventral (pour garantir meilleure ventilation) et en incisant à l’arrière des côtes. L’ovariohystérectomie est pratiquée en présence de kystes ovariens car ils sont souvent associés à une affection utérine. Une laparotomie médiane sera alors effectuée. L’utilisation d’hémoclips limite la traction sur les ovaires et augmente la rapidité d’exécution.

Soins et surveillance postopératoires

Afin d’éviter les ralentissements de transit, il faut réalimenter (si nécessaire par gavage avec un aliment de convalescence) le plus rapidement possible, c’est-à-dire dès que la déglutition est possible.

La gestion de la douleur est primordiale, et il est recommandé d’administrer des analgésiques opiacés (buprénorphine à 0,05 mg/kg/8 h ou de la méthadone à 1-2 mg/kg/4 h) ou des anti-inflammatoires non stéroïdiens (méloxicam à 1 mg/kg/j).

Des antibiotiques sont administrés uniquement en cas d’infection de la plaie, dans l’idéal après avoir réalisé un antibiogramme.

Il est nécessaire de lubrifier fréquemment la cornée, notamment chez les lapins, sujets aux ulcères cornéens lors des anesthésies.

Un tiers des complications postopératoires sont digestives (notamment chez les lapins de grande taille). La stérilisation des NAC peut entraîner d’autres complications, comme l’anorexie (liée principalement à la douleur), les infections ou les déhiscences de la plaie (principalement par automutilation), l’apparition d’une hernie inguinale ou d’une rémanence ovarienne.

  • * Brodbelt D. C., Blissitt K. J., Hammond R. A., and al. The risk of death: the confidential enquiry into perioperative small animal fatalities. Vet Anaesth Analg. 2008;35(5):365-73.